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Photo du rédacteurCristina Moscini

Onlyfans & la clé des champs

Dernière mise à jour : 23 mai


J'ai sondé l'avis de Cindy Cinnamon, propriétaire des boutiques Planet X, chroniqueuse radio et l'une des premières artistes érotiques au Québec à avoir connu un succès mainstream, ainsi que Chastity Chevy, et Sania Mallory, modèles et créatrices de contenu sur Onlyfans.


Créatrices de contenu érotique, pour abonnés seulement Chastity Chevy - Crédits : Carlos David / Luxuria Studio / Justforherboudoir / Cloudrunner


Selon Chastity Chevy, Onlyfans a dans le positif, une manière d'opérer assez simple : "Je la trouve super cette plateforme, j’avais déjà eu un site payant au début des années 2000, et c'était plus compliqué et peu rentable." 

Les plus

"Le site est bâti de façon que c'est plus regroupé, et aussi plus facile pour l’utilisateur de suivre les personnes qui l’intéresse. Aussi, ça démocratise un peu la chose, et c'est plus personnel pour l’utilisateur !"


"Cette simplicité empêche de devoir passer par un third party pour publier, et je trouve ça bien pour toutes les utilisatrices. Tout le monde trouve son compte."

Les limites, on les met soi-même selon avec quoi on est confortable, sans pression.

 "J’ai commencé mon Onlyfans en janvier, ça a drôlement adonné avec le confinement...  Mais j’ai des recurring fans qui suivent mon travail depuis des années déjà qui étaient bien contents de pouvoir m’encourager. Je suis présentement dans le Top 19 (des créateurs de contenu). Il y a tellement de façons de faire, ça laisse beaucoup de marge à comment on veut gérer. De plus, les fans aiment avoir un contact direct avec la modèle." 

Les moins

"Par contre sur les groupes, je vois beaucoup de filles qui ne font pas de sous avec leur Onlyfans.  Beaucoup de gens pensent qu’ils feront des millions, mais n’ont pas beaucoup de followers. Je crois qu’il faut développer nos autres réseaux sociaux pour pouvoir avoir de la visibilité et avoir plus de subscriptions."


*


Pourquoi pas plus tôt ?

Interrogée sur l'avènement de sites au contenu payant par abonnement autogéré comme Onlyfans, Cindy Cinnamon s'exclame en riant : "Pourquoi y avait pas ça dans mon temps ?" Figure connue au Québec ayant vécu un des premiers succès viral avant le temps en tournant le film érotique "Cindy Cinnamon, la reine de l'exhibition" à l'été 1999, aujourd'hui la femme d'affaires doit encore se faire rappeler ce film jusqu'à trois fois par semaine par des gens qu'elle croise ou des internautes sur sa page Facebook professionnelle. Même si le film en question ne comportait que des scènes de nudité sans actes pornographiques, il n'en fallait pas plus pour créer une puissante secousse et créer une popularité folle à l'époque du VHS. "Les gens devraient être contents de voir qu’on se déniaise enfin au Québec", avait alors déclaré Jean-Luc Audet, co-producteur du film et conjoint de Cindy. Bien que très jeune au moment du tournage, Cindy avait déjà l'expérience des bars et cabarets de danseuses pour y avoir performé à travers le Canada.

Donc bien consciente de l'impact de la durabilité d'un passé érotique, Cindy est une fervente défenderesse du droit des femmes d'utiliser leur corps et leur sexualité comme bon leur semble.

Cindy Cinnamon à la une du Journal de Québec en 1999.



Une vitrine qui se veut exclusive

Selon Sania Mallory, modèle possédant déjà un following de plus de 35,4K abonnés sur Instagram, Onlyfans permet de s'afficher, sans trop de censure, mais ne permet pas de partager d'autre contenu relayant à d'autres sites. Comme une façon pour eux d'aller chercher l'exclusivité chez leurs créatrices de contenu. Pour ce qui est de la promotion, pour une modèle qui par exemple s'exercerait sur plusieurs plateformes, Onlyfans pourrait aller jusqu'à bloquer le contenu faisant référence à un site concurrentiel. Ce qui n'est pas un plus pour la plupart de celles qui entretiennent une page, qui sont souvent en réalité des travailleuses autonomes qui peuvent avoir à générer du contenu pour différents publics, sur différents réseaux et sites.

Sania Mallory - Crédits : Jean-Philippe Bourque / Paul Di Giacomo / Bruce Morroni


Pour ce qui est de la censure et des limites, même angle ici que Chastity, cependant Sania ajoute : "Je crois que je me suis fait censuré une fois, pour un mot que j'avais utilisé dans le référencement... déclare-t-elle en riant, mais sinon, on a pas mal le droit de faire ce qu'on veut !"



Belle et cochonne, et... féministe ?

