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  • Photo du rédacteurCristina Moscini

Embrasse ton style de merde


Réflexion sur l’obsolescence programmée des micro-tendances.


Depuis 2020, la consommation de biens a changé de façon aussi résolue qu’inquiétante dû à la pandémie. Plus loin que la chaîne d’approvisionnement, en confinement, les gens se sont retrouvés avec leur ordinateur ou téléphone dans les mains… à magasiner.


C’est pas un article relié directement à la dépendance ici, si ce n’est la consommation, ou le danger qui guette peut-être davantage les dépendants, avec les achats compulsifs. Bien que, je crois que le magasinage en ligne accuse une croissance, tout niveau de drogué-pas drogué z’inclus.


Et par le passé, dans la vague 1 de la pandémie, alors que j’étais moi-même dans la « vague 1 » de ma sobriété, je me suis questionnée sur mes habitudes d’achats changées avec l’abstinence. Je bois pas, je consomme parlait de cette urgence à tout vouloir tout de suite quand on passe de consommateur dépendant à sobre. Les trois T, fameusement appelés : Toute, Tu-suite, Tabarnak. À ce moment-là, la pandémie, comme des millions de terriens, me gardait encloisonnée à l’intérieur, confinée avec du wifi et une carte de crédit. Je m’en suis sortie sans trop de dommages, mais j’ai effectivement remarqué la compulsion qui s’installe dans la moindre petite envie de changer le modèle de serviettes à mains de la salle de bain qui se transforme en rénos puis en papier peint à motif assorti…


La société de consommation encourage ça à cœur joie.


Que t’achètes une caisse de 40 onces ou une chiée de pochoirs dernier cri, tant que le cash sort de toi, le capitalisme est content.

Pour faciliter l’assimilation de ces tendances, des placements de produits de plus en plus savants et sournois se glissent dans nos fils d’actualités. On n’est quelqu’un maintenant que si l’on est sponsorisé. La marque Skims de Kim Kardashian a doublé de valeur en avril dernier pour atteindre 3,2 milliards. Pas pire, pour une compagnie de gaines et lingerie d’intérieur crée il y a moins de cinq ans. Bon, j’avoue ici que produire du linge d’intérieur à une époque où la population vit essentiellement « en-dedans » est un judicieux pari. Toutefois, la visibilité de cette compagnie par exemple est exaltée sur des milliers de jeunes influenceuses et influenceurs sur Titktok et Instagram. Dans de courtes vidéos de 7 secondes à peine, on voit naître des micro-tendances qui ne durent parfois que 4 ou 5 jours avant de devenir cheugy*.


*CHEUGY [tchew-ghee] n.f. Se dit d’une tendance mode très basique ou légèrement périmée. Ex. : Si vous possédez du linge de 2016-2017, vous êtes cheugy. Mais attention, si le linge date d’avant, il est peut-être considéré comme revival, ridicool, ou pré-vintage.

Qu’est-ce que je crisse sur Tiktok à 34 ans ? Je m’inspire et j’absorbe les tendances, dialectes et voies de communications des jeunes générations, qui recyclent les styles plus vite que leur ombre. C’est une façon à la fois fascinante et terrifiante de voir le capitalisme aller en temps réel.


Avec la mode, depuis le début des temps, on se dissocie de ce qui a été fait avant, on se distingue des autres communautés, on s’affiche pour se signaler. Notre plumage vaut notre ramage, comme dirait de La Fontaine.


Les modes sont présentes au niveau langagier : ce qui était hip est devenu cool, puis ce qui était cool est devenu hot, ce qui était hot est devenu in, ce qui est devenu in est devenu trendy, and in all and all, it is all Gucci. Le dialecte change pour casser les générations et sectoriser des groupes plus spécifiques, plus homogènes. C’est la nature humaine qui le poursuit ainsi. En adoptant telle ou telle tendance, on s’inclut dans un groupe dans lequel on se sent safe, on se sent vu. Le niveau de prestige ou de crasse désiré varie selon ce à quoi on veut s’identifier : Sid and Nancy ou Julia and Kanye*.


*Si vous avez une vie occupée (pas comme moi apparemment), vous n’avez peut-être pas remarqué que Kim Kardashian et Kanye West ne sont plus ensemble. Et que maintenant, autant avec leurs nouveaux partenaires, ces deux très célèbres figures du capitalisme en fin de vie dans toute sa splendeur de mégalomanie et de thésaurisation des richesses, s’habillent exclusivement en Balenciaga, coïncidemment à chacune de leurs sorties publiques, largement photographiées, filmées, taguées en stories. On apprenait cette semaine que Mme K. est la nouvelle porte-parole de la compagnie de vêtements de luxe (qui détaille leur t-shirts à 825$ et leurs shoeclaques à 1050$), chiffrée à 1,7 milliards.


Qu’est-ce que ça crisse, des chiffres gros comme ça ? Ça crisse que ça encourage la consommation de masse pour des produits aux pratiques éthiques douteuses et aux procédés polluants que le christ (l’industrie textile est la 2e source de pollution mondiale), pour en fait ne reproduire qu'un simulacre du glamour qui sera périmé la semaine d’après, quand les idoles porteront des vestes en jeans et des cols roulés, au lieu de des bottes de ski-doo avec des pantalons de cuir, vous voyez le genre ?


En aucun cas, dans cette jeunesse tiktokienne qui a l’index direct sur le pouls des modes, on encourage le reduce-reuse-recycle. Ou si cette voix existe, elle est très faible à comparée aux claironnantes sirènes d’achats via Amazon.


Et, toujours avec mon point de vue de dépendante qui ne consomme plus, pas cassée mais pas loin, j’observe ces tendances en constatant la grande faille de ces géants de la mode : l’incapacité à rejoindre les p’tits pauvres. Ou l’incapacité à réellement capturer l’essence organique de la vie humaine, banale.


L’esthétique de la banalité nous est revendue à coup de milliers. Quelle farce obscène dans leur plus récente campagne, de voir leurs modèles poser accotés sur un calorifère à l’ancienne à proximité d’un matelas par terre pas de sommier... dans un coat à 10 000$ ! C'est essentiellement du cosplay de pauvreté, revendu à gros prix.


Et puis ça part, et ça revient.



Quelle ironie aussi de voir la mode des années 2000 revenir à la corde de string près. Faisons alors de notre vieux linge une tendance assumée. Toute esthétique est de l’esthétisme. En portant nos fringues et notre déco « cheugy », « basic AF » de façon intentionnelle, on fait pivoter la mode. Qu’est-ce qui sépare après tout les jumelles Olsen et le sans-abri moyen ? Le Birkin bag et la tasse Starbucks.



Soyons futés, soyons démodés.


La prochaine fois que je scrolle sur mon cell et que je vois une fille de 19 ans faire un tutoriel comment faire une séparation en zigzag avec des pinces papillons, j’embrasserai mon style de merde, avec la patience d’attendre trois semaines avant qu’il revienne à la mode... encore.


* * *



Parlant de mode, vous serez mieux d’attendre et investir dans des morceaux de qualité… comme de la merch de vêtements sobres que je vais annoncer dans quelques jours ! 😉 Tsé, pour être conséquente.

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