Y a un sketch de Phylactère Cola qui doit dater du début des années 2000, une satire où on voit Beethoven en plein et pénible processus de composition de l’une de ses symphonies, qui est à se demander si son art traversera les siècles. La scène suivante, la même mélodie est utilisée dans une annonce télé pour vendre un char pis des souliers.
Est-ce qu’on peut moudre son génie dans du jingle capitaliste sans se faire mal ?
J’ai le maigre souvenir d’une époque où artiste rimait avec revendication, refus de l’étiquette, bouleversement social. La scène est alors gagnée par des ceusses qui dérangent, qui fument des cigarettes en ondes, qui utilisent des gros mots, qui pointent le doigt vers les instances que vous et moi petits travailleurs du quotidien n’osons ébranler. Mais on admire le courage, et on rougit quand l’aiguille gratte leur vinyle.
L’image de l’artiste avec sa chemise tachée, le béret, le pinceau en main et palette avec ronds de peintures assorties aux couleurs de l’arc-en-ciel n’est bonne pour évoquer qu’un émoji ou deux, maintenant il semble.
L’artiste était mystérieux, incompris, même introuvable. En se demandant si les élusifs Ducharme et Banksy sont la même personne, on peut du même souffle se demander si l’austérité mise en place les dernières années a tué la notion de sell out.
Avant, endosser une compagnie de char au gaz, ou une multinationale, aurait pu être un tue-carrière, on disait alors d’un artiste qu’il avait vendu son âme pour un chèque.
Bien sûr, on aime l’artiste toujours un petit peu pauvre, ça le rend plus vrai. On le nourrit en achetant un billet par année, et il s’en retourne avec sa guitare et ses mots nous pondre un autre opus contestataire. Et nous on s’en retourne dans notre Ford faire notre magasinage su Walmart en arrêtant prendre une patate aux arches dorées, bien content que quelqu’un se lève le cul à notre place pour dire ce qui va pas dans le monde avec autant de poésie si rythmée qu’elle cadence presque de joie nos pas dans les allées de petits bescuits. Mais mauditement pas qu’il prenne les mêmes aises que nous.
Les artistes sont appréciés en publicité parce qu’ils ont réussi, passé un certain statut, une certaine visibilité, à atteindre la sympathie du client moyen que nous sommes, éternellement, dans les yeux des gros pas fins. Face-de-chose me dit de faire mon épicerie à telle place, avec deux ou trois blagounettes pour rendre à l’aise et qu’on reconnaisse son style, pour mettre du vent dans les dentelles et jabots par-dessus les courroies ferreuses du sponsor.
La bonne nouvelle, est que tout le monde peut maintenant être sponsorisé. Être influenceur qu’ils appellent. #ad
L’autre bonne nouvelle, c’est qu’on peut choisir ce qu’on annonce. S’il ne reste du pouvoir des artistes qu’une tribune et un portevoix qui se calcule en abonnés et en nombre de likes, c’est peut-être le temps de montrer ce sourire molairement plaisant à côté de ce qui compte, ce qui rage, ce qui s’enligne avec ce pour quoi ils ont été applaudit.
Et du côté des artistes, d’une part on peut leur demander si ça leur fait mal au cul de céder les droits d’une mélodie écrite d’un amour déchu pour un jingle de crème soda, ou au contraire que ça fait du bien de se faire creuser une piscine creusée. Pas besoin d’être dans la misère pour être la voix d’une génération.
On peut aussi se demander comment on en est arrivé là ?
À partir de combien d’années de coupures gouvernementales en culture pourrons-nous espérer ne pas tous se retrouver dans la mendiance, à high-fiver celui qui aura eu la chance, le lustre, la salvation de se vendre l’âme ?
Est-ce que les Kardashians sont des artistes ? Du domaine de l’entertainment certes, mais leur visage et pousse-crotte respectifs sont assez célèbres pour vendre du thé detox et des cosmétiques par milliards. Peut-être que ce sera là l’ultime soulagement de l’artiste maudit. Quand il sera fatalement dépassé par des générations d’influenceurs célèbres et familiers se brassant le cul sur des danses TikTok aux yeux de scrolleurs déférents, on lui dira de retourner à ses pinceaux, de retourner à ses cordes, et de se tenir la face loin de là où il se fabrique de la piasse.
Y en a pour dire amère America, d’autres qui disent journée d’Amérique. Et pour d’autres Pepsi, c’est le choix d’une nouvelle génération. #classique
Peut-être que la liberté sera là.
En attendant, divertissons-nous local, comme qu’y diraient !