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Photo du rédacteurCristina Moscini

Mon premier meeting N.A.

Dernière mise à jour : 23 mai



734 jours sans consommer, et 1 meeting de Narcotiques Anonymes, cette blogueuse de sobriété fait vraiment les choses à l’envers !


Pourquoi si long ? Pourquoi maintenant ? Fouille-moi.


Mais vous pourrez dans ce texte partager mes impressions, ainsi que la discussion interne qui s’est instaurée en moi, comme si vous y étiez.


Un ami de sobriété m’écrit pour me dire qu’il est de passage dans la ville et qu’il fera un témoignage au meeting NA à côté de chez nous. Ben mal venu de dire non; j’ai rien de prévu. C’est tout près en plus.


Meeting, meeting… Yish… Moi qui suis un animal farouche, comment vais-je dealer avec des êtres humains ? Des êtres humains qui parlent d’émotions ? En direct ? En chair et en face et en verre de café en styrofoam ?


Vous savez ce fameux et déconcrissant dicton rendu célèbre par les mannequins des années ’90 : « Aucun plaisir de table n’équivaut le plaisir d’être mince » ? Moi, c’est pour la solitude que j’y crois : Aucune compagnie ne m’est aussi bonne que le plaisir d’être seule. Que voulez-vous, je suis une âme fauve, une artiste, une cyclothymique, une cyclotimide, tiens, une grognonne, une ermite. Je ne m’encombre même pas de plantes vertes chez moi puisqu’elles font trop de bruit et me demandent trop d’entretien.


Le plus ironique est que la majorité de mes jobs avant que je sois travailleuse autonome étaient des jobs dans le public, et que c’était même parfois ma job d’organiser des événements, de mousser des rencontres pour qu’il y ait, justement, du monde, du social. Blerk ! J’ai soit pogné mon cut-off d’êtres humains, soit je vieillis et ma batterie sociale diminue en pourcentage comme en capacité de rechargement, soit je n’ai jamais été, au fond, cette personne sociale que j’ai longtemps prétendu être et je devais, comme les épinards à Popeye, déglutir de nombreuses bouteilles au pourcentage élevé pour être ce papillon de conversation, cette pas gênée dégênante, cette cordiale créature créée de toutes pièces.


Maintenant qu’on m’a dressé le portrait, on comprend mieux mon aversion initiale pour toute rencontre fermée en vrai avec des genses qui vivent des choses.


Alors, par un soir de douce tempête, je me rends vers mon premier meeting des Narcotiques Anonymes…


Il neige diagonal à gros flocons, le ciel est jaune foncé. J’avance à reculons.


Je commence à me parler.

- Bon, qu’est-ce qu'y a ?

- Mmmhaargh, ça m’tente pas…

- Mais t’as dit que tu serais là, ça serait pas fin de choker. Pas très sobre héroïne résolue comme attitude, ma tendre petite crisse (seule moi peut me parler de cette façon).

- Ouain, je vais continuer de checker mon cell aux deux secondes à place, voir si ce serait pas annulé comme par magie…

- Mais c’est quoi qui te dérange dans le fond, qu’est-ce que t’as peur qui arrive ?

- Bennn, je sais poooo, d’un coup qu’y a du monde qui pleure live, d’un coup faut j’en tienne dans mes bras, d’un coup qu'ils parlent de Jésus, d’un coup qu’ils se rendent compte que j’ai grandi en Morale au lieu de Catéchèse et qu’ils essaient de me baptiser de force…

- C’est comme con, t’en conviendras, comme exagération.

- Tu sais pas ce que je vis !

- Chu toi, crisse de sans-dessein !

- Parle-moi pas de même ! On fait pu ça.

- T’as raison, excuse-moi. Bon, on est rendue.


Je rentre dans l’édifice, rien n’indique qu’il y a une réunion de dépendants. Mais c’est bien écrit sur le site naquebec.org, peu importe la ville où on se trouve dans la province, les jours, heures et lieux de meetings gratuits. Quelques personnes en avant de moi. On tape des pieds pour secouer la neige de nos bottes. Des habitués se saluent.


Je rentre dans le local, ça se sourit. Ça ME sourit. Je me sens vue tout de suite. Autant avoir écrit NOUVELLE en néon au-dessus du front, on me spotte, m’accueille et on répond à mes questions avant même que je les pose. On me sert un bon café silex. Dans un verre en styrofoam, comme dans les films de dépendants. Je me sens comme Sandra Bullock dans 28 jours, avec plus de mascara coulé à cause de la neige, pis une veste en polar à cause du frette.


On est assis à bonne distance, face à l’animateur et non en cercle comme dans les vues. On fait des lectures de textes appris, lus par des habitués, sur des feuilles 8,5 x 11 plastifiées. Je connais aucun des textes. C’est pas grave. L’échantillonnage est équilibré : jeunes, vieux, gars, filles. Entre 2 mois clean, et 34 ans de sobriété. On explique ensuite le déroulement; ça niaise pas, j’aime ça. On dirait que ça a été faite pour du monde dépendant et un peu expéditifs dans leurs manières, on annonce le programme straight to the point, on déconne pas, on rigole, mais ça glande pas.


