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Photo du rédacteurCristina Moscini

L’alcoolique fonctionnel, est-il fonctionnel ?

Dernière mise à jour : 31 août 2023


Une chose que j’aimais dire quand je buvais c’était que j’étais « une alcoolique fonctionnelle ». En gros, ça voulait dire que je buvais tous les jours, et que je rentrais travailler pareil.


En détails, ça voulait dire que je buvais tous les jours et que je rentrais travailler… sauf quand je callais malade.


Une vilaine grippe, un virus étrange, une diarrhée même, et combien de fois ai-je pogné subitement la gastro ? Tous les mensonges étaient beaux plutôt que le « J’ai encore trop bu, je suis trop maganée pour fonctionner ».


Quand une personne alcoolique se qualifie de fonctionnelle, ça veut dire qu'on tâche à ce que les apparences soient maintenues en constance pour subvenir à la dépendance. Avec des résultats variables.

Boire, devient la priorité numéro un. Gagner de l’argent, les activités, tout ça, ça permet au fonctionnement de fonctionner autour de la goulée, tsé. Et souffrir ‘in ti-peu le lundi matin, n’est-ce pas que bien peu pour expier nos péchés ?



Quand je buvais, et que je me réveillais au petit matin, quelques secondes seule dans l'aube avant que la vague d’anxiété journalière m’embarque dans le corps, je me faisais un plan : j’allais point par point sur les épreuves que j’aurais à accomplir pour fonctionner en société comme si j'étais une humaine et non pas une bête infusée de vodka, alors, me laver la face de peine et surtout de misère, respecter au minimum mes engagements, passer au travers ma journée jusqu'à dépuncher... en étant diablement maganée. Yark.


Combien de shifts d’hôtesse de restaurant, de serveuse, de barmaid, d’animatrice, de flippeuse de gridchises, de secoueuse de string en paillettes, de réceptionniste, de coordonnatrice j’ai fait en lendemain de brosse ? Combien de fois ai-je mis des lignes téléphoniques en attente pour aller dégueuler dans les toilettes de la job, à 10h43 ?


Boire autant, c’était souffrant. Et plus jeune, j’arrivais à le cacher mieux, un peu. Les apparences, la job, comptaient encore un petit pouel pour moi (mais déjà, jamais beaucoup en partant, dans mon cas). Et, en mûrissant, en marinant dans mon alcoolisme alors que mon foie me lâchait de plus en plus, que ma juvenescence s’en allait sul’ yâble, les lendemains devenaient de plus en plus durs. Crisse, les pendants, devenaient de plus en plus durs !


C’était rendu que je dégueulais dès le souper, parce que j’avais bu toute la journée, en me levant et en skippant les repas, et je revenais, en m’essuyant machinalement les coins de bouche, vaisseaux sanguins éclatés autour des paupières d’avoir renvoyé trop fort, et je continuais de boire toute la soirée, jusqu’à ce je tombe d’épuisement sur un divan aux springs finis autant que moi, pour faire échoir ma carcasse meurtrie. Chin-chin, la gang.


Et je me relevais, un petit mardi, petit mercredi, alors que toutes les heures et toutes les nuits m’étaient des samedis soirs de carnaval, de plus en plus fatiguée, de plus en plus amochée. Une longue route épuisante, l’alcoolisme fonctionnel. Et je recommençais. Et ça fonctionne, cette fable, tant qu’on s’acharne à boire.


Ah, moi je bois, mais je suis fonctionnel.le…


Posez-vous ces questions :


[*La source Samson-Brandy-Drambuie-Sour Puss©️ me tient de préciser que je ne suis pas une experte clinicienne de la dépendance, et que vous devriez consulter des ressources professionnelles, mais voici des déclencheurs qui peuvent peut-être mettre en commun mon expérience et celle que vous vivez ou celle d’un proche.]


- Est-ce que la première consommation de la journée a des arômes de récompense ?


- Êtes-vous réellement capable de décompresser, sans alcool ?


- Voyez-vous vos amis en-dehors du contexte de beuveries ?


- Cachez-vous de l’alcool sur votre lieu de travail ?


- Incitez-vous vos collègues à « célébrer » sur l’heure du lunch avec un cocktail, à devancer l’apéro ?


- Agissez-vous par culpabilité au travail les lendemains de cuite en tâchant d’être 10x plus productif pour récupérer le temps perdu en consommation et gueule de bois ?


- Vous réveillez-vous avec la culpabilité qui tient toute la journée jusqu’à la fin de la journée de travail, pour vous récompenser à nouveau, avec un verre ?


- Tippez-vous exagérément aux bars et restaurants fréquentés sur l’heure du midi ou à l’apéro car le même staff vous voient dans tous vos états et peuvent aisément déduire que vous retournerez au travail en boisson ?



Ce sont ici juste des pistes, dans mon cas, et je n’étais pas la seule alcoolique de la Terre, figurez-vous, mais c’est peut-être des symptômes communs de quelque chose de plus grave. Comme quoi la dépendance a présentement une emprise sur vous qu’il sera difficile à défaire.


Sans diagnostiquer de couper frette net sec, je vous en conjure de vous renseigner, et de joindre des communautés en ligne de dépendance, beaucoup sont gratuites comme @Wassobre, et c’est l’occasion de poser des questions, de voir d’autres réponses, et de mieux jauger où on en est, voir à quel point nos coudes sont enfoncés au comptoir du troquet d'à côté.


Le blues de l’automne s’en vient dra là, et après c’est Fêtes. Prenez soin de vous ! Kombucha pour tous !


 



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