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  • Photo du rédacteurCristina Moscini

Est-ce que l’inflation influence la consommation ?


Je me rappelle qu’en même temps que j’ai décidé d’arrêter de boire et de toucher à d’autres substances, y se passait un phénomène au Québec comme partout dans le monde de confinement, et ça faisait des files longues comme ça (j’étire les deux bras) devant les SAQ et SQDC.


Je me disais, dans un cynisme tout neuf de jeune sobre, que le gouvernement manquerait jamais d’argent avec les dépendants.


En effet, combien de paies j’ai flambé le cul vissé sur un tabouret de bar (plusieurs), et combien de fois j’aurais pu me starter une PME au lieu d’investir dans un gramme (aucune, j’ai toujours été de nature assez cassée en partant avec pas plus qu’un 20 fripé en avant d’moé, vous me trouverez pas en train de me bomber le chest en parlant de bitcoins). Anyway.


Reste à dire que consommer, quand on est une personne dépendante, ça dépasse toutes les autres catégories sur le podium. Notre substance de choix gagnera toujours au combat de l’importance dans le budget, si mince soit-il. Ainsi, il est plus fréquent de voir quelqu’un vendre ou pawner ses biens pour continuer à consommer, que quelqu’un acquérir des biens en plus de consommer comme un.e esti.e de malade. C’est pas impossible, mais c’est rare.


Sauf que, la différence avec aujourd’hui, trois ans après cette pandémie, c’est qu’on se rend compte que le confinement, le masque, les allées de magasin exclues des besoins essentiels, la distanciation, les bars farmés, c’est pas la pire affaire qui pouvait nous arriver.

Est arrivé en conséquence collatérale, une distanciation beaucoup plus cruelle qui rend plus difficile l’accès entre un consommateur et son produit : l’inflation.

Gourmandise de fin de capitalisme, manque de main d’œuvre et augmentation des coûts d’exploitation; toutes les raisons semblent bonnes pour expliquer comment le coût de la vie a augmenté de façon drastique pour la moyenne des ours depuis les derniers temps. Je regarde ça avec mon œil d’ancienne soûlonne et je ne peux m’empêcher de calculer.



Quelqu’un qui est dépendant et qui gagne moins d’argent qu’avant – ou que la vie lui coûte plus cher, ne diminuera pas sa consommation d’une crisse de goutte.

Alors qu’est-ce qui arrive, pour nos tendres tous croches ?


Aux États-Unis, on remarque de façon flagrante comment le fentanyl détruit des communautés. Plus forte en moindre quantité, cette drogue décâlisse le monde et les tue à une vitesse et une ampleur épeurantes. Même les dealers ont perdu l’idée du long terme pour fidéliser une clientèle. C’est une économie de gigs, même dans’ dope. Des quartiers, voisinages de monde à faible revenu, suspendus debout penchés dans l’air, comme des zombies. « Y ont juste à pas consommer d’la scrap ». Facile à dire, mais des fois, l’urgence d’échapper à une réalité souffrante amenuise le champ d’options, tsé.


Si certains sondages prétendent que « les jeunes se désintéressent de l’alcool », c’est surtout qu’ils se désintéressent des bars où les cocktails allongés à l’eau se vendent à vingt piasses, et ça sans compter le vestiaire, le tip, le taxi. Faque on boit chez un chez l’autre, dans des environnements pas toujours safes, où ce sera pas toujours aisé, en tant que mineurs qui boivent à cachette, de dénoncer des comportements transgressants ou criminels, quand ils arriveront. Chez les adultes alcooliques, on ne sortira plus au bar pour socialiser, mais on boira, on se soûlera chez soi, isolé, de plus en plus, en perdant cet esprit de communauté qui parfois est le mince filet social nous permettant de passer à travers les difficultés (que la dépendance a le don d’alourdir, mais bon). Dépression, suicide, augmentation des comportements à haut risque, criminalité, incarcération. Sous l’influence, dans le rouge, c’est demander une force surhumaine pour penser à tout arrêter, quand consommer est la seule chose qui semble nous retenir sur la planète.


L’augmentation de la population qui devient sans-abri aussi, est une fatalité à laquelle on devra s’acclimater, la dépendance n’étant pas étrangère à cette conséquence.


Faut regarder la consommation comme une cause et conséquence de ces épreuves et challenges grandissants amenés par cette inflation. Nous sommes à un point où une personne qui travaille à temps plein peine à arriver. On n’est pu en 1990, où un salaire suffisait à faire vivre une maisonnée. Loyers en flèche, salaires stagnants, postes coupés sans remplacement, avarice des corporations sans précédent. C’pas qu’on veut pas, comme dirait l’autre, mais même les deux yeux grands ouverts qui ne voient pas doubles, c’est rof, sérieux. C’est donc un billet pour parler de compassion, et de se dire que même si on est devenu sobre, ceux qui n’ont pas fait ce bout de chemin avec nous, vont faire face à des défis pas doux du tout.


Si vous avez un.e proche autour de vous que la consommation inquiète, c’est pas enligné pour devenir plus facile. Le stress omniprésent de la précarité financière peut certainement porter à surconsommer, et le manque de ressources en santé une fois qu’on voudrait aller chercher de l’aide, est pas sécurisant non plus.


Les temps durs s’étalent à l’horizon. Je compte ma chance d’être devenue sobre à temps, c’est pas sans dire que la vie se déroule sans difficultés, mais j’ai une pensée pour ceusses qui en plus de tout ça, se traînent le fardeau de la consommation, et qui verront indubitablement leur qualité de vie s’amoindrir au courant des prochains mois, prochaines années, jusqu’à ce qu’on se rende compte, peut-être, qu’il serait temps de se la sauver un peu, notre humanité.


Et si ça arrive, ça arrivera par l’esprit de communauté.

Pis les side-hustles.


 

Parlant de side-hustle, S’aimer ben paquetée, le livre, sort en librairie et en ligne le 17 octobre. Et puis sur scène dès le 30 octobre jusqu'au 23 novembre à Montréal au théâtre La Licorne.


En attendant, je viens de voir le prix de la margarine, et je m’en va mettre mon CV à jour pour un temps partiel à’ factrie.


Lâchons pas.



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