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Photo du rédacteurCristina Moscini

373 jours de sobriété

Dernière mise à jour : 26 mars 2023



Ça fait un an et des jours que j’ai cesser de consommer ! *Petit-chapeau-flûte-yay*


En chiffres :

(Selon les calculs de I Am Sober)

• 2 238$ d’économisé;

• 1 120 heures de gagnées (à ne pas être en train de me soûler, ça ne compte même pas le temps que je prenais à récupérer, débrosser);

• 35 livres de moins (*je ne fais pas l’apologie de la perte de poids comme une réussite, simplement démontrer qu’à chacun sa charpente, et qu’en modifiant uniquement de cesser de me soûler la gueule, mon corps a naturellement retrouvé un équilibre dans lequel il m’est plus facile de vivre.).


En mots :

• 41 textes publiés sur mon blogue;

• Dont 22 sur la boisson;

• Un monologue théâtral qui a vu le jour;

• 4 chroniques sur CKIA;

• 2 podcasts sur Wassobre;

• 1 citation dans Le Devoir sur la dépendance;

• 5 personnes dans mon entourage qui ne se connaissent pas entre elles qui me créditent pour leur nouvelle sobriété (!!!).



Jamais de ma vie je n’aurais pensé vivre sobre. Comme précédemment écrit, l’alcool, ou plutôt l’abus d’alcool, faisait partie de ma vie comme une fatalité auto-imposée. Personne ne m’a forcé à me mettre à boire. J’y ai succombé comme on succombe aux drogues ou aux oreilles percées et j’y ai pris goût pour soulager des maux que j’ignorais encore. L’ivresse m’a permis d’acheter du temps dans ce monde d’insouciance induite, ça m’a permis de taire et d’abêtir mon besoin d’articuler, de nommer le mal qui m’affligeait, qui me poussait à échapper à une réalité que je n’aimais pas : ma vie.


C’est drôle comment on se met à boire dès un jeune âge pour se sentir comme une adulte, pour avoir le look de quelqu’un qui gère. Et qu’ironiquement on retombe dans un état près de l’enfance, où l’autonomie risque de foutre le camp. Je buvais pour être mon parent, je buvais pour faire l’enfant…


Je regarde des séries où les personnages boivent un verre, en me disant que ça doit être un drôle d’état, de savoir s’arrêter là. On trinque du champagne comme on partage une pizza, en sachant qu’on sera capable de s’arrêter avant de manger le carton de la boîte, d’avaler la petite genre de table en plastique blanc au milieu pour empêcher la boîte à pizza d’écraser. Je me demande si le contrôle s’apprend. Un jour. Curieusement, je n’ai pas ressenti l’envie de boire « pour le fun » dans cette première année de sobriété. On m’a beaucoup félicité pour avoir atteint un an sans consommer. Pourtant, ça s'estompe en difficultés bouleversantes après quelques mois. C’est comme ça que ça s’est passé pour moi, du moins. Le sevrage est difficile. Bouleversant moult. Épeurant. Mais on gagne une force. Un beau matin, les mains cessent de trembler. Et pour ma part, je continue de ne pas pouvoir voir le plaisir où l’utilité réelle de boire sans s’altérer l’esprit. Il habite en moi un maximalisme épeurant, un désir des extrêmes qui se doit d’être contrôlé, pour ma santé, ma sécurité, mais qui se vit bien pareil, tsé.


Je sais que j’arriverai peut-être jamais à maîtriser cette voix qui me pousse à abuser des substances, dans mon cas, la boisson. Quand je buvais et que je me disais « bon, allez, un verre seulement », ma conscience aussi buvait ce verre, et ce deuxième, ce troisième. Ma conscience se soûlait en même temps que moi, alors s’y fier, c’était se fier à une personne soûle. Le jugement change. Et si ce jugement ne peut changer, il me faut changer mes habitudes. En changeant mes habitudes, mes actions seront changées elles aussi, et finiront par refléter ce que je veux, ce que je veux créer, apporter, construire.


Créer, apporter, construire.

Oublier, enfouir, détruire.


La sobriété me permet le premier, l’ébriété ne m’amenait que le deuxième.


Pourquoi je n’ai pas arrêté avant, qu’on me demande parfois. J’ai déjà été confrontée, ou du moins exposée à la sobriété par des amis de bouteille qui ont décidé de prendre le chemin de la sobriété. Ce n’était pas une surprise pour moi de savoir que s’ils arrêtaient parce qu’ils consommaient trop, c’était aussi un miroir que moi aussi, je consommais trop. Mes excès ne m’étonnaient pas; je savais combien je buvais. Comment ça m’affectait. Pourtant j’ai continué pendant des années encore de conduire mon corps comme on conduit une voiture dans un rêve : dangereusement, presqu’aveuglement, invraisemblablement. L’alcool qui était supposé m’apporter une liberté d’esprit était devenu un boulet lourd à traîner dans tous les restos, dans tous mes voyages, dans tous mes contrats, dans toutes mes relations, dans mes pensées, mes projets, mon futur.


Je ne pensais pas que la sobriété allait autant positivement impacter ma santé physique et mentale. Si vous buvez pour chasser l’anxiété, vous seriez surpris du calme qu’on retrouve en restant sobre (plus d’un mois et demi mettons). Si vous avez des palpitations cardiaques en vous levant, vous retrouverez peut-être un sommeil réparateur et des réveils sans douleur en ne buvant plus. C’est le cadeau que j’ai eu.



*



Des chiffres, des mots. Des raisons pour devenir sobre. Je suis étonnée d’avoir pu convaincre des humains de faire ce choix, le but de ce blogue n’est certainement pas de convertir personne. Ou de démoniser l’alcool, la consommation. Je ne peux en parler que de ma perspective. D’abord pour m’aider à exprimer le ragoût suintant qu’était mon monde d’avant et le servir en quelque chose de reconnaissable. Et puis pour mettre une lumière sur ce qui n’est pas encore assez montré. Le sous-ventre doux où germent les racines des chemins qui nous tirent par en bas. Étrangement, même (et surtout) dans les élans plus personnels, c’est là que j’ai reçu le plus de retours de son comme quoi ces expériences, ces impressions n’ont rien d’unique, et que de les exposer servent à mieux voir, sur un canevas, comment le mal-être fonctionne.


C’est un peu ça le but.

De la sobriété, je pense bien.

D’arrêter de souffrir.


Et c’est un moindre mal, de le raconter.




Crédit photo Paul Di Giacomo

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