À la venue de La fameuse Femme-Québec, en librairie et sur les planches du Théâtre La Bordée jusqu'au 23 novembre, j'ai laissé la blogueuse en moi prendre le dessus sur l'autrice de la pièce et j'ai pris d'assaut ses comédiens, en leur posant quelques questions.
Qui sont-iels...
Lise Castonguay, qu'on a vu et à la télévision (Chouchou, L'effet secondaire, District 31), et au cinéma (Antigone, Triptyque, La neuvaine), et au théâtre (Décimées, Parents et amis sont invités à y assister, et récemment dans Heimat à La Bordée) ainsi qu'en récipiendaire de nombreux prix et reconnaissances depuis près de quarante ans de sa carrière campe Quérida Quirion, une artiste de cabarets oubliée dans le Québec d'hier. Ariel Charest, comédienne qui a connu une montée fulgurante et conquis le coeur du Québec dans les dernières années entre autres avec ses lipsynchs et qui est toujours autant sollicitée en télé (Sur la trace, Léo) et au théâtre (récemment avec S'aimer ben paquetée et Pisser debout sans lever sa jupe) joue Martine, une milléniale passionnée par son projet d'émission télé qui ramènera les vedettes obscures sous les feux de la rampe, puis Jérémie Michaud, qui depuis sa récente sortie du Conservatoire on a pu voir à la télé (depuis cet automne dans En résidence sur Unis TV) qui incarne Exan, personnalité populaire des réseaux sociaux non-binaire et Gen Z. La pièce est mise en scène par Nancy Bernier bien connue des scènes théâtrales québécoises avec une multitude de productions célébrées (Le meilleur des mondes, Ici).
Dans La fameuse Femme-Québec, les trois protagonistes tracent des ponts à travers de grands événements de l’histoire québécoise les plaçant en opposition et en alliance par endroits...
Crédit photos : Vincent Champoux
Entrevue de personnages
1. Quelle a été votre première impression de votre personnage ?
LISE : Ma première impression de Quérida…un personnage plus grand que nature, la reine des paradoxes, une battante, prête à tout pour réussir (s’accomplir ?), mais qui fait souvent les mauvais choix. Une femme courageuse, entêtée, influençable. Amoureuse aveuglément sans doute !
ARIEL : À la lecture, j'ai eu beaucoup de compassion pour Martine qui semble être prise dans une grande volonté de perfectionnisme et de valorisation extérieure. Ses ambitions sont nobles mais on sent qu'elle est complexée de ne pas être à la hauteur de ce qu'elle voudrait être. Son manque de tact est parfois grinçant, mais on devine que derrière cela se cache une grande sensible qui veut juste bien faire les choses.
JÉRÉMIE : Au départ, on a quand même le réflexe de penser que c’est quelqu’un de superficiel·le, mais en travaillant le personnage, on découvre, que c’est vraiment un désir d’être connu·e, d’être une vedette, d’avoir X nombre d’abonné·es pour iel. Et ça je trouve ça vraiment intéressant : sans avoir ça, iel n’est plus rien. Être, exister dans le regard des autres, son image est très importante, ne pas vouloir perdre un·e abonné·e, fait que ce désir-là, de plaire, au plus grand nombre de gens, y a un angle plus profond…
2. Si vous aviez à passer une soirée avec ce personnage, où est-ce que vous iriez et pourquoi ?
LISE : Quérida c’est un fleuve de paroles. Je l’amènerais faire silence quelque part. Au cinéma peut-être… Je la laisserais choisir le film. Et on irait au resto ensuite jaser de tout ça ensemble. Ou peut-être… plus radical encore… je l’emmènerais au spa, et on finirait ça autour d’une tisane, en intimité, à se raconter nos vies.
ARIEL : Je la laisserais probablement décider ! Mais j'aimerais me faire surprendre par elle, par sa profondeur. C'est une femme qui semble très allumée avec des connaissances remarquarbles, un long souper qui s'étire avec un peu de vin pour la "dépogner" et je crois qu'on serait en business !
JÉRÉMIE : Si j’avais à passer une soirée avec tous les personnages, je pense que je serais encore plus curieux d’apprendre sur ce que Quérida a à dire, pour toutes les époques qu’elle a vécu. En tant que Jérémie, cette époque de cabarets, de variétés, c’est vraiment un monde qui m’intéresse beaucoup, un monde fascinant. Je pense qu’on aurait beaucoup de choses à se dire, on se coucherait tard !
