L’avenir semble lugubre pour les personnes dépendantes.
Aussi tôt que le printemps prochain, les personnes toxicomanes pourront demander l’aide à mourir au Canada, rapportait récemment les quotidiens dont Vice, Toronto Sun et Québec Nouvelles. [Articles titres en hyperliens]
D’abord offerte aux personnes en fin de vie, aux prises avec la maladie mentale, la loi présente depuis 2016 aurait aidé à mourir 1000 personnes dans la première année de son instauration, et puis 10 064 en 2021. Et avec l’augmentation du coût de la vie qui impacte directement la santé et le sort de tous sinon 99% de la population, c’est pas près de diminuer.
« On s’inquiète rapidement de ce que ces changements signifieront à l’avenir et de la volonté du Canada d’aller pour élargir l’accès à quelque chose dont on nous a dit qu’il serait rare... » [Québec Nouvelles]
L’information semble difficile à trouver en ce moment en ce qui concerne cette loi appliquée explicitement aux personnes souffrant de toxicomanie sur le site du gouvernement fédéral, mais on parle entre les branches que dès mars 2024 ce serait chose possible, et on parle de cette euthanasie comme d’une solution de « réduction des méfaits ».
Une décision qui soulève l’opprobre quand d’autres mesures de santé publique, notamment un meilleur accès aux sites de prévention des surdoses, aux médicaments opioïdes comme la méthadone, à un approvisionnement réglementé en médicaments, au logement et à l’emploi, font défaut.
C’est un message aussi clair que sinistre qu’une vie vécue dans la dépendance aurait bien raison de s’achever de façon définitive.
C’est aussi un immense risque, non, la promesse certaine qu’une loi telle qu’énoncée va partir en couille sur un moyen temps. On a juste à penser à la gestion du système de santé tel qu’il est présentement, et s’imaginer ce que ça donnera quand des gens débordés versus des gens fragiles pourront distribuer et recevoir des permis de crever.
Ces mêmes gouvernements qui ne pensent pas deux fois avant de bourrer ses citoyens de pilules pour contrer la dépression, de drogues réglementées, de sociétés des alcools jamais fermées, vont donner l’accès à des personnes vulnérables d’en finir, parce que, eille, à quoi bon s’accrocher, mon pourri, ma pourrite, ta vie de drogué.e vaut pas grand chose anyway.
On croirait un scénario de film dystopique. Pourtant, Soleil Vert (Soylent Green) fête son cinquantième anniversaire de sortie sur les écrans.
Sorti en 1973, ce film d’anticipation de Richard Fleischer, se passe dans un New York en 2022, où les humains ont épuisé la quasi-totalité des ressources naturelles. Les océans sont mourants et la canicule est présente toute l'année en raison de l'effet de serre, conduisant à l'épuisement des ressources naturelles, la pollution, la pauvreté, la surpopulation et l'euthanasie volontaire. Les aînés vont se tuer dans des cabines confortables où on y passe des images douces, pour un trépas agréable.
Il existe une nouvelle forme d'aliment, le « soleil vert », distribué par l'entreprise Soylent qui gère la distribution alimentaire. Des petits biscuits en plaquettes mystérieux, qui parviennent à nourrir une population miséreuse et dépassée par la situation. La police, très répressive à l'égard de cette population, assure l'ordre la plupart du temps.
Spoiler alert : Les soleils verts, c’est du monde. Quand le peuple affamé se révolte, ils passent littéralement la gratte et avec les cadavres fabriquent du Soleil Vert.
Anyway, c’est une métaphore intéressante en cette fin de capitalisme gênant.
C’est un des premiers films aussi, où l’on montre l’euthanasie volontaire de cette façon. Les Simpsons l’ont parodié à m’men donné, même.
N’empêche que c’est désolant en crisse, que cinquante ans après un film de fiction, on soit maintenant dans une société où l’aide à mourir s’élargit et tendra à s’offrir à toute personne qui en arrache, mais qu’on lui refusera l’accès aux services de base, comme de la nourriture, un logis. Une dignité.