Ayant déjà eu le toton sorti burlesquement moi-même, je dois constater quand même une certaine évolution des pensées, même s'il y a encore du chemin à faire. De ceux qui me slutshamaient (plottehonter, en bon français ? Ou putainiser, antiplotiser ?...) il y a une dizaine d’années pour ma guidounerie de scène, beaucoup sont maintenant de fiers & fières féministes sur le web, certes, où il fait bon de s’affirmer la bonne foi humanitariste virtuelle.

Je trouve que les femmes qui vivent de leur sexualité sont encore trop marginalisées, même dans ces milieux et cercles dits ouverts, on regarde encore de haut celle qui garde ses cuisses, plus ouvertes qu'une autre et ses jos plus au vent.

Et ça bénéficie à qui de jouer au puritain ? À faire semblant que la porn n’existe pas ? Au lieu d'inclure toutes les femmes dans ces hautes discussions sur le féminisme, pourquoi voit-on forcer encore ces préjugés de la danseuse qui ne peut être que droguée ou niaiseuse ? Pourquoi ces avenues de vie, soit de marchandiser sa sexualité à différents degrés, seraient de derniers recours ? Pourquoi une Marie-Dorothée de Westmount apparentée aux Rotschild née avec une cuillère en or dans la bouche ne souhaiterait-elle pas se faire driller copieusement et en haute définition par une ribambelle de chanceux musclés de la bite triés sur le volet en échange d'argent, par exemple ? Refuser d’inclure les travailleuses du sexe et artistes érotiques à notre table sociale, ce serait l’abnégation de notre propre sexualité ultimement, et se refuser l’existence de tous nos désirs intimes, tous aussi valides, de notre pouvoir de séduction. Un pouvoir bien lucratif, si on enligne les bonnes cordes.

Et plus que jamais avant, ce pouvoir de marchandiser son image est accessible et faisable de façon indépendante. L’argent va à la créatrice de contenu principalement sur cette plateforme. On paie une redevance en pourcentage de revenus à l’hébergeur du site, et la majorité du revenu va directement à celle qui crée son contenu.

C’est mon cul, c’est mon cash. That’s it, comme disait Sœur Angèle (je crois).

Mais, rien n'est éternel sauf nos nudes

Mia Khalifa, dont le nom est encore l'un des plus recherchés sur Pornhub, est présentement en démarches juridiques pour faire enlever ses vidéos pornographiques de sur la toile. Est-ce chose possible ? Quels sont les droits des acteurs, actrices, et artistes érotiques une fois le contenu publié, partagé ? Comme le dit Cindy Cinnamon, à l'instant où on produit et publie du contenu érotique, il faut le faire avec la paix d'esprit que ça peut se ramasser n'importe où. Que ça peut devenir public. Elle me rappelle le cas de Samantha Ardente, dont le passé d'actrice porno était revenu à la surface alors qu'elle était devenue par après employée dans une école publique.


Dans le cas de Mia, qui vise maintenant une carrière dans le journalisme sportif et comme actrice "habillée", elle regrette sa brève carrière pornographique, à laquelle elle a mis fin en 2015, et plaint le long chemin de la rédemption. Mais est-ce que c'est seulement la porn qui est à blâmer ? Ou plutôt notre société prude et malhonnête qui empêche la réhabilitation des cochonnes (pardonnez-moi l'expression) ? Quand est-ce qu'on voit des artistes du X sur les grandes chaînes ou les grandes tribunes exprimer leur version des faits, parler de leur perspective ? En javellisant l'image de ce que devrait être la sexualité et le parcours érotique des femmes, on fragilise le futur de celles-ci, en levant le nez sur la réalité multi-dimensionnelle de ces êtres, on augmente le danger de les cantonner dans un rôle permanent et unique. Fuck ça. No more, esti. Certes, si l'exploitation dans l'industrie pornographique existe, ce n'est pas en snobant celles qui le pratiquent qu'on leur ouvre une multitude d'options. En ayant une plateforme où elles sont maîtres du contenu, on peut espérer une porn éthique, où tous se branleront vers de quoi de plus moral, en HD. Ou, enfin, faire profiter la créatrice directement, plutôt que l'industrie. Comme publier à compte d'auteur, quoi !


On peut conclure qu'avec la hausse de pages créées et d'abonnements qui montent en flèche sur ces plateformes, ça rendra le travail érotique éthique plus facile qu'auparavant, avec un support plus fiable pour créer du contenu rendu par des adultes consentants qui gagnent réellement de l'argent pour leur travail. Bien que naviguer dans le discours de l'industrie du sexe en n'en faisant pas partie peut sembler nébuleux, on se doit de respecter le travail du sexe et on gagne tous à s'ouvrir à ceux et celles qui le pratiquent. Et payer pour leur contenu tounu.e !


Actu : Après avoir lancé récemment le tube sulfureux de l'été #WAP (Wet Ass Pussy), Cardi B a lancé elle aussi, sa page Onlyfans. Pourquoi ? Pourquoi pas.


Pour suivre :




En savoir plus sur les boutiques Planet X.

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