3. Avez-vous des points en commun, et/ou une différence flagrante avec votre personnage ?
LISE : Je m’associe complètement à sa quête d’absolu dans l’art ! Le théâtre est ma passion et, comme elle, en dépit de tous les obstacles, je ne pouvais pas échapper à mon destin d’artiste !
ARIEL : Ce que je remarque d'emblée, c'est ce désir commun de plaire, au sens large du terme. Je suis quelqu'un d'assez rigoureuse dans le travail et je la comprends de pogner les nerfs et de s'enflammer parce que les choses ne se passent pas comme elle le voudrait. Elle semble avoir un front de boeuf que je n'ai pas (et que j'aimerais avoir !), elle ne s'excuse pas d'être là et de foncer à convaincre les gens que son projet vaut la peine d'être produit.
JÉRÉMIE : Je suis vraiment moins techno et trendy que mon personnage, ça c’est certain. Dans le rapport à l’autre aussi, de vivre dans le regard des autres – c’est un travail, mais je pense que je suis de plus en plus capable de me détacher de ça, peut-être c’est la maturité, je le sais pas, étant plus vieux qu’Exan de 5-6 ans… Moi je pense que je suis capable de faire la part des choses, entécas, j’essaie !
4. Avez-vous une habitude particulière dans votre processus pour entrer dans la peau d'un nouveau personnage ?
ARIEL : J'aime avoir des référents clairs et connus, ça m'aide à m'imaginer le type de personnage que j'incarne, son essence. La référence Reitman's dans ce cas-ci est très aidante ! Ça teinte la manière dont elle va se mouvoir, sa personnalité.
JÉRÉMIE : Pour créer mon personnage, je me suis familiarisé avec les trends en ce moment, j’ai regardé des youtoubeurs, des Get Ready With Me, donc c’est vraiment de s’imprégner de cette culture-là, du Tiktok, de ce vedettariat en ligne qui n’existait pas v’là 30 ans, ça reste quand même récent comme phénomène. En se familiarisant avec ça, on découvre les motivations de pourquoi iel est si porté·e à son look, sa quête de célébrité.
LISE : Je me demande toujours ce que mon personnage chante dans la douche.
[Lecture d'équipe de La fameuse Femme-Québec, 2024]
5. Qu'est-ce que vous souhaiteriez qu'on retienne de Quérida / Martine / Exan ?
LISE : Qu’elle a essayé d’être Quelqu’un, son désir de s’inscrire dans le monde, dans l’histoire, même dans l’ombre des plus grands !
ARIEL : J'aimerais qu'on soit attendrie par ses failles, c'est une femme qui semble vite sur la gachette pour dénoncer et soulever des choses, mais Martine possède elle aussi des angles morts qui lui échappe et j'aime particulièrement ses échanges avec Quérida qui lui rappelle qu'elle n'est pas à l'abri d'être prise en défaut. Je sens qu'elle va repartir de chez Quérida avec beaucoup plus d'empathie et de compassion pour ses futures entrevues.
JÉRÉMIE : J’aimerais qu’on perçoive sa complexité, malgré l’apparence superficielle, qui vit dans un monde où iel est constamment exposé·e à 452 000 abonné·es, faque ya quand même ce regard-là qui forge et forme ce personnage, qu’on puisse voir un être profond qui se pose les vraies questions et quand même à l’écoute, capable d’être ouvert et d’être sensible, aux autres.
La fameuse Femme-Québec du 29 octobre au 23 novembre 2024 au Théâtre La Bordée.
AVEC : Lise Castonguay • Ariel Charest • Jérémie Michaud
TEXTE : Cristina Moscini
MISE EN SCÈNE : Nancy Bernier
ASSISTANCE À LA MISE EN SCÈNE ET RÉGIE : Hélène Rheault
DÉCOR : Dominique Giguère
COSTUMES : Marie-Pascale Chevarie
ÉCLAIRAGE : Denis Guérette
MUSIQUE : Stéphane Caron
ACCESSOIRES : Jeanne Lapierre
RÉGIE GÉNÉRALE : Marie-Josée Godin
MAQUILLAGES ET COIFFURES : Béatrice Lecomte-Rousseau
CONFECTION DES COSTUMES : Par Apparat Confection Créative et Marie-Pascale Chevarie
CONSTRUCTION DU DÉCOR : Astuce Décors
AIDE AU DÉCOR : Jeanne Murdoch
Les billets sont en vente via La Bordée et par ici.
Le livre est disponible en librairie et en commande en ligne, ainsi que sur place au théâtre les soirs de représentation, publié aux éditions L'instant même.