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  • Photo du rédacteurCristina Moscini

Ridi, Pagliacci


On apprenait un soir de pleine lune, en pleine saison des éclipses de saison des halloweens, que le bien-aimé acteur Matthew Perry a été retrouvé seul, décédé dans son jacuzzi à Los Angeles.

 

Le célèbre Chandler Bing avait fait paraître une biographie il y a moins d’un an pour parler principalement et très franchement du boulet tragique qu’il a traîné toute sa vie, la dépendance.

 

Ainsi, le comique « Could i BE anymore sarcastic ? » ayant été un icône incontournable de la télé américaine et de par le monde avec Friends, a dévoilé pouvoir douloureusement déduire de quelle substance il abusait en regardant rétrospectivement les saisons de la populaire sitcom : Plus enveloppé, l’alcool. Plus amaigri, les pilules. Il déclarait également avoir investi plusieurs millions de dollars en rétablissement, cures, désintox, au courant des années, laissant deviner le montant total possible de sa consommation qu’on peut estimer, encore plus grande.

 

La nouvelle de sa mort crée en ce moment une onde de choc parmi ses fans du monde entier, ceux qui admiraient son œuvre, et ceux qui ont admiré son courage et son combat vers la sobriété.

 

À l’heure où on fait #trender son désarroi de façon ostentatoire à qui obtiendra le plus de clics larmoyants en rapportant le plus macabre de la découverte funèbre, je repense à ce qu’il disait dans son livre, à ce qu’il a dit dans plusieurs entrevues, et à combien de personnes son témoignage a permis de mieux vivre leurs problèmes de consommation. Je suis évidemment très favorable au jasage sans censure sur la dépendance.

 

Cet homme, mort à 54 ans, bien né de parents éduqués avec de belles carrières, sans handicap physique, aimé de ses pairs, incroyablement célèbre dès la vingtaine, adoré de ses millions de fans, incroyablement riche, et qui on pourrait dire, a gagné à la loterie de la vie et de ce que la société considère comme le succès, était misérable – selon ses propres mots, bien sûr, et quand on connaît le monstre de la dépendance, on comprend.

 

La dépendance prend tout. Je cite une de ses déclarations sur le sujet (traduite ici) : « L’addiction te veut seul, elle te veut misérable, isolé, enfermé et perméable à ses démons. Ce que tu as, elle le prendra pour te garder. » Et bien des dépendants vous le diront; la dépendance ne fait pas de distinction, riche ou pauvre, malade ou pétant de santé, jeune ou vieux, entouré ou délaissé, on a tous et chacun les critères pour être admis dans ce gouffre mortel et ravageur.

 

Je n’ai jamais eu de millions à perdre dans la consommation, j’ai jamais eu de char à me faire saisir, de carrière à perdre, de famille à me faire enlever, d’époux à me divorcer de, mais le peu que j’avais, quand je buvais comme un trou, je le jouais pour le perdre, toujours, et je m’arrangeais pour ne jamais gagner, dans rien, à aucun jour.

 

L’annonce de la mort d’un acteur comique dans des circonstances incertaines nous poignarde l’âme dans son flanc. L’image est tragique, le clown est triste, c’est même un des opéras les plus célèbres au monde, Pagliacci. « Ridi, Pagliacci, ris de la douleur qui t’empoisonne le cœur ». Et cette blague, célèbre sur les pages de santé mentale du web :

 

« Docteur, docteur, je suis triste à en mourir, je ne sais plus quoi faire ! »
« Ah, mon brave, allez vous distraire, Pagliacci est en ville ce soir. »
« Mais docteur, c’est moi Pagliacci… »

 

Une tristesse abyssale, que ceux ayant le talent, le privilège d’élever les âmes des autres, que ce soit peinturé en clown ou dans un format de 22 minutes à l’écran cathodique, traînent en eux ces démons aux morsures féroces, ce mal être dévorant.

 

D’un côté, je ressens le désarroi quand quelqu’un du statut de Matthew Perry souffre autant, comme il l’avouait dans son livre même en rétablissement, puisqu’ayant à sa disposition toutes les meilleures ressources du monde, sans jamais avoir le spectre de problèmes financiers, en ayant des amis riches et célèbres ayant eux aussi accès à toutes les ressources du monde… Tu te dis, si lui n’y arrive pas, avec des millions et des friends, quelles sont mes réelles chances de m’en sortir quand je n’ai comme ami que mes dettes et les dos revirés de ceux que j’ai perdu dans ma consommation ?

 

Mais d’un autre côté je me dis, que cette dépendance, qui ne juge pas ceux qu’elle prend puisqu’elle les avale et remâche tous avec le même fatal appétit, que nos chances, en fait, sont égales, hélas comme heureusement comme tristement comme doux-amèrement...

 

Le leg de Matthew Perry ne tient pas que dans sa filmographie mais dans son courage d’être allé au bout avec sa parole et sa volonté, pour amener de la lumière sur cette tare encore trop gardée à l’ombre, de nos ténèbres collectives comme prisons individuelles, de cette estie de dépendance aussi laide qu’absurde et cruelle.

 

Alors Cristina, t’es pas écoeurée de parler de sobriété après trois ans ? Non. La dépendance ne s’écoeure pas de noyer du monde dans ses goulées. M’a continuer de tapoter sur mon clavier.

 

Pour ceusses qui vivent la dépendance, qui expérimentent ou se souhaitent la sobriété, merci de continuer à en parler.  



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