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Photo du rédacteurCristina Moscini

1099 jours de sobriété, qu’est-ce ça change, en gros ?

Dernière mise à jour : 17 mai


J’ai récemment fêté mes trois ans de séparation avec la boisson. Je dis fêter, mais on s’entend, rien à voir avec la connotation de jadis.


J’ai mentalement essayé de faire le bilan des choses qui ont changé, depuis mars 2020. Globalement, on a tous l’impression que c’était entre juste hier et dix mille ans. La temporalité, c’est muable beaucoup.


Au lieu d’une liste en bullet points, un bouquet de choses que j’ai remarqué entre l’avant en consommation, et le maintenant, en sobriété…

- Je suis allée chez le dentiste pour la première fois en vingt ans. Quand on est ou était une personne dépendante à faible revenu, pour réussir à consommer comme les riches, beaucoup de choses prennent la banquette arrière, comme les soins de yeule. Ça m’a fait penser à comment tout est négligé sauf notre soif. Dans mon cas ça prenait parfois des proportions comiques. Jeune, je buvais tous les billets que j’avais, souvent au point de ne plus avoir les moyens de retourner chez nous en transport, de ne plus pouvoir m’acheter d’épicerie jusqu’à la prochaine paie, de ne pas payer le loyer à temps. Avec le recul, je n’étais peut-être pas la pirate bravement anarchiste aux dents brunes que je croyais être en bizounant le système, la machine, par en arrière. Je m’étranglais lentement plutôt dans une précarité dangereuse, dans une société certes pas souvent juste pour les non-riches, mais mettons que je ne me mettais pas les chances de mon bord pour toffer plus vieille que 35 ans.


- Je ne contemple plus l’auto-enlevage de vie. Pas pour pamphlétariser que la sobriété va vous faire pousser des arcs-en-ciel en lucite lumineux dans la raie des fesses, mais, quelle que soit la raison qu’on boive ou qu’on buvait autant, ça va juste mieux sans. Pour mon petit cas à moi, je n’ai pas de diagnostic officiel avec reçu d’un trouble qui porte à aller vers les substances pour chercher à apaiser un mal plus profond (mais ne le faisons nous pas tous, après tout ?), mais je peux dire que depuis que je ne consomme plus, il ne m’arrive plus au réveil de me demander « Je me lève-tu ou ben je me tue ? ». Et juste ça, avec le temps, ça enlève quelques blocs de ciment sur le cœur. Mes humeurs sont plus facilement reconnaissables, je n’ai plus à essayer de me décoder à l’aveugle comme essayer de finir un cube rubique les yeux bandés dans des montagnes russes. En tant qu’humain on est une créature d’habitudes, et après un bout, cette égalitude nous apporte une nouvelle confiance en nous-même, une solidité presque, et, c’est pas dégueu.



- J’ai dû faire une croix sur l’espoir de me faire sortir des bars et restaurants à nouveau. Hélas, je suis devenue maintenant très sortable. Fini la Duchesse Molsonne Dry, la Doyenne du Cresta Blanca, la Vicomptesse De La Carling Tablette. L’animale de foire au toton gauche sorti et au mascara qui coule n’existe maintenant que dans mes récits de houle en haute mer. Plus profondément, ma nature a changé; si mes bas ne sont plus profonds à s’en faire roussir le fion sur le noyau de la Terre, mes hauts ne sont plus des octaves crécellés à chaque toune de Scorpions entendue sur une terrasse galvanisée. Je me gère, en fait. Et, c’est encore nouveau, comme sensation. Peut-être est-ce aussi de vieillir à travers ça (bonjour mi-trentaine), mais mes réactions sont plus calmes, pour presque toute. De ce fait, ça fait longtemps en esti que j’ai pas kické une poubelle sur la rue dans un excès de joie ou que je n’ai pas, en pâmoison, roté les lettres du prénom d’un gars que je trouvais beau. J’ai toujours été une Don Johanne, après toute. Ça peut se traduire désormais par le fait de donner moins de nouvelles aux copains, initier moins, ou plus du tout de sorties, car : la tranquillité gagne maintenant presque tous les bras de fer dans le concours des loisirs.

*Si vous vous le demandiez, c’est donc naturellement qu’on devient plate, pas par injections...


- On vomit beaucoup moins. Dégueuler m'était aussi fréquent que se brosser les dents : une fois par mois. Non, je blague, mais on y reviendra. Ma santé physique surtout vers la fin était insupportable. Je me réveillais à l’aube avec des sueurs d’angoisse de la veille et un sommeil entrecoupé de réveils (taux de sucre décrissé vous diront les scientifiques, j’en suis pas une, je n'peux étayer), mais je me levais du matelas que lorsqu’il fallait que je quitte l’appartement. Je promenais mon teint cireux jusqu’à ma job avec rien dans le ventre et je toffais mon chiffre, la peau verte, des fois en prenant des pauses pour aller vomir des vagues de la veille, puis quand en catimini je pouvais me le permettre, je me prenais quelques grosses gorgées de petite bouteille cachée pour me remettre, en attendant que la journée finisse. Une fois dépunchée, je me traînais dans mon linge pas frais lavé jusqu’au bar le plus proche et je prenais tout ce qui se buvait, je soupais de peanuts en écale, ou de fromage salé quand y en avait et de céleris dans mes Bloodys (quand je feelais fancy). À force de cocktails doubles, j’allais souvent régurgir et je revenais m’assire. Rincer et recommencer. Juste avant de me coucher, pour me sustenter j’allais dans un des restaurants de patates ouvert 24h, et ce que je dégueulais pas la nuit même, ça ressortait en morceaux choisis le lendemain. Si c’est pas ça la belle vie ! De l’extérieur, il est facile de recueillir les preuves qu’un tel train de vie est absurde, nocif, pas rentable. Mais quand on est dedans, après un certain temps, on trouve que ça pue pas tant que ça finalement.



- L’horizon est moins laid. Ça rejoint les points déjà énoncés, c’est plutôt la somme d’une hygiène de vie qu’on s’est appris. Je regarde encore mon cadran @I Am Sober tous les jours, à compter ma sobriété en heures, jours, et secondes, et maintenant années, et cette volonté que j’avais au Jour 1 est celle qui me garde encrée dans celle de demain. C’est quétaine comme un dauphin qui sautille sur un coucher de soleil, mais viarge, avoir le goût de vivre, si c’est ça qui me rend moumoune, ben j’en suis une, moumoune.



Je vous encourage à télécharger l’application I Am Sober, c’est gratuit, ce n’est pas sponsorisé, c’est juste ben pratique. Bon mars !


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