Quand j’ai pris la décision d’arrêter de boire au début mars, je ne pensais pas devoir rester enfermée aussi littéralement dans les jours qui suivraient. Un confinement qui a affecté tout le monde, qui a fait réagir tout le monde, qui a fait écrire tout le monde. Je n’y échappe pas, j’y contribue, même, à ce torrent de voix plurielles et parfois répétitives, mais avec un plaisir et un mordant qui fait l’unanimité chez moi. Oui, toute la maisonnée me suit; moi-même et mon nouveau plant de lavande. J’ai une plante vivante, je sais maintenant ce que c’est d’être mère.
Plus sérieusement (ou si peu), la période de confinement en fut une réflexive pour moi, où j’ai pu, en plus de me désimbiber complètement de substances altérantes, me placer les pieds comme ‘faut. Me pratiquer à être sobre à cachette. Être confrontée à soi-même quand on a fait carrière dans l’engourdissement et l’échappement par la bouteille, c’est rof, sérieux.
Parce que les souvenirs et bribes de beuveries ne sont pas toujours des épopées de cockatiels, des joyeuses déboulades d’escaliers roulants d’où on ressort en un morceau et sans ecchymoses. Les souvenirs plus sombres reviennent aussi. Par chance, je ne m’en souviens pas trop souvent. Mais mes proches oui. Avec la sobriété, je peux affirmer que ce regard de consternation et de regret léger dans les yeux des gens qu’on aime, quand, encore une fois, on ne leur parle qu’en lettres attachées, maxi-soûle en terrasse quand on n’a même pas encore reçu les entrées, ça ne me manque pas du tout. On m’a rappelé récemment une soirée d’animation il y a sept ans où j’étais payée pour être comique. En gros, mon humour est banni depuis à Loretteville. Enrubanner cela d’euphémismes, ce serait de dire que mon verbe n’a pas fait l’unanimité.
Payée pour être drôle, payée pour se déshabiller, payée pour se costumer, payée pour lire, payée pour émouvoir. Ce sont là les choses que j’aime le plus faire. Curieux que je m’y prenais en me mettant knock out avant de performer. Comme si c’était pas difficile assez de monter sur scène, le faire paquetée me semblait un challenge obligatoire.
À défaut des scènes, cette année, c’est en déconfinement maintenant que je performe. À l’occasion de la Saint-Jean, j’ai eu mon premier bain de foule. J’ai vu de près, revu des amis, connaissances, pris des nouvelles, donné des miennes, échangé, dans un environnement festif d’une centaine de personnes pinte à la main, en jouant parfois nerveusement avec le bouchon de mon kombucha à la fleur de sureau.
J’étais nerveuse en tabarnaque, simplement de parler à du monde que je connaissais déjà. Mais je me suis dis, souffre, ma tabarnaque, et j’ai pris mon mal en patience, me permettant de décâlisser d’une conversation dès que je le feelais tel que dû. Fun fact, être socially awkward et verbomoteur ne sont pas des traits dûs à l’ébriété. Je l’ai appris cette semaine.
Mais voilà, c’est arrivé, cet événement que j’anticipais depuis début mars : le déconfinement, les rencontres sociales, les terrasses, les fêtes de patio. Ça ne fait que commencer. Même si en mon for intérieur je suis encore terrorisée de devoir exposer celle que je suis à frette, je suis de plus en plus capable d’avoir le recul de voir que je le fais entourée de gens qui veulent mon bien, qui n’ont pas besoin de se faire crier plotte ou toton pour apprécier quelques instants en ma compagnie, ou encore si peu.
En se souhaitant un bon été dans la plotte, et une bonne brise dans les totons. Courage !
Illustration de Nelson De La Nuez.