En général, elles durent moins d'une minute. Des vidéos sur Instagram, TikTok, depuis quelques mois publiées par la princesse de la pop des années Y2K où on la voit danser, tourner sur elle-même, souvent sans parole, sans contexte. Tourner, sans fin.
Vingt-deux ans après la sortie de Baby One More Time, la chanteuse qui a été portée responsable de l'hypersexualisation d'une génération d'adolescents est maintenant sous la tutelle de son père suite à un épisode de "maladie mentale non-reconnue" où elle avait entre autre agressé un paparazzi et un char avec un parapluie, et fameusement rasé de sa tête toute sa chevelure épuisée de peroxydage. On la voit peu en entrevue, en fait plus du tout. On la prépare comme un cochon de parade, on la pousse sur scène pour faire ses spectacles tant appréciés, puis on la reconduit à son manoir à hautes clôtures jusqu'au prochain show.
Difficile de ne pas penser à la cérémonie sacrificielle païenne d'une vierge adorée quand on relate l'histoire de Britney Spears. La sienne de virginité a fait couler beaucoup d'encre à l'époque. Devenue mondialement célèbre à 16 ans, cueillie de son Amérique aux relents de barbecues de Louisiane et de prosélytisme religieux, la conservation ou la perforation de son hymen était devenue une affaire publique. Tous médias avaient leur mot à dire, les compagnies, de Pepsi à Disney, surveillaient d'un oeil anxieux tout écartage de conduite ou de cuisses de Brit Brit.
Puis, force de puberté, d'écoeurement, ou tout simplement de propriété sur sa propre personne, Britney se marie ben soûle à Vegas, on la voit aux débuts d'internet sortant d'un bar en Allemagne alors qu'elle n'a pas encore l'âge légal de boire. On critique son tattoo de signe chinois en haut du cul, on se choque qu'elle s'habille vulgaire, que ses cheveux sont sales, qu'elle mâche de la gomme la gueule ouvarte, qu'elle est pu fine avec les journalistes. À quelques épingles à couche près, on avait une punk dans le poulailler de la pop.
Dans la deuxième moitié des années 2000, Britney est devenue mère, couplée avec un esti de zarzais avec la calotte de côté. Ils ont même eu leur téléréalité, où on pouvaient les suivre dans leur quotidien d'étendage de lotion de bronzage et de doigts oranges de mangeage de Doritos. Pas la plus articulée de la boîte, mais assez brillante pour rester en dehors des feuds avec d'autres artistes, Britney perdure dans le paysage artistique, en camisole de polyester tachée de frappuccino, pour signifier qu'elle fera, ou toffera, comme elle l'entend.
Arrive l'incident de la boule à zéro. Comme un épisode de Piment Fort sur stéroïdes, la planète se donne le droit de rire, de ridiculiser la chanteuse multi-millionnaire. Un des premiers à prendre sa défense est le vloggeur Chris Crocker, qui sera, lui aussi, ridiculisé. #LeaveBritneyAlone
Mais la pente se remonte. Tranquillement. Un gentil coiffeur finit par s'occuper de ses rallonges blondes à trois dollars. On la met dans des robes serrées pour aller poser à des premières sur les tapis rouges. On lui blanchit les dents et on lui visse le sourire avec une drill en se câlissant de ses yeux qui braillent. Bientôt, elle obtient un contrat à Vegas où elle performe, boulet contractuel au pied, soir après soir, après soir.
C'est comme ça qu'on les aime nos stars : en cheval de trait, à pousser du contenu sous la menace du jugement public, ou pire, de l'oubli.
On dit de notre époque que tout maintenant est politiquement correct, que c'est un safe space pour tous. C'est pourtant pas ce qui arrive à Britney Spears ces temps-ci, depuis qu'elle publie ses vidéos de spinnage et de danse étrange sur TikTok. Ses fans la pourfendent, l'imitent. Elle devient un meme, ce qui est l'équivalent d'une risée, même si fait dans un but post-ironique-humour-au-90e-sous-sol.
Au Québec, récemment la page Instagram @Dictionnaire des Vedettes Qc ont fait une joke de poudre sur le dos de Xavier Caféïne sans trop se préoccuper que celui-ci a connu de réels passages lourds où on le dit même sans domicile fixe, entre hôpital psychiatrique, cure de désintoxication, itinérance.
Mais qu'est-ce qu'on n'écrirait pas pour un like.
Dans le cas de Britney, à chacun de ses sauvetages, l'occasion est manquée de parler de santé mentale. On évite même le sujet, et on recommence alors le même manège où on lui prend son jus, puis on la repousse dans ses tranchées aux murs en marbre blancs défraîchis. On vous aime, on vous hait. On vous pousse dans l'eau et on rit de vous voir noyé.
Rire des fous, quand le monde est dôme d'asile.
Rire des fous, chacun enfermé derrière sa porte barrée.
Rire des fous, ignorer le chant du canari dans nos mines de charbon.