Puis le témoignage de mon ami. Je l’avais déjà entendu par bouts, mais c’est la première fois que j’entendais les réactions d’autres. Ça rit, fort. Ça sacre, beaucoup, pour ponctuer, tabarnaque. Ça se traite de vieux, ça se taquine tendrement. Pourtant, l’énergie, la tension est là, de parts et d’autres. Dans le genou d’une fille qui balance en va et vient sous sa chaise. Dans les toux nerveuses. Dans mes jambes aussi, woups : croise, décroise, orcroise, dé-décroise. Je gigote comme une petite crisse d’énervée. On m’a dit qu’on me remettrait mon porte-clé de 2 ans et que je devrai me présenter.


Et la discussion continue…

- Arrête de zigner, sacrament !

- Je zigne pas tant que ça, c’est… c’est la chaise, tiens !

- Es-tu nerveuse de parler tantôt ou quoi ?

- Ben, oui…

- Ah, ouain ? Toi ? Qui a déjà dansé en bobettes burlesques et nu chest devant des centaines de personnes t’es gênée ? Toi qui a animé, fait des shows, fanfaronné tous ses exposés oraux, toi qui est ton propre sujet préféré de discussion, t’es nerveuse d’aller dire deux mots ?

- Ouiiiiiiii.

- Tu le sais que c’est dans ta tête, là, han ?

- Oui, mais pareil…

- Ça fait deux ans que t’écris essentiellement sur le même maudit sujet, improviser un petit deux minutes sur ce qui t’amènes icitte, c’est pas la fin du monde.

- Je l’sais.

- Pourquoi tu chignes, d’abord ?

- Sais-tu que tu me gosses en esti depuis que tu bois pu ?

- Haha, t’es en train de dire que j’ai raison ?

- Avant, la soûlonne, c’était plus facile d’y faire peur pis…

- Pis quoi ?

- Pis genre, détruire ses rêves avant même qu’à se donne une chance, haha.

- Va chier ma crisse, non, attends. Langage. Je t’envoie de l’amour et je te remercie de reconnaître qu’astheure on prend le high road comme une grande personne.

- ÇA SUCKE DES CULS!!!!!!

- Bébé-lala.

- Mimimimiimimimi…

- Oh, viande ! C’est notre tour…



« Salut, je m’appelle Cristina et je suis dépendante. »


« Salut Cristina », que les douze quelques personnes répondent. Et la yeule me va comme un moteur bien graissé, je comble mon temps en expliquant comment et pourquoi je me suis rendue icitte. On comprend. C’est ça l’affaire, on se comprend. Et dans tous les témoignages, de gens aussi différents les uns que les autres, on s’écoute, on juge pas, on sympathise, mais sans quétainerie.


Les moments lourds en émotions, y en a eu, mais ça passe comme un éclair. Faut croire que je suis pas toute seule à ne pas vouloir gérer tristesse, colère, et patati. Faque ya une belle force, qui se dégage des partages que j’ai entendu. Et j’ai trouvé ça beau.



« Ah, mais moi, je suis pas très religion... »


Ça, c’est un préjugé qui a la vie dure, et, je peux seulement parler de l’expérience de mon unique meeting, où on parle en effet d’une « Puissance Supérieure ». Ce « PS » qu’on nomme comme tel, est expliqué selon chacun, la plupart pas croyants non plus, mais qui s’en remettent à quelque chose « de plus grand que soi », du moins, c’est comme ça que je l’ai compris. Et, il y a une fatalité certes à laquelle je ne me vois pas adhérer, préférant largement aller me flageller et me culpabiliser, pour me motiver à guérir. Je dis pas que j’ai raison ou que je me soigne de la bonne façon, loin de là. Rendu là, chacun sa boutique, chacun sa cassette, et son rythme.


Alors, est-ce que le fait qu’on soit athée devrait nous empêcher d’aller à un meeting NA ou AA ? Je le vois comme un repas de poisson gratis. « Ah, mais y a du mercure là-dedans ». Oui, mais une fois, ça te tuera pas, c’est gratuit, et si t’as faim, si t'as besoin, c’est mieux que d’aller voler à l’épicerie ou de t’endormir avec le ventre qui gronde.



Est-ce que je vais y retourner ?

Je sais pas. Un meeting d’une heure, ça me magane quasiment comme une brosse astheure, au niveau de l’énergie. Mais j’étais contente d’y aller. De voir et d’entendre de nouvelles voix au lieu de faire résonner mes propres échos à l’infini, toul’temps.


Et je suis contente d’avoir gagné sur moi-même, sur ma gêne sauvage. Et bien que je vive et m’épanouisse à merveille entre quatre murs, encore contente de s’avoir qu’il y a des fenêtres qui s’ouvrent, d’en-dedans comme dehors.


Et je le recommande à tous. Au moins pour aller chercher votre porte-clé.

*

Je me suis fait cadeau de ce hoodie de Sober Babes Club. Il est doux sans bon sens. Belle et large collection de linge sobre unisexe, suivez-les sur instagram.

Et ma mienne de boutique, c'est par ici.









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