Ça aura pris presque quatre mois.
Quatre mois de sobriété infaillible avant de même ressentir cette soif à laquelle j'obéissais si souvent et si fort pendant presque vingt ans.
On ne repart pas le conteur, n'ayons crainte, la bonne-femme est faite forte et je n'ai pas, de ma douce décision, flanché. Cependant, je ne peux plus dire maintenant que "l'envie" ne m'est jamais revenue.
Et tout ça récemment.
La première fois c'était y a deux semaines. Y faisait chaud. Chaud comme dans une canicule. J'ai eu le malheur de vivre une panne d'internet en même temps que d'être sévèrement et moralement menstruée. Mêlez à ça un facteur humidex à me scraper le brushing, j'avais la Josée courroucée de beau crisse ! Je m'en souviens comme si c'était hier, bien que ça fasse quatorze jours : je marchais sur la rue, pour pogner le wifi d'un commerce - comme une itinérante numérique - et je suis passée devant un dép. Mon petit cerveau de pisseuse m'a pitché ça sans gants blancs...
"Tu devrais boire un coup".
Eh, crisse. Cette voix diabolique, ce long râle de dialogue intérieur aussi cristallin que le suppôt graveleux de Marjo ou de Mad Dog Vachon se faisait aller le chant sépulcral d'une requête maudite. J'ai porté alors ma douce et blanche main candide à mon chest tout aussi candide, en me demandant :
"Mais voyons, Croustina, ça va si bien, quessé tu t'en va yousse avec des pensées comme ça ?"
Et la raison m'est revenue comme un flacon de sel sous la narine. J'ai repris mes esprits comme on reprend son string à la patte d'un tabouret un lendemain de carnaval. Mais pourquoi tant de violence subite ? Je voulais me scrapper, vite. Parce que j'étais en beau fusil. Pour des broutilles.
Me faire violence, parce que c'est comme ça qu'on règle les problèmes chez nous : À internaliser de la colère en se mutilant le foie, boire le sirop noir d'un spleen consigné en gorgées, que le feu intérieur ne soit plus capable de marcher. C'est tellement plus sain que d'exprimer ce qui ne va pas.
*
Deux semaines plus tard, a.k.a., aujourd'hui. Canicule encore (the remix). Pour ceux qui me suivent, je ne suis pas encore menstruée (monthly subscriber remix), mais je dois être en ovulation ou proche de. J'entrerai pas dans les détails, car on y est déjà trop tard de quelques phalanges & phrases près. Enfin, l'inconfort de la chaleur, voilà. Je suis un animal de froid, de noirceur, puisque étant corporellement une chaufferette rougissante à l'année, l'estival m’est toujours un gros défi d'endurance, de marchandage d'ombre comme une transylvanienne dans un walk of shame du lundi matin. Renfin (bis), c'est donc le premier été depuis moult lunes que je ne me chasse pas le degré Celsius avec du breuvage pourcenté. Ajoutons à cela la vague de dénonciations présente qui teinte mon fil d'une morosité à me tresser le coeur dans du plomb, à voir tant de victimes de proche, de loin, recevoir moins d'appui que leurs agresseurs. Ça pince.
Dans l'ancien temps, j'aurais avalé la boule de gorge et la corde avec, avec un chaser de spiritueux. Boire jusqu'à temps que je trouve ça drôle.
"Voyons, t'es ben down, ça va tu ?"
"Donne-moi quinze menutes ou quinze onces, le premier qui arrive, et ça ira."
Mais là. Sobriété.
Deux ans avant d'avoir pris cette superbe décision, j'ai bénéficié de l'aide apportée de quelques rencontres avec une psychologue. Une jeune un peu neuve, mais fort efficace. Cheminement qui était nouveau pour moi, que je recommande chaudement à tous. En quelques séances, on m'a encerclé le problème, le pattern. Et j'ai poussé des Oh ! et des Ah ! et des Bon dieu de merde, mais c'est vrai que je fais ça, Bertha ! Bref, on l'a trouvé ce qui n'allait pas chez moi. Il y en a qui appellent ça de l'évitement. Il y a, ne pas aimer les conflits, et il y a taire l'écharde au pied qui vous remplit la chaussure de sang jusqu'au gangrènage, l'amputation, jambe de bois, se recycler du même souffle en pirate ou moussaillon sur un bateau et devenir chum avec des borgnes pour partir à la chasse au trésor en haute mer. Avant de reconnaître l'existence de l'écharde. *When being you iz baller AF, lolz.*
Reconnaître les humeurs négatives est plus difficile que l'on pourrait penser. Moult (j'aime ça dire moult, get the fuck over it) facteurs peuvent amplifier l'incapacité d'un individu à s'affirmer pour des choses plus tranchantes que "J'aime la gomme !" et "Le fun, c'est le fun !". Ça peut être la façon dont on a été élevé, l'environnement, nos prédispositions, notre thème astral, toute. Dans mon cas, une peur débile d'abandon m'a poussé à aller chercher l'approbation des milieux fréquentés. De mes amis, je ne voulais jamais être un fardeau, de mes employeurs je cherchais à rendre service au détriment de ma paie, des inconnus je voulais faire rire, du public je cherchais la petite émotion, et des amants, un high-five de validité avec un certificat laminé qui dirait "Bonne personne, bon coup, bon prix, [bonne réputation, Moores.] bravo, bravette". Genre. J'avais un personnage buffer plus grand que nature, hors d'atteinte de critiques, sous les frisettes de ma perruque, sous les paillettes de mes paupières, sous les breloques clinquantes, un po' p'tit coeur de colibri nerveux toute soûl mort d'une fefille de moins en moins fille et de plus en plus adulte, mais à qui il serait difficile de faire sortir les vers du nez. Mais pourtant pas les (trop de) verres de la gorge, passé une certaine heure. #renvou #lol
Cela dit, pour textuellement passer par Tadoussac pour traverser la rue de cet article, il est possible de sembler grandiloquent.e, bien à l'aise, de parler beaucoup mais de dire peu.
Et même de pas être capable de dire.
Pas être capable de dire quand ça compte.
Pas être capable de dire quand ça fait mal.
Et trop longtemps j'ai mépris l'alcool comme mes épinards à Popeye. Attends que je sois paquetée, ça sortira mieux. Attends que l'pinard rentre à raison. Mais c'est so pas vrai que c'est mieux. Mais c'était, certes, plus facile. Comme plus facile de gagner la course en se dopant, mais pas plus estimable.
Alors on en est là. Encore des stigmates de mes short cuts d'usage quand vient le temps d'exprimer tempête. Je suis en beau fusil. Je suis triste. J'angoisse. Et apprendre à le dire, à haute voix.
"Jean-Georges, je suis bleue de lire toutes ces tristes nouvelles."
"Gonzague, comprenez mon envie de me démolir la poire en le jour de hui."
"Hildegarde, fermez votre câlice de gueule."
Mais, voilà, puisqu'il le faut...
Il fait chaud aujourd'hui.
Eat the rich.
Down with abusers.
Brûlons toute.
Pillez les banques, pas les Sephora.
Cessons de payer l'impôt.
Je suis encore frue de la finale de How i met your mother.
Defund the police.
Pas d'amis avec de la salade.
La Terre est ronde.
Bill Gates se crisse de vos photos de manger.
Vos enfants sont laids.
J'ai tué mon plant de lavande.*
* Est pas morte-morte, mais je ferai un update de la santé de ma plante vivante dans un prochain billet. En attendant. Déchainez votre fureur avant de décapsuler une pabstoune. Mercé !