Sur Slate, on prévoit déjà une dérape d’eugénisme, avec l’aide médicale à mourir : Certains dénoncent une mesure eugénique et affirment que le pays n'en fait pas assez en matière de prévention et de traitement des addictions.
Dans le même article toujours, on rapporte : À l'heure actuelle, une personne peut demander l'aide médicale à mourir si elle souffre d'un « état pathologique grave et irrémédiable », tel qu'une maladie ou un handicap grave, l'ayant placée dans un état avancé de déclin irréversible et lui ayant causé des souffrances physiques ou psychologiques durables – à l'exclusion des maladies mentales. Avant d'aller jusqu'au bout du dispositif, elle doit également faire l'objet de deux évaluations de la part de prestataires de soins de santé indépendants. Lors d’une récente conférence de médecine sur les addictions à Victoria en Colombie-Britannique, il a été énoncé que les évaluateurs sur l’aide médicale à mourir devront également déterminer si le demandeur est suicidaire ou s'il a un « désir raisonné de mourir ». Le premier cas peut être lié à une crise aigue ou être une caractéristique d'une affection psychiatrique de longue date, tandis que le second s'applique à une personne qui « pense de manière calme et mesurée à vouloir mettre fin à ses souffrances, en étant capable de raisonner », a précisé le docteur David Martell, médecin spécialisé dans les addictions. Mais parfois, une personne peut présenter les deux types de signes, ce qui rend la question éthique encore plus délicate et floue. Le choix du protocole d'évaluation sera délocalisé, et pourra ainsi varier selon les différentes provinces canadiennes.
Bref, t’es en difficulté, t’as eu une vie de marde, tu consommes pour oublier, t’as pas d’argent, on te refuse des jobs, des logements, les banques alimentaires sont vides, et le gouvernement, lui, qu’est-ce qu’il te répond ? « J’entends ce que tu m’dis, mais as-tu pensé mourir ? Genre, débarrasser la populace ? Parce que ça, ça, on va te donner l’accès, rapidement. »
J’ai des frissons dans le dos du macabre de ce qu’une loi comme va permettre. C’est d’abandonner froidement des dizaines de milliers de personnes qui pourraient, avec juste un peu de ressources, s’en sortir autrement.
Mais apparemment qu’on est sur une timeline où la gratte est dûe pour passer et tous nous ramasser. C’est juste une question de temps.
Mon livre, S'aimer ben paquetée est disponible dans une librairie près de chez vous : https://www.leslibraires.ca/livres/s-aimer-ben-paquetee-cristina-moscini-9782895024743.html
Le spectacle du même nom interprété par la magistrale Ariel Charest est présenté à Montréal jusqu'au 24 novembre, et sera de passage en 2024 à Drummondville, Lachine, Saint-Camille, Québec, Shawinigan et Terrebonne. Dates et liens billetteries ci-dessous.
Crédit Nicola-Frank Vachon
📌DRUMMONDVILLE
20 février 2024
Maison des Arts : https://www.artsdrummondville.com/spectacles-drummondville/spectacles/interpretation---ariel-charest/saimer-ben-paquetee/20-02-2024-17-30
📌LACHINE
22 février 2024
📌SAINT-CAMILLE
24 février 2024
Le P'tit Bonheur : https://ptitbonheur.org/nos-evenements/spectacles/saimer-ben-paquetee/#
📌QUÉBEC
4 au 15 mars 2024
Théâtre La Bordée : https://bordee.qc.ca/piece/saimer-ben-paquetee-2/?mibextid=Zxz2cZ
📌SHAWINIGAN
4 avril 2024
Maison de la culture Francis-Bisson : https://spectacleshawinigan.ca/programmation/theatre/saimer-ben-paquete-de-cristina-moscini-theatre-kata/
📌TERREBONNE
4 juin 2024
Théâtre du Vieux-Terrebonne : https://theatreduvieuxterrebonne.com/evenement/saimer-ben-paquetee-20240604/