Entre traitement princesse et approuvée par Dieu
- Cristina Moscini
- il y a 3 jours
- 5 min de lecture

Grosse semaine encore sur internet. Depuis mon article sur la pochette d’album de Sabrina Carpenter, « Man’s Best Friend », mon algorithme est irrémédiablement teinté de débats sur et autour du féminisme performatif, des droits des femmes, du retour de la trad wife en version kink ou relation abusive cachée.
C’est de bon augure, ces débats, ça permet de bousculer les idées en place, et surtout de se faire une tête dans un monde où on veut faire des femmes des cadavres incubateurs de chair à canon de la prochaine guerre civile…
« Approuvée par Dieu »

La blonde popstar n’a pas officiellement réagi dans les médias suite au tollé de l’imagerie d’elle à quatre pattes tirée par les cheveux par un homme qu’on ne voit pas le visage. Elle a plutôt dévoilé une pochette alternative, déclarant que celle-ci avait été approuvée par Dieu.

Le message sous-jacent est une accusation de prosélytisme venant de toute critique pourfendant son premier visuel d’album. Que toute personne s’étant choquée de voir une représentation de violence faite sur une femme par un homme était en fait une personne pognée du cul, conservatrice, religieuse.
Non seulement, son équipe marketing manque le coup avec le visuel, mais swigne dans le vide aussi avec la réponse.
Le problème ne tient pas dans l’idée d’un kink sexuel exposé au grand jour, soit, en y collectant les indices ici, d’une relation dominant-soumis et d’être littéralement traînée comme une chienne, mais de prétendre qu’il s’agit d’une subversive.
Tant qu’à moi personnellement, j’aurais été moins choquée de voir la chanteuse avec des câbles à booster sur les pines et une trappe à souris sur le clit avec son « dom » qui se frotte les mains à côté comme Gargamel que cette niaiserie vanille version 50 nuances de hihihi i’m soooo bad. Ça aurait eu le mérite au moins de provoquer une discussion artistique plus en relief.
Ce n’est pas de l’imagerie subversive de montrer une femme à quatre pattes maltraitée par un homme quand le nombre de féminicide est dans une hausse jusqu’ici jamais également enregistré.
Ce n’est pas subversif de montrer exactement aux instances dirigeantes ce qu’ils veulent, quand aux États-Unis on veut traquer entre états les femmes enceintes pour les punir s’il arrive non seulement qu’elles se fassent avorter mais qu’elles fassent une fausse couche.
Ce n’est pas subversif quand tu donnes un boner de complaisance à ceux que tu prétends essayer de dénoncer.

En anglais, on dit de telle ou telle star que « she’s for the girls, gays and theys ». Un peu comme une Julia Fox, qui joue des genres et des codes, parfois presque nue sur les tapis rouges, avec tout le décorum stylistique du BDSM.

Le groupe punk rock de Québec Crachat a ben une toune qui s'appelle Fais-moi la violence, où le trio hurle "Crache-moé dessus / Pogne-moé les fesses / Pis crisse-moé en laisse".

Alors pourquoi elles ça passerait, mais pas Sabrina ?
Parce Sabrina donne raison aux hommes hétéros par-dessus son propre public cible. Qui consomme les popstars ? Ce ne sont pas les dudes qui remplissent ses salles ou achètent ses albums. C’est donc tant qu’à moi cave en esti de non seulement les inclure dans le discours mais leur donner raison et du matériel à spank bank gratos. For what, Sabrina ? Quel est le profit de cette décision de branding ? C’est comme si Ricardo disait que les femmes de 35 à 55 ans du Québec étaient toutes des esties de connes, et le McDonalds à chaque repas c’est la seule façon de vivre, et que si t’aimes pas ça t’es un fucking brokie de B.S. snob. Voyons, mords pas la main qui te nourrit, saint-esprit !

