Bon, bien évidemment, après deux ans à écrire des textes sur la sobriété, il est plus que temps que je prenne la tangente dangereuse de devenir polémiste de feuille de chou. Alors, telle les grands-défenseurs-de-rien-pantoute-grassement-payés-par-les-quotidiens-imprimés de ce monde, j’irai d’une déclaration choc suite à un extrait d’actualité que j’ai vu, et j’en parlerai à travers mon chapeau de sobre :
Appeler l’alcoolisme « la maladie » n’aide personne et surtout pas un dépendant qui s’ignore !
Boom. C’est faite. Scandale, propos salacieux et appât du clic.
Maintenant, reculons pis allons autour…
Dans une semaine d'actualité où un ingénieur se fait absoudre de son crime sexuel pour de multiples raisons dont celle "que des substances étaient en cause", et où un humoriste faisant l'objet de plusieurs accusations d'abus sexuels vend des billets pour l'enregistrement d'un podcast "pour parler de ses deux ans de sobriété", ça vous défrise le toupette de ce qu'il reste d'humanité...
J’ai pogné mon quota aussi en regardant cet extrait d’entrevue publiée sur @Sober Hope entre Steve O (ex-fêtard notoire que les milléniaux connaissent de Jackass) et Aaron Carter (le Hugo Lapointe de Nick Carter), tous deux ayant connu des problèmes avec la dépendance.
Si le premier, Steve O, fait souvent des conférences et a donné de profondes entrevues sur comment la dépendance a affecté sa vie, quelle a été sa part de responsabilité, de la consommation à la sobriété, et quelles ont été les ressources à sa disposition, le deuxième, Aaron, a réussi, en moins d’une minute d’extrait d’entrevue, à secouer plusieurs grands red flags qu’il est important je crois de remarquer, quand on écoute le témoignage d’une personne qui se dit en rémission. Et voir ce que cela peut vouloir dire pour nous...
Extrait en question :
D’abord :
Ma sœur de « plein sang » est décédée, et mon père est décédé quelques années plus tard…
Bon, bien évidemment le deuil fesse toujours fort. Quand c’est près comme ça, ça fait mal, sans aucun doute. Mais mon intuition ressent un malaise dans la formulation, « my full blood sister »; il veut qu’on sache que ce n’était pas qu’une vulgaire demi-sœur. Comme si le lien du sang allait être un indicateur sans nuance de la gravité d’un deuil à affronter, ou plus indirectement, comme mentionné dans l’entrevue, que cette personne, sa sœur, soit décédée d’une surdose sous-entendrait que la dépendance « court dans la famille ». Cette précision pourrait sembler avoir été ajoutée pour la sensation. Bien que tragique, la formulation ressemble à quelqu’un qui essuierait ses dégâts avec des circonstances extérieures.
M’a vous en conter une pas belle anecdote : Quand mon père est mort (il y a onze ans), le deuil a été quelque chose de rof’ à vivre pour moi car j’étais pas habituée d’habiter mes émotions. Je consommais justement pour calfeutrer tout sentiment humain qui me laissait inconfortable. Le deuil, donc, ne s’est pas fait de façon linéaire et j’ai longtemps été marquée par cette blessure invisible d’un géniteur parti. Fait est que deux mois après la date de son décès, on devait le mettre en terre (si tu meurs en hiver, faut qu’y attendent ça dégèle avant de te creuser un trou, des fois). Je savais la date à laquelle ça se passerait, je savais aussi que je travaillais de soir dans un restaurant à ce moment-là. Et, pour plein d’autres raisons (car elles me semblaient toutes valides), j’ai pris une brosse en plein jour. Bien évidemment je suis devenue maussade que l’christ en pensant à mon poupa, mais j’ai pas arrêté de boire malgré l’heure du shift qui avançait. Alors, je suis arrivée à ma job tellement chaude que je me suis faite 'orvirer de bord ! En larmes, j’ai même sorti la ligne « Mon pèéééééééére yé mooooooooorrrrrtttt ! » Aille, esti. Sacripante ! Mais le pire, c’est que c’est vraiment ce que je croyais à l’époque, j’avais 100% de la peine de ça, c’était frais, c’était vif, mais je savais très bien aussi que de me soûler avait été ma décision, que j’aurais absolument pu éviter. En vlimeuse, j'ai quand même essayé de soutirer de la sympathie vis-à-vis un comportement, triste oui, mais où j'étais celle dans l'erreur ! Le spectre de Fulvio Moscini (R.I.P.) ne faisait pas pourtant de la télékinésie pour me faire m’enfiler ces pintes et shooters de jager* de force (*c’tait en 2011, tout le monde buvait du Jagermeister, essayez pas d’être mieux).
Dull comme que c’est : le deuil d’un proche n’est pas un passeport pour détruire votre vie. On va toute mourir, d’une mort horrible horrible. Loin de moi de vous conseiller de carpediemmer votre life, mais il est de notre devoir de s’équiper de ressources quand la vie ou la mort nous donne un coup de pied dans les gosses ou un coup de coude dans le toton gauche.
J’ai tout ruiné pour moi… à cause de la maladie de la dépendance.
In English, Aaron affirme une vérité maquillée en fourberie. On sera toujours la personne qui tient le gun, quand on dérape. Ce qui nous fait appuyer sur la gâchette peut être un millier d’affaires, de circonstances, de prédispositions, de signaux de notre propre détresse qu’on a ignoré, mais c’est pas « la maladie » qui a violé ta BFF, qui a battu ta mère, qui a leurré des mineurs : c’est l’individu.
Et c’est là un très grand danger, car quand les criminels utilisent la dépendance comme porte de sortie, ça calomnie tous nous autres, les alcooliques sans dossier. Je déconne un peu, mais j’suis comme sérieuse en même temps, là ! C’est dangereux de s’en remettre au terme maladie que quand c’est temps d’excuser un crime grave, un crime léger, un comportement de marde, une bévue; tout ce qui entacherait la réputation d’un consommateur qui n’est visiblement pas prêt à se regarder en pleine face à’ lumière du jour sans filtre.
Pensez-vous qu’Elton John, quand il a composé ses plus grandes pièces au début de sa carrière dirait « Ah, c’est pas moi; c’est la maladie ! », parce qu’il pourrait les avoir écrites soûl et gelé ? Pensez-vous qu’un médecin sur la brosse qui trouverait le remède contre le cancer tonnerait que c’est pas grâce à lui, c’est la maladie qui l’a fait agir comme ça ?
Ça peut pas être la maladie juste quand ça va mal, pour gommer de notre parcours tout ce qu’on a fait de moins beau, de pas correct, de pas noