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Photo du rédacteurCristina Moscini

Se guérir avec un six pack d’eau plate

Dernière mise à jour : 12 août 2021



À travers les 520 jours qui me séparent de mon dernier verre, la récurrence que j’observe qui est la plus fervente, n’est pas le désir de boire, mais l’impatience qui ronge mes sens.


Je crois que je suis impatiente de naissance. Née une semaine plus tard que prévu, j’ai dû taper du pied dans l’utérus avant de sortir et vivre cette vie au plus crisse, le feu au cul, goulot en gueule. Je suis impatiente, peut-être, parce que ma Lune est en Bélier, que j’ai Mars en Lion, ce qui, les astrologues que je follow sur Tiktok pourront vous le confirmer, fait de moi un individu zodiaquement incliné à claquer des doigts et à demander « Yé t’à quelle heure, le punch, mon pit ? ». Toute ma jeune vie, j’étais pressée. Mon premier bec, mon premier slow, ma première branlette; le tout cédulé pendant le même soir pendant une Saint-Jean-Baptiste à Sainte-Brigitte. Je veux que tout m’arrive, et que ça arrive vite, saint-crisse ! Dans l’usage de substances, j’étais un trou sans fond. Pendant que les autres finissaient leur premier verre, je terminais ma première caisse. Iglou fast and iglou furious, vous chose.


J’étais impatiente dans mon buvage, dès mes premières brosses, où novice, j’en payais le prix en dégueulant copieusement mon trop plein de 4 litres de draft au Delzie pour mieux revenir m’assire et recontinuer à boire. Faire taper ses doigts sur le comptoir d’une main, et caler des pintes de l’autre. Vite.


Comme si le fil des semaines qui deviendrait des années n’était qu’un éternel dernier cinq minutes avant le last call.


Toujours cette chasse au cœur, à courir après le moment, à fuir l’inconfort, à la conquête de cet évanescent sentiment d’être apaisée, en sérénité avec l’univers. Jamais capable de capturer l’intangible, d’en arriver à cette satiété de l’esprit, éternellement assoiffée, rarement véritablement désaltérée.


Le bonheur, c’est fugace, tout le monde le sait. Mais je m’étais crée une recette en laquelle j’avais foi : boire toujours plus, et boire toujours plus vite. Et c’est devenir ce personnage avec un drink dans chaque poing. C’est se cimenter dans la lie des cabernets avalés sans reprendre souffle. C’est de regarder l’heure avec la hantise du bar qui ferme, avec la hâte des frigos du dép qui réouvrent. Boire. Tic tac. Ça fait passer le temps, quand on est impatient.


Et dans ma carrière d’alcoolique, j’ai en effet réussi à effacer les heures qui passaient si lentement, j’ai réussi à faire disparaître des jours complets du fond de mon lit. L’horloge jouait enfin en ma faveur, en fait ma défaveur.


Jusqu’au jour où j’ai arrêté. J’ai abandonné cette course que je perdais constamment. Et j’ai pensé que la sobriété allait régler ça aussi, en plus d’autres choses.


C’est pas faux, quand on dit que devenir sobre, c’est d’apprendre à se regarder, tel qu’on est et travailler sur soi pour conserver notre erre d’aller.


Si ça ne se compare pas combien je suis bien maintenant sans boisson, j’ai aussi observé ces comportements, qui me permettent de penser et réfléchir cette impatience et en trouver la racine.


C’est dans tout. Cliquer sur Refresh à chaque minute quand on attend un colis. Crisper les poings sans raison. Se ronger les ongles. Se contrarier dans l’attente d’une réponse, d’un résultat, « parce qu’on y a mis le travail et l’effort ». L’urgence. Dans l’incapacité à s’assoir dans l’inconfort de l’incertitude. D’où ça vient ?


Dans un texte publié sur Thais Sky, on définit l’impatience ainsi :

« L’impatience n’est pas vraiment l’appel de ce qu’on veut, mais plutôt une indication que l’on ne croit pas valoir ce qu’on désire. » (Ça m’a fessé !)

Autrement dit, tant que nous ne pouvons nous targuer de X résultat ou accomplissement, on se sent comme si on ne méritait pas l’approbation, l’amour, la paix. Être certain de l’issue d’un souci est un luxe qui ne vient qu’aux devins. Mais être en paix peu importe l’issue de ce souci (papier-panier-piano), c’est quelque chose qui est à notre portée, même pour nous, les soûlons et drogués…


La source de l’impatience, selon le même texte serait la peur. Et la réponse à cela serait semblable à celle pour traiter l’anxiété : une fois qu’on a mis le travail sur une situation X, il faut apprendre à lâcher prise et à accepter notre impuissance sur l’issue d’un résultat, que ce soit une job, une relation. Notre pouvoir, ultimement, est limité à nos actions, et on a beau caaaa-po-ter autant comme autant, la manivelle de l’univers ne tournera pas plus vite pour nous rassurer. Trouver la vraie patience, c’est trouver un état en absence de colère, en absence de peur. C’est beau même si ça semble loin en char.


Soûle ou pas soûle, cette impatience qui m’habite encore est un Goliath que je dois apprendre à épiler, poil par poil. Et si mon moi du passé rageais devant l’inaction en me clanchant toutes les bouteilles à portée de vue, mon moi du présent desserre lentement les mâchoires, et se doit de continuer d’apprivoiser cette sobriété, comme un petit crisse d’écureuil qu’il ne sert à rien de presser.


Prends un grand verre d’eau, comme on dit. Ça va finir par passer.


Et pour une petite crisse aux cheveux couettés qui était si pressée de mourir, prendre le temps de vivre serait quand même un bon service à considérer.




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📷 Collage avec photo originale de Paul Di Giacomo

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