Rest in peace, Marilyn, svp…
En parlant du deuxième visuel « approuvé par Dieu », il s’agit d’une réplique en noir et blanc d’une photo célèbre de Marilyn Monroe avec son époux à l’époque, l’auteur Arthur Miller. Marilyn, superstar célèbre même dans la mort, icône des femmes étant à la fois incomprise et sexy, a fameusement été jumelée dans ses relations maritales à des pas fins notoires, qui soit brimait sa liberté, méprisait son intelligence ou carrément l’abusait.
« Ça serait bon d’exploiter son image une fois de plus, ça a juste été faite 13727849329 fois avant ! » - L’équipe marketing de Sab
Alors c’est là qu’on en est, les idoles les plus en vue du monde de la musique du moment. Recycler les images des morts, véhiculer des valeurs de marde absolument dangereuses en contexte où il est déjà difficile de condamner des abuseurs de femmes connus. Mais c’est pas juste elle, les no-name aussi le font…
Le « princesse treatment » au Olive Garden

Tiktok s’est enflammé suite à la vidéo d’une femme américaine aux clavicules saillantes et camisole aux jabots de dentelle blanche, qui disait qu’en sortie avec son époux, lui seulement peut adresser la parole aux autres, ouvrir les portes, prendre la commande, payer. Elle n’est pas autorisée à regarder le personnel par exemple d’un restaurant, ni adresser la parole aux serveuses.
La raison étant que c’est plus féminin ainsi, quand elle farme sa yeule, qu’elle ne gesticule pas, qu’elle ne s’exprime pas. Elle défend d’être dans sa « feminine energy » et qu’une femme bruyante, ben c’est masculin, et qu’on ne veut pas ça.
Les réactions étaient justifiées, et parfois hilarantes, imaginant la créatrice du vidéo, qui vit en région rurale, se la jouer « princesse VIP » dans les chaînes de resto les plus ordinaires au monde, comme au Chili’s, Buffalo Wild Wings ou Olive Garden.
« Frites ou salade ? »
« … »
« Pepsi ou coke ? »
« … »
« Est-ce que tout est à votre goût ? »
« Oui merci—
AHHHHHH! UNE FEMME MASCULINE!!!!!
Je ne comprendrai jamais ce léchage de botte de l’établissement.
D’une part, on veut bannir les personnes trans des toilettes pour hommes ou femmes, et on prétend que les dragqueens sont des dangers pour les enfants (comme les curés, mettons, si on chercherait un exemple fort en statistiques) et de l’autre c’est nous qui sommes coincées du cul quand on ne comprend pas le kink d’une femme qui porte au grand jour un « day collar », qui est en fait un genre de collier spécifique d’abord recensé chez des couples pratiquant le BDSM, qui en gros affiche que la personne qui le porte est soumise à son partenaire. Dans les cas présent, ce sont beaucoup des femmes qui se défendent de le porter, et pas ben ben d’hommes…
Comment peux-tu avoir un kink d’être soumise quand on te soumet déjà chaque jour ?
Est-ce que l’écart salarial devient un préliminaire ?
Est-ce que de voir autant de consoeurs manquer de support légal quand elles vivent des agressions et du harcèlement vous fait mourir d’envie ?
Est-ce que le recul des droits des femmes sonne comme le début d’une orgie mondiale ?
On est ouvert, à vos commentaires, si vous payez l’tampax-pax-pax….
On mérite mieux comme population, que les choix qu’on nous propose. Autant dans nos oreilles dans notre playlist, que dans les cercles à cocher dans les isoloirs où c’est difficile en crisse de ne pas être cynique.
D’ici là, acheter c’est voter. Encourager les artistes locaux, ou qui utilisent leur tribune pour de quoi de moins cave que le male gaze c’est déjà ça.

- Olivia Rodrigo qui a distribué des pilules Plan B gratuitement dans ses concerts - et qu'on l'a rapidement empêchée;

- Le groupe Crachat, qui me font penser que j’aurais dû être pas mal plus musicale dans ma jeunesse;

- Le groupe Panic Shack qui ont fait du stoïcisme un trend et qui sans dire un seul mot se sont faites traiter de feminazis;

- Alanis Morissette qui a ravi la foule à son set à Glastonbury, en y chantant le cheminement personnel, la rage puis la maturité avec le même élan qu’en 1995.

Espoir ! Espoir, esti.