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  • Photo du rédacteurCristina Moscini

Ça va tu, pour vrai


Lundi, 16 octobre 2022

MISE EN CONTEXTE



Je repartage ci-dessous un texte que j'ai écrit un soir d'octobre en 2018 qui parle de dépression, de suicide.


Parce qu'il y a quatre ans aujourd’hui, je me revois dans ma nouvelle chambre louée au mois en haut du magasin et café Chez Méo prendre mon laptop sur mes cuisses pour écrire ce texte. Le poêle à bois crépitait dans le salon, le lave-vaisselle lavait mes tites tasses avec un petit grondement fancy. Par la fenêtre d’en arrière, la forêt bourrée d’arbres se coloraient dans le soir tombé, par celle d’en avant, la rue Principale ben tranquille où les chars passaient seulement de façon bien espacée.


Je restais dans le plus bel appart que j’ai pu habiter de ma vie et ça faisait alors à ce moment-là deux mois que j'étais déménagée de Québec à Saint-Élie...


Je vis une béatitude difficile à décrire puisqu'encore inconnue à cette époque.


Je suis abasourdie du bonheur que je vis. De l’accueil que je reçois, de l’amour qu’on me donne. Je me trouve chanceuse, j’ai le goût de le rendre un peu. De partager avec mon nouvel entourage, ma part d’ombre. Parce que je me sens enfin assez solide pour le faire. Colmatée par la bonté, le temps, le guérissage.


Je me dis qu’il faut en parler plus, normaliser nos embûches, nos hémorragies souvent invisibles à première vue. Ce que je savais pas encore, c’est que ce serait une étape importante pour commencer à évoluer vers l’adulte que je voudrais être, pour travailler à m’affranchir des dépendances et de l’auto-sabotage qui me mordaient le corps.


Vider un peu la tinque à sombre pour laisser de la place à l’univers pour la remplir d’autres choses.


Ce que je savais pas encore, c’était la réponse retentissante que j’allais avoir, de combien de personnes qui sont passées par là.


Des gens de notre entourage qu’on a manqué de perdre sans le savoir. Et qui, heureusement, ont trouvé liane pour s’accrocher le bras, se sortir le corps, se sortir la tête, d’un marasme maudit qui nous envahit.

Je repartage aujourd’hui, quatre ans plus tard, pour communiquer ma gratitude pour la vie que j’ai maintenant, encore plus même, pu à Saint-Élie mais toujours matchée civiquement avec la Mauricie. Je suis reconnaissante quotidiennement pour ce dont quoi ma vie est composée, et de constater les mondes qui me séparent de l’état où j’ai été quand je voulais m’achever, il y a quelques années.


Je repartage aujourd’hui parce que personne n’est imperméable, et qu'on peut dégringoler vite si on ne se porte pas attention. Il faut développer le réflexe de demander de l’aide de professionnels de la santé quand ça ne va pas.


Il faut normaliser prendre soin de soi comme d’une plante qui nous a été attribuée dès la naissance. Je peux pas croire que chu pognée pour arroser, fertiliser, nourrir, tailler, laver, rempoter, éclairer cette estie de fougère-là toute ma vie.


On est à un googlage de près d’un premier rendez-vous sul' fauteuil confortable du psy, d’une rencontre pour parler de nos dépendances, de toute. Ou même juste d’envoyer un meme à un.e ami.e.


Alors ici, ce texte publié initialement dans La Fabrique Crépue, disponible en lecture pour tous.


 




"Ça va tu, pour vrai ?"


Cristina Moscini

Mardi, 16 octobre 2018

 

 

J’ai pensé à me suicider pour le vrai il y a un an et demi à peu près.


Je sortais d’un gros projet créatif qui avait plus ou moins bien été, selon mes barèmes, qui avait été un désastre financier, pour moi, principalement, qui avait eu peu d’échos culturels, qui avait été éreintant dans tous les derniers mois de sa grande et laborieuse création. Un projet où comme c’est souvent le cas, le créateur porte beaucoup de chapeaux, lourds à en crouler de la tête, un projet qui s’est présenté par le siège et qui a déchiré ma noune artistique jusqu’au trou de cul, si l’on veut. Qui a brimé ma créativité artistique, à tout jamais - je le croyais, cette créativité qui était mon moteur de vie. Sans ça, je n'étais rien. Sans le nanane illusoire d'un projet réussi, je n'arriverais plus à tenir debout. Parce qu’après tout qu’est-ce que c’est la vie si on ne peut réaliser ce que l’on aime, ce qui arrive encore à nous faire rêver, ce dans quoi on se croit doué.e ?


Des mois avant je le voyais s’en venir, ce crash. Je ne me trouvais pas bonne, pas efficace, et je me le crachais chaque jour en esprit, avec moins d’euphémismes, je me gargarisais de violences pensées et crues à mon égard, du matin au soir, des nuits sans sommeil aux jours sans soleil (honnnn!).


Je me regardais en train de me saboter tranquillement sans pouvoir le dire à personne, noyée dans mon silence, prise d’un tumulte où je n’avais jamais appris à demander de l’aide, où j’avais par réflexe et éducation appris à cacher mes troubles réels, mon besoin d’aide quand l'aqueuse tentation de mort me prenait la gorge, mon besoin de guérison emmitouflé dans les substances car je ne savais que comment ravaler des hémorragies, pour sauver les apparences du tapis.


Mes pires peurs s’étaient réalisées : je n’étais pas à l’épreuve de tout ni même de moi. J’avais de la peine. J’étais déçue. J’étais en crisse.


Je n’aurais pas pu, dans ce temps, me sortir hors de moi et me dire de ne pas capoter : je voulais foncer dans le fleuve. Aller simple. Je voulais me poignarder dans face. Je voulais me crisser devant un char (qui roule).


J’avais pris l’habitude de quêter ici et là des pilules à des amis prescriptionnés. Toutes les sortes. Comme un écureuil fataliste et prévoyant, je les avais toutes accumulées en pensant secrètement me clancher quand j’en aurais un bon tapon. J’aurais peut-être juste eu mal au ventre comme une conne si j’en avais pas pris assez. Je voulais pas manquer mon coup. « Encore quelque chose que t’échoues ! Bouhouhou ! »  Reste que rapidement, j’ai perdu tout intérêt dans toute. Comme Andy Dwyer dans Parks and Recreations quand on lui demande comment il va et qu’il répond : « Oh, I’m fine. It’s just that life is pointless and nothing matters and I’m always tired. Also, I can’t sleep, I’m overeating and none of my old hobbies interest me. »



J’allais travailler à mes jobs de serveuse et barmaid soûle de jour comme de soir, et je rentrais me coucher peu importe la petite heure qu’il était, puis j’attendais que le soleil se couche ou se relève et le lendemain, c’était pareil. Si j’étais en congé je m’arrangeais pour ne pas sortir de chez nous, je cancellais des plans comme on flicke une crotte de nez sèche du bout de ses doigts. J’étais seule de chez seule. Pas de chien, pas de chat, pas d’enfant, pas de famille, pas de plante verte, pas de chum, pas d’amants, pas de denrées périssables, e-rien. Même les mouches à fruits fuyaient mon deux et demi.


Ceux qui sont passés dans ma vie dans cette période et qui ne m’avaient pas connu avant on eu droit à une fille vulnérable comme une chaise à trois pattes, qui vire l’œil plein d’eau quand elle est en boisson, qui rumine des problèmes mais qui est incapable d’en parler, qui a besoin de se faire valider mais qui a l’estime personnelle d’un tapis de bain, dans une salle de bain où toute serait faite en marde pis en pisse. Fait que non, ça ne me courrait pas après pour me fiancer. Mais au fond, j’étais bien mieux enroulée dans un grand lit noir. Un matelas creux pis frette où pour éviter de me sentir coupable d’être incapable d’en sortir, j’ai écouté en boucle et parfois même à répétition Friends, The Office, Parks and Rec, les p'tits bonhommes, pis bien du Netflix.


Mais pas de danger que j’aille ouvert un livre. J’avais peur de lire, ou même d’écouter un film, un album que j’aurais jamais entendu ou vu auparavant. Je ne voulais pas me forcer à m’ouvrir sur rien. Du nouveau, c’est devoir faire face à de l’en avant de nous. De concevoir qu'il y avait quelque chose en avant, en-dehors. J’avais peur d’avoir des émotions. De réfléchir. J’étais devenue bien dans le brouillard mental dans lequel je vivais. Épais, opaque, rideau de plomb. Bruit sourd, tête sous l'eau, tête soûlonne. Je ne rêvais plus, je ne cauchemardais plus, je ne jouissais plus, je ne me crossais même plus, je ne riais plus de mes jokes (et je me suis toujours été bon public).


Mon petit crisse de bonheur secret, c’était de savoir que je pouvais décider d’en finir quand ça me le tenterait. Et j'ai tenu avec ça pendant un boute. Empalée sur une clôture et incapable d'en débarquer. Fait qu’un moment donné c’était rendu Noël et j’étais home alone dans mon semi-meublé et j’ai décidé de prendre rendez-vous avec une clinique de psychologue. C’était complet.



J'ai donc inscrit mon nom sur une liste d'attente. Mais déjà là, instantanément, j’avais un petit peu moins le goût de me tuer. Il s'était passé quelque chose dans l'action de me céduler du sérieux. J’étais comme devenue curieuse. Je me suis servie de mon imagination (j’ai soufflé dessus avant pour ôter la poussière accumulée par mon mal), et je me suis projetée pour la première fois depuis longtemps dans le futur.


Je m’imaginais genre, avec un cocktail de crevettes dans une main en train de rire avec des amis. En train de faire de quoi, respirer, avoir la crisse de paix. Imaginer d'arrêter de vouloir m’excuser de vivre à chaque bouffée d’air. Est-ce que ça ne serait-ti pas beau, ça ?


À moment donné, mon rendez-vous est arrivé, et j’ai déballé de la marde, oh. my. god.


Que j’en avais long et large et brun sur le cœur.


La madame psychologue a l’a pas essayé de me briser pour me reconstruire, rien, mais a juste posé les bonnes questions, pis écouté ma tourmente, en échange de dollars, et pis ça l’a faite pour moi, immédiatement. J'ai commencé alors cette habitude que j'ai gardé, de nommer et dire. Et développer ça davantage. En jasant, en disant, en nommant.


J’ai vécu ça comme un déclic.


De parler, je connaissais ça, la yeule ne m’arrête jamais quand je me tiens trop proche d’un Muscadet ou d’un Sauvignon, mais de dire. Dire des choses qui me font de la peine. Confronter ceux qui m’en ont faite. Dénoncer ceux qui en ont abusé. Reconnaître que j’avais besoin d’aide. Dire quand je suis triste ou je suis fâchée. Toutes les émotions négatives que je ne répandais pas sur mon entourage, avec tort ou avec raison, je les renvoyais vers moi. Toute la violence que je ressentais face aux situations qui m’accablaient, je la renvoyais en moi.


Apprendre à se traiter comme on traiterait sa meilleure amie. Ne pas tolérer l’abus, des autres, de soi. Décâlisser des endroits qui nous rendent malheureux. Changer de cadre, trouver son décor. Ne pas se tuer.


Esti de bon move, pareil.

Je le recommanderais à chacun.


J’aurais pu en lire des poignées de p'tits textes qui disent de pas se tuer et sans grand émoi. Mais si y en a qui sont déjà passé par là, je crois qu’y faut le dire, de plus en plus, sacrament. Et de se donner le droit d’être faillible; je ne suis pas à l’abri de chuter dans un abysse de déroute et d’effroi, mais juste de se donner le droit d’aller chercher de l’aide, ou de le dire, crisse : Eille, je va pas ben ! Pis d’avoir de la compassion pour nos proches, collègues, amis, voisins, visages familiers inconnus mais qu’on croise tous les jours.


On a le droit de se demander « Ça va tu ? » Pis on a le droit de se répondre, pour vrai.


 

Mardi, 18 octobre 2022

ÉPILOGUE


Il y a de ces étapes importantes. Et avec le recul, j'ai l'impression de vivre aujourd'hui une deuxième vie que j'aurais gagné à la loterie.


Si je ne m'étais pas autorisée à m'admettre que je n'allais pas bien, je ne serais jamais allée consulter une professionnelle de santé.


Si je n'étais jamais allée consulter, je n'aurais jamais déménagé de Québec pour me donner la chance d'aller mieux, au moins juste un été.


Si je n'étais jamais allée vivre en Mauricie, d'abord dans un petit village d'adoption et de guérison, j'aurais jamais trouvé le support de me reconstruire. Et puis devenir travailleure autonome, un tournant majeur pour mon ti-crisse de moral, mon équilibre.


Si je n'étais jamais devenue travailleure autonome en Mauricie, j'aurais jamais trouvé le courage de devenir sobre.


Si je n'étais jamais devenue sobre, je n'aurais jamais starté ce blogue.


Si ce blogue n'avait jamais existé, un de mes textes n'aurait pas été adapté au théâtre. 122 textes écrits n'auraient pas été lus. Multiples discussions n'auraient pas été tenues, des t-shirts de sobriété n'auraient pas été sérigraphiés, des podcasts n'auraient pas été enregistrés puis écoutés en faisant à manger. Si ce blogue n'avait jamais existé, vous ne seriez pas en train de lire ceci. Fou !


Si ce blogue n'avait jamais existé, je ne deviendrais pas dans le jour à jour cette personne qui se guérit rétroactivement et qui montre ses plasters séchés, d'un coup que ça pourrait servir.


Merci.


Merci vraiment, de me permettre de vivre ce qui se ressent comme une extension, une nouvelle chance, des opportunités de grandissage, en plus solide, en plus sobre, en plus planté. En plus santé. En plus vivant.

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