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Photo du rédacteurCristina Moscini

Le consentement qui fait débander




Au secondaire, j’ai souvenir d’une fille que les gens s’étaient mis à appeler « la Gazière », parce qu’apparemment, elle y allait au gaz, ou, selon l’expression plus populaire, c’était une plotte à gaz.


On lui avait crée une réputation pour avoir couché avec un gars dans son char selon la légende, même s’ils ne sortaient pas ensemble. Les détails sont flous, surtout quand il s’agit de rumeurs de polyvalente, mais le gars en question qui l’avait fourré était le premier à dire à quel point elle était une fille facile.


Le mal était fait, les autres filles sont devenues méchantes avec elle, les autres gars se moquaient d’elle et l’invectivaient de façon inappropriée, les surveillants ne faisaient rien en la voyant se faire crier des noms pendant les pauses, la direction n’intervenait pas. Elle a certainement vécu du harcèlement sexuel suite à ça, et nous, ados, on n’est pas venu à sa défense pour aucune raison valable. Des filles voulaient la cogner, parce qu’elle était, selon son titre, une pute, et ne méritait plus la sécurité. Il y avait un système étrange qui prenait place « de l’ordre établi » : cogner sur cette fille, physiquement ou moralement, envoyait un message à toutes les autres que c’est le traitement qu’on reçoit et qu’on mérite pour avoir dit oui. Étrangement, toujours, on laissait faire cela, comme si c’était normal. Châtiment glaçant.


Qu’est-ce qu’une fille facile ?

Une fille facile, ça n’existe pas. Pas plus que la friendzone existe. Il y a des humains consentants et c’est tout.

J’ai envie de coucher avec toi, alors let’s go, ou je n’ai pas envie de coucher avec toi, donc dégage. Ça s’arrête là.


Les gars soudoient les filles, les font boire, mettent la pression, pèsent sur leur tête en frenchant, tous les tricks du livre vieux comme le monde, pour arriver à leurs fins, soit que la fille cède. *Ce n’est pas exclusif aux relations hétérosexuelles gars sur fille, mais poursuivons avec cet exemple souvent vu et souvent vécu. La fille peut dire oui ou dire non. Elle peut, dans le meilleur des mondes. Si elle dit non, elle sera une prude, une sainte-nitouche, une pas déniaisée.



J’avais douze ans la première fois que je me suis fait traitée d’agace-pissette. Ça donne une idée de mon âge un peu étant donné que c’est pu une expression qui court les bords de piscine. Anyway. Ce que j’avais fait pour mériter ce quolibet était d’avoir eu la première vague de puberté direct dans les boules qui me poussaient sur mon corps d’enfant en développement. J’avais pas encore mes dents de sagesse, mais je travaillais ce gars, plus vieux que moi, qui a cru bon de me crier, un midi d’été à la piscine Samuel De Champlain, que j’étais une agace-pissette, une tease. Je ne lui avais pas parlé au préalable, je ne l’avais pas branlé dans son short pis m’étais sauvé en courant avant de fenir la job, je ne m’étais pas frotté le cul sur une peau d’ours sur un stage, je ne lichais pas une crème à glace molle fondante, je ne me tordais pas un chamois savonneux sur le chest en lavant un char décapotable imaginaire au ralenti, je faisais juste être là. Mais c’en était trop ! Guédaille j’étais, fraîche diplômée de mon cour de gardienne avertie. Je mériterais désormais l’averse de blue balls que je ferais naître.


On se choque que les filles nous refusent. Mais on les calomnie si elles obtempèrent aux urgences péniennes. Le double standard a été démontré et dénoncé depuis longtemps : le king de l’école qui les fourre toutes, la salope qui les fourre tous. Que se cache t’il là-dessous ?


Une vérité bien laide qui prend des allures de prosélytisme moral, de brigade des mœurs : On déteste une fille qui veut du cul.

Ce qu’on veut, ardemment, c’est une fille qui cède. Une fille qui dit non, PUIS, qui finit par dit oui. Là, elle est pure. Une fille qui dit déjà oui fait peur, d’un coup qu’elle en veut plus, d’un coup que ses désirs sont plus grands, d’un coup qu’elle soit plus expérimentée, d’un coup qu’elle n’ait pas besoin de moi pour jouir ? D’un coup qu’elle soit un être humain indépendant tout comme moi ? #mindblown


Dans trop de films, le héros poursuit son embrassade sur l’héroïne qui dit non : Han Solo sur Leïa, Rhett sur Scarlett, qui se font bécoter et hoquètent des « non » entre deux frenchs de cinéma, avant de céder, de finalement fourrer (PG13). Est-ce que ça finit par nous rentrer dans la psyché ? En jeune fille, on se faisait dire (dans les films, moins dans la vie) d’attendre à la troisième date, de pas donner le lait de la vache, de garder notre virginité pour celui qui compte à défaut de celui qu’on mariera. Comme si notre fente était une récompense à donner, qui doit être prise, et non pas une partie de notre corps à utiliser sur 3 milles graines si on en a envie, pour déclencher des orgasmes qui vont NOUS faire du bien. Nos trous sont là pour être remplis, en attendant, on est vides, vides comme des cruches…


Quand la chanson WAP est sortie (wet ass pussy, plaît-elle), ça a choqué ben du monde que des femmes soient aux commandes de leur désir sexuel. Après tout, il n’est pas normal qu’une femme veuille que fourrer, une femme, ça cède, ça n’entreprend pas. Ajouter à cela une femme qui veut copuler sans vouloir faire des bébés, les évangélistes refoulés ca-potent en taaaaaa.


Pour en revenir à la fille facile.

C’est vraiment un catch-22, tu te fais écoeurer si tu le fais pas, tu te fais écoeurer si tu le fais. Voyons, crisse.


Ces réactions, ces calomnies réservées aux filles qui disent oui trahissent la véritable poursuite de ces gars : forcer une fille qui ne veut pas. La coercition excite davantage que le consentement. Le monde est fou, câlice !


Je souhaite qu’on permette plus d’agence pour les femmes qui décident d’user de leur corps comme bon leur semble, un peu comme pour les hommes en fait. Du chemin à faire en société, mais chu patiente, dans 300 ou 400 ans, on entendra parler peut-être des gars faciles…


En attendant, courage à toutes les agaces.

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