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Photo du rédacteurCristina Moscini

Les chasseurs d'étreintes au temps du Covid

Dernière mise à jour : 23 mai



Je comprendrai jamais pourquoi certains groupes de gens; femmes, hommes, jeunes, vieux, considèrent ou vivent avec cette idée que les travailleuses du sexe sont des êtres inférieurs. Ou qu'ils soient incapables de se considérer égal à une femme qui pratique la prostitution. Que ce soit un choix personnel, une mauvaise passe, une mesure d'urgence pour se sortir de l'itinérance, pour payer sa drogue, c'est une job. Une job millénaire regardée de haut.


Et un article ce matin dans Le Nouvelliste. Tout fier de son investigation, le journaliste a fait le tour des agences d'escortes à Québec, a espionné des travailleuses du sexe et des cam-girls sur les réseaux sociaux à savoir qui pratiquait l'étreinte à moins de six pieds de distance en temps de pandémie. Bien sûr qu'il s'agit d'une pandémie mondiale qui peut s'attraper aussi facilement que par des particules de postillon dans l'air, alors on peut s'imaginer les dangers de l'aller-retour d'un brise-cul avec ou sans condom dans le fond de la cenne.


Mais c'est quoi l'idée d'aller jouer les Tintins reporters en direct du bordel ? Qu'est-ce qu'on vient prouver ? En énumérant quelle agence est ouverte, et quelle fille est disponible ? En même temps, c'est pas comme si elles avaient accès au PCU. Un article pour marginaliser davantage les travailleuses du sexe, ça n'aide personne. Beau travail d'investigation close qui ne découragera absolument pas ceux qui sont déjà clients, mais qui peut fragiliser celles qui le pratiquent.


Pendant un court paragraphe de l'article, entre deux chasses aux sorcières lubriques, on énonce l’avis de Chantale Simoneau, directrice du Projet L.U.N.E. à Québec, qui affirme que de nombreuses prostituées de la capitale ont adopté le message de la Santé publique et ont cessé leurs activités, suite à la fermeture les bars de danseuses et des salons de massage érotique. Plusieurs d’entre elles n’ont d’ailleurs pas eu le choix. «Mais il y en a qui ne peuvent pas arrêter, parce qu’elles n’ont pas accès à d’autre argent», dira t'elle. On devine !


En continuant de montrer du doigt et de présenter les travailleuses du sexe comme les méchantes dans l'histoire, (c'est pas comme si elles sautaient noune première sur de pauvres innocents : elles se font rémunérer pour un service demandé) en omettant de mentionner que s'il faut être deux pour danser le tango, il faut qu'il y ait deux personnes pour cette transaction, on enlève de tout blâme et responsabilité les clients, les Roger, les Maxime, les Jean-Charles, les Keven, qui sont bien vraisemblablement ces ceusses qui consomment et recherchent la compagnie de prostituées en temps de crise sanitaire, pour avoir accès à cette étreinte des corps tant recherchée.


En mettant un peu de lumière sur le travail de celles qu'on fustige toujours en premier, peut-être que ça nous aiderait globalement à les humaniser. Peut-être que ça créerait du sens jusqu'aux paliers de gouvernement, qu'ultimement on ne permette plus à des meurtriers récidivistes le droit de consommer des escortes, jusqu'à les tuer, et faire passer ça comme un triste faits divers, en se disant qu'elle l'avait peut-être cherché. C'est ce qui arrive, tristement, en continuant de publier dans les médias des articles visant à fragiliser la situation des prostituées. Peut-être alors que, en encadrant légalement les travailleuses du sexe, ou du moins en leur offrant un meilleur espace médiatique en attendant, on arriverait enfin à les considérer dans le même bateau qui coule. D'ici la prochaine crise.


*


Le Projet L.U.N.E. (Libres, Unies, Nuancées, Ensemble) est un groupe d’appartenance, de reconnaissance et de défense des droits sociaux « par et pour » des travailleuses du sexe (TDS), actives ou non, qui agissent à titre de paires-aidantes. Leurs savoir-faire et leurs expertises sont mis en commun et de l’avant de multiples façons (prises de parole dans l’espace public, sensibilisation, dénonciation des injustices, etc.). Toute femme est la bienvenue, peu importe son histoire, son milieu ou son expérience.

Historique

Le Projet L.U.N.E est né en 2007 d’une alliance entre le milieu communautaire, une équipe de chercheures et des femmes travailleuses du sexe de rue (TSR) et utilisatrices de drogues. Ce projet de recherche participative visait à répondre à un ensemble de besoins énoncés par les femmes et à renforcer leurs capacités de paires-aidantes dans leur communauté.

En 2012, le Projet L.U.N.E., fort de la mobilisation des femmes qui travaillaient à l’amélioration de leurs conditions de vie et à celles de leurs paires, un organisme communautaire autonome est fondé. Sa mission principale est d’offrir aux femmes travailleuses du sexe et utilisatrices de drogues en situation d’itinérance un lieu d’hébergement sécuritaire à haut seuil d’acceptation.

Notre approche est dite « par et pour », axée sur la reprise du pouvoir d’agir individuel et communautaire.




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