top of page
  • Photo du rédacteurCristina Moscini

L'Apocalypse avec ou sans condom

Dernière mise à jour : 17 juin 2020




Comme toute phase deux de passion nouvelle, l'espoir déchante parfois, même en pandémie.


Greenpeace alarme le monde de la pollution des masques jetables qui jonchent les sols désertés comme des milliers de capotes souillées d'où dégouline la désobéissance civile de confinement.


S'il y a quelques semaines encore, on s'amourachait du Docteur Arruda jusqu'à le porter en t-shirt à colorier entouré d'arcs-en-ciel, on le crisserait aujourd'hui aux orties, comme une vieille épouse stérile après ses années de ponte. Pendant qu'on réouvre tranquillement les commerces dits non-essentiels, tranquillement, on se redécouvre dans une sortie de terrier, où pas tous n'ont profité d'un éclair de conscience ou d'une pulsion de bonté nouvelle à faire éclore.


Brutalité policière, brutalité civile. Masturbateurs dans les parcs, incel armé au salon érotique. Cliente enragée qui casse le bras d'un employé de magasin à grands rayons. Manifestants casquettés pro-vie se réclament le droit de sortir nu-mains, nu-tête, nu-bouche pour continuer d'aller acheter des guns au Wal-Mart et serrer la pince de leurs confrères philosophiques au parc, je présume. On a vu même une manifestation où les mécontents, voulant la réouverture de leur gym, ont fait des squats et des pompes en pleine rue... prouvant hélas ainsi qu'il n'est absolument pas nécessaire d'avoir accès à un gym pour s'entraîner. Et ce sol, ces rues qu'on s'était juré de laisser vides, sont parsemées ici et là, de Rome à Shawi, de ces masques jetables, gants de plastique, et gobelets de Tim Hortons. Les verrues d'herpès sur un monde qu'on s'était promis de guérir. Désolée de l'allusion herpétique, continuez de déjeuner tranquille, je le referai pu dans ce texte. Mais ce qui arrive avec l'herpès comme on dit, c'est qu'on n'en guérit pas.

La nature revient au galop.

Peut-être trop souvent.


Il y a quelques semaines encore, on se signait, toute confession politique confondue, à suivre les recommandations du gouvernement québécois, à se prendre soin les uns des autres. Petits et grands, jeunes et vieux, riches et pauvres, gros caves et petits caves, jusqu'à ce qu'on s'en sorte, parce que, on se l'est dit : Ça va bien aller. Et non, je ne serai pas de ces pisse-vinaigre à mettre la faute sur les arcs-en-ciel de fenêtre; moi je dis, si ça a réussit à enlever de l'angoisse dans le ventre qu'à ne serait-ce qu'un enfant, ce sera toujours mieux que des fenêtres vierges de tout espoir. Mais je me dis, que peut-être, ce bonheur de #panierbleu, de #mangerlocal, de #jelisquébécois, de #ptitporteclétoutrouillétoutrouillé n'aura pas fait long feu, face aux décennies d'industrialisation capitaliste, d'habitudes de consommation axées sur l'aubaine et l'obsolescence programmée. Même notre espoir n'est pas durable. Ni éthique. Ni écoresponsable. Si cet espoir vient à finir, lui aussi, sur le trottoir. Nos ambitions de renouveau, de monde meilleur, risquent d'être freinées comme des postillons par les filtres barrières de notre machinisme humain.


Et pourtant, le désir est toujours là, à cette heure-ci. On pense, on estime réouvrir des salles de spectacles, en gardant la distance sécuritaire. Donc pas de moshpit à Jello Biafra à prévoir en 2020. Est-ce que c'est pareil, que d'aller voir un show, ou une pièce, sans recevoir un peu l'émoi de son voisin sur soi ? Sans l'intangible proximité, ce sentiment d'être entouré, de faire partie de ce qu'on appelait autrefois, une foule, un public. Est-ce qu'on aura droit à une dystopie comme dans Demolition Man ? C'est un peu ça, déjà : les sanitaires en haut où tout est joli et tout le monde il est beau, et les crottés d'en bas, qui se battent pour un barbecue de rats et de bestioles.

(Pas pire film pareil, vaut de réécouter juste pour la garde-robe de Wesley Snipes en vilain.)


Mais voilà. On en est là, à des kilomètres de la sortie, à des lunes d'une guérison, et on sonne les cloches de la réouverture de l'économie en même temps que celles de la fin du monde, en continuant avec la même ardeur de pourrir cette terre, qui elle, continue toujours de saigner de nous.




110 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout
Post: Blog2_Post
bottom of page