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Photo du rédacteurCristina Moscini

Chez Simons

Dernière mise à jour : 23 mai



Sur fond d’engueulade

Un soir de novembre 1997 à Québec

Je braille à chaudes larmes

Dans ma chambre de la rue St-David

De vouloir être Claudia Schiffer

J’ai neuf ans, mais j’en parais dix,

Jamais vu de show de musique

De toute ma vie

Le premier aréna rempli

Que j’ai vu en après-midi

C’est pour Claudia

Aux Galeries de la Capitales

Grand Boulevard de centre commercial.

Ça crie dans la foule

Quand elle défile sur le podium

Je connais pas encore Mick Jagger

Mais je me dis que c’est ça Mick Jagger

Claudia Schiffer interviewée par

l’égérie journalistique de Québec,

soit la madame qui fait Les annonces

de la Lunetterie New Look,

Qui lui demande, ce que ça fait

d’être une star ?

Claudia répond que le Québec,

c’est comme Paris,

Où elle était, le dernier samedi

Je m’imagine alors Paris, et les Europes,

Elles aussi, bardées de Yellow Entrepôt

De restaurants Scores, de Future Shop,

et de Maxi

Paysage de tôle ondulée infini

Qui avoisine les puissantes Galeries.

Ce haut lieu, ce haut sommet !

Où l’intelligentsia locale

Rencontre le gratin du glamour...

Ces ceusses qu’on ne peut

s’empêcher d’aimer.

Et plus tard s’en suit une autre entrevue,

Où j’ai le droit d’assister même enfant

À frétiller dans les grosses légumes

Puisque j’ai gagné un concours,

oui, au Grand Journal à TQS,

Je me promène le 4’ 11 pouces-presque

À travers les petits fours

J’ai neuf et j’en parais dix et j’ai jamais vu

De quoi d’aussi V.I.P.

Le grand magasin Simons du Mail venait d’être retapé au grand complet

Et ses murs de briques vitrées vert forêt

Sont le yellow brick road que je voulais suivre à travers les tempêtes, et...

Sonia Benezra lit ses notes

Et Claudia Schiffer arrive

comme une avalanche

Qu’on colporte.

Elle dépasse les autres

d’une bonne tête blonde

Ses cheveux sont lisses

Comme si elle avait jamais eu de poux

le mois passé à l’école,

Elle est maquillée

de nos regards enamourés

Elle est ornée

des prunelles de nos yeux

Elle est habillée

du flash des kodaks

De son chemin marché au récamier

où on la découvre enfin

dans une robe noire et longue

Avec des paillettes pour tapisser

Son 6 pieds 1 tant célébré.

On apprend que Claudia

est une femme simple

Elle prend son bateau pour aller

au dépanneur à Venise,

Son plat favori

est un plat de pâtes ben simple

qu’elle commande à son chalet

dans les Alpes suisses.

Et parfois la fin de semaine,

quand elle est en congé

Elle porte seulement un jean

qu’elle préfère délavé,

C’est nous, qu’on se dit,

Claudia comme nous autres !

Claudia nous apprend qu’elle doit partir

Car son avion l’attend.

Moi petite faufilée,

Qui crayonnait par loisir scolaire,

Je lui tends mes dessins

Qu’elle prend le temps de regarder !!!

Elle s’arrête. les photographes.

Crépitent. tout agités.

Et ma mère qui m’avait accompagnée

Lâche sa coupe de vin

pour m’immortaliser aussi

D’un flash où j’aurai les yeux fermés.

Et elle disparaît,

grande et blonde et longue,

Après qu’on l’ait remerciée

de nous avoir élevés

Le temps d’une soirée,

Petit Québec, comme petit Paris,

Et il faut qu’on s’en retourne,

Avant que ma mère

s’en vienne trop paquetée pour chauffer

Et on s’en va dans un autre party,

Où ne seront pas servi des canapés.

S’en suit l’accolade des mononc’ chauds

C’est Claudia Schiffer t’as rencontré,

Sur quelle joue qu’a t’a embrassé ?

Et de recevoir un french sur ma joue

Transfert instrumental

Entre Jean-Guy Cheminaud

Et la mannequin internationale.

Pendant qu’en cuisine on joue aux cartes

Sous un nuage de clopes

Et qu’on se fait des tequilas

entre les bières black label de labatt

Je rêve, sous la pile de coats sur le divan

De pouvoir crisser mon camp

En bateau ou en avion qui m’attend...

De décâlisser comme une claudia schiffer

De fendre la foule en partant

Pour sortir de la maison

Les heures ont passé

Les grands sont encore plus paquetés

pour chauffer

Entre les deux souls le ton monte

À savoir qui est moins soûl que l’autre

pour conduire

Il est rendu tard

Sonia Benezra doit être couchée

À l’heure qu’il est

Les caméras rangées

Les photographes rentrés

Les petits fours jetés

Les lumières éteindues

Mais nous ne sommes pas encore rendus.

Arrivés à notre bloc

On boit encore

Et on hurle entre deux gorgées

D’argent perdu, d’argent dû

De caisses vidées et de cœurs vomis.

Je pense à Paris

Je pense aux Europes

Je me maudis d’être enfant

Et de ne pas fuir

Sur fond d’engueulade

Un soir de novembre 1997 à Québec

Je braille à chaudes larmes

Dans ma chambre de la rue St-David

De vouloir être Claudia Schiffer.

Poème composé pour le Off-Poésie de Trois-Rivières, à l'automne 2019.

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