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Photo du rédacteurCristina Moscini

Aileen Wuornos en vogue

Dernière mise à jour : 27 avr. 2021


Quand, au plus fort de la mode de tripper sur les tueurs en série, le vent tourne porté par une nouvelle vague de fans pour l’une des plus polarisantes figures, on peut se poser quelques questions sur le phénomène, et réfléchir sur qui ça incombe, et pour quelles raisons.

Dahmer, Gacy, Bundy, Ramirez, l’étrangleur de Boston, Kemp et compagnie. En films, séries. Tous ces criminels célébrés par de multiples itérations à l’écran et combien d’autres livres, ont en commun d’être des hommes qui ont un fan base assez solide, constitué d’hommes et de femmes, qui, certes sont en mesure de reconnaître le morbide de l’idole qui les fascinent, mais qui ne s’empêchent pas non plus, de raccourcir le lien de la monstruosité qui les habitaient vers l’humain que ces meurtriers n’étaient plus.

On excuse presque une série de meurtres sordides pour cause d’une mère absente, d’une épouse qui a quitté, d’une jolie fille au lycée qui les a refusé. Pour Wuornos, encore à ce jour on tord la vérité que cette femme a choisi de tuer ses agresseurs. Pas des gentils quidams traqués au sortir de l’école ou de la job. Des abuseurs qui sollicitaient des services, et qui sont rentrés à coups de bassin dans une toile tissée de fatalité. On était dubitatif dans les médias et en cour qu’une femme, même travailleuse du sexe, aurait eu affaire en carrière à jusqu’à 7 agresseurs. En carrière ? Pourquoi pas en une semaine, en un mois ? C’est montrer à quel point l’aveuglement volontaire de la bonne société sur les travailleuses marginalisées est fort :


À l’heure où même sous le torrent d’années maintenant de dénonciations, aucune loi, aucune mesure n’est mise en place pour l’éducation sexuelle de la prochaine génération, pour la démarginalisation de la prostitution, et l’encadrement des travailleurs du sexe. J’entends que de mettre en lumière les métiers marginalisés, de permettre à ses actants d’avoir une sécurité, d’au moins marcher vers une reconnaissance au niveau fiscal, moral, etc., serait un progrès dont tous bénéficieraient. L’humanité, ça commence par la dignité et les droits. Et d’être crue, entendue. Il n’est pas étonnant qu’une femme ayant décidé de se faire justice devienne en quelque sorte une héroïne de la nouvelle génération.

On excuse quasiment Kemp de ses crimes atroces parce que sa mère était abusive, négligente, on permet à un Rozon de marcher comme un homme libre et poursuivre celles qui ont osé sortir de leur silence, mais on ne pardonne pas, on ne croit pas une Wuornos qui a été abusée, violée, volée par une série d’agresseurs anonymes et impunis. On ne permet pas de lui reconnaître ce stresseur qui aurait pu la faire agir de la sorte.


Est-ce que c’est parce que c’est une femme, et que la femme devrait selon les codes établis et pas décâlissables se transformer, se soumettre, se teindre, se corsetter, se faire petite, se changer bref, au gré des modes des sociétés mais que boys will be boys, always ? Fort à parier qu’y en a un peu pour quelque chose.



Sur Tiktok, des bouts d’entrevue avec la tueuse qui explique sa version des faits. Et dans les commentaires, des centaines d’ados qui répliquent QUEEN ! YASSS ! SLAY DAT PATRIARCHY, SIS ! Et plus encore avec des emojis de feu, de bras en l’air. Je souris un peu, dois-je l’avouer, même si ça m’apparaît un peu foireux, comme vouloir refaire un Ghostbusters de filles, comme si miroirer le pendant féminin par crimes semblables feraient balanswinger la balance cosmique d’une justice hypothétique. J’entends par là qu’on peut se trouver des icônes fortes sans qu’elles aient enlevé la vie de d’autres êtres humains, si crottés soient-ils. Mais que veux-tu, dans une société qui ne veut ni t’écouter ni te sauver quand tu appelles à l’aide, se défendre c’est tout ce qu’y doit rester.


Et quand je dis que ça #trend, c’est réel.



Il y a eu le film Monster, puis American Horror Story qui ont fait revivre Aileen depuis son exécution en 2002 (belle occasion de se questionner sur le pourquoi que certains de ses comparses masculins demeurent en prison à vie à lire les lettres d’amour qu’ils reçoivent alors que l’exécution pressait pour madame), et maintenant, de plus en plus, du fan art d’Aileen. Des Tiktoks aussi. Morbide ? Autant morbide que ce groupe de 9000 internautes ayant déclaré *à la blague* que le 24 avril dernier serait la journée internationale du viol ?



Comme si, né d’un ras-le-bol de ne pas être écoutées lorsqu’elles criaient à l’aide, une icône a rejailli des enfers pour servir les idéaux de milliers qu’on tient toujours à museler, encore aujourd’hui, encore (soupir) demain.



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