Secouer l'arbre à crottés

On le dit. Ça arrive par cycle. En grappes. En groupe. Et en grogne.

Elles sont de retour.

Tremblez sous vos bizounes.

Tremblez sous vos longs doigts.

Tremblez sous vos longs crocs.

Les dénonciations !

À chaque fois. Une brassée. On secoue le pommier pour faire tomber quelques pommes pourrites. Quelques fois, les pommes pourrites réussissent à regrimper dans l'arbre, et continuent avec succès à sucer la sève des branches dans un printemps impénitent éternel.

Quelques fois. Au lieu de pommes. Il s'agit de loups. Qu'on surprend la gueule sanglante de plumes. On demande souvent qu'adviendra t'il de la carrière du loup, avec, en arrière-plan, les carcasses des poulets étendus décrissés tounus sur la toile. On souhaite qu'il ne se soit pas trop fait mal en croquant de la volaille guédaille.

C'est pas comme ça qu'on dénonce.

Ah, bon.

Auriez-vous également l'amabilité de me dire,

c'est pas comme ça qu'on viole pas ?

Tant qu'à prendre conseil.

Mais, à vous écouter,

dans le mal, tout est bon.

Tout passe.

Les règles, c'est fait pour être subit.

Pas pour être respecté.

Pas pour être protégé.

Tenez-vous le pour dit.

Si vous avez la chance de vivre une agression,

faites de la limonade de ce citron,

dénoncez, ne serait-ce que pour l'attention.

Quelle femme ne rêve pas d'être regardée

comme une ayant été pénétrée de force,

Quelle personne ne souhaite pas voir

le pire moment de sa vie,

scruté par des milliers de Jean-Guy.

Quel look, quel chic, quelle classe !

Apprenez mon visage qu'on a tuméfié,

et je devrai continuer de rentrer travailler.

Quinze minutes de gloire, de glamour,

pensez Nathalie Simard ! Wow !

Les hommes veulent être avec elle,

toutes les femmes veulent être à sa place !

Et regardez tous les débouchés professionnels !

Plan de carrière, vous me demanderez après ?

Taratata ! Dénoncer, incorporated & limited.

Tout ça pour dire qu'il n'y a pas une personne qui souhaite être connu.e pour s'être fait rentrer une télécommande dans la plotte par Guy Cloutier.

Ça me dégueule à chaque fois de voir les femmes que j'admire dans mon entourage devoir prendre le crachoir par solidarité, et d'apprendre quel osti de Steeve lui est passé sur le corps sans consentement. Ça me dégueule de savoir que j'en ai possiblement dans mon entourage, des ceusses qu'on voit tous les jours qui sont le cauchemar de l'une, la honte qui gruge d'une autre.

Imaginez que les victimes soient aussi bien protégées que les agresseurs dénoncés.

Qu'une femme dénonce ou non, on dit que ça lui appartient.

Je crois que j'en doute.

Est-ce que taire, c'est permettre d'autres victimes ?

Mais je comprends tellement pourquoi une victime ne dénoncera pas.

Ou pas avant longtemps.

Je comprends absolument le réflexe du call out.

Toutes les femmes qui sont passées par le service policier à un moment ou un autre pour dénoncer une agression sexuelle le comprendront aussi.

La police laisse le plus de chances possible au coureur.

Oui, mais, es-tu vraiment sûuuuuuuuuure sûre sûre, que, dans le fond tu l'as pas cherché ?

On va remplir la paperasse, tu vas avoir une ordonnance que ton crotté pourra pas t'approcher à moins de cinquante mètres pendant trois mois.

Ok, fine.

Fiouffe !

Moi qui pensait avoir peur.

Fait que ça, c'est le choix A.

Le choix B., c'est le call out instantané.

Dans les plus :

Ça avertit les autres filles sur le champ.

Le chat est sorti du sac et ne peut plus être camouflé sous la juridiction.

Ça doit faire un pas pire soulagement karmique.

Dans les moins :

Manger plus de marde virtuelle que l'agresseur.

Risquer une injonction pour diffamation.

Apprendre à tout le monde que tu t'es faite rentrer une télécommande.*

* Remplacez bien les mots et les verbes ici par ce qui conviendra.

J'écrivais sur les dénonciations en 2015. Quand c'était les femmes autochtones qui disparaissaient par dizaines, qui se faisaient agresser par les policiers.

J'écrivais sur les dénonciations quand c'était Brock Turner et son viol pogné live sur le fait par deux témoins, accoté sur un corps à vidanges à zigner une fille inconsciente, qui a pogné six mois de peine.

J'écrivais sur les dénonciations quand ce fut le tour aux médias de s'y intéresser en masse, quand les déclarations sont venues de riches actrices blanches et mondialement célèbres. Violées par des big names. Pas juste des criminels nobody au parc.

Une fois, après la publication sur le blogue d'alors, La Fabrique Crépue, de l'un de mes articles coups-d'épée-dans-l’eau-de-pisse-et-la-dèche-rosie-de-sang-de-cenne, une fille m'a écrit pour me parler des agressions qu'elle avait vécues, et m'avait alors fait constater que les dénonciations arrivent par cycles.

Toujours par cycle. Comme encouragées par l'écho des choeurs ecchymoses.

Et puis.

Les années passent.

Le système ne change pas.

Les roues de la caravane grincent.

Les chiens continuent d'aboyer.

Le pommier va refleurir de crottés.

Mais peut-être qu'en continuant de le secouer.

À chaque printemps, nous amènerons l'automne.

À vous déraciner le verger.

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Juripop offre des conseils juridiques gratuits à toutes les victimes: https://juripop.org/jai-vecu-du-harcelement-au-travail-ou-…/

Les Centres d'aide aux victimes d'actes criminels offrent du soutien gratuit partout au Québec, et vous pouvez y avoir recours même si vous ne portez pas plainte: https://cavac.qc.ca/

Les Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel offrent du soutien téléphonique et de l'aide psycho-sociale gratuite aux victimes et à leurs proches: http://rqcalacs.qc.ca/

Il existe également des ressources spécialisées pour les hommes agressés sexuellement: https://shase.ca/organismes-du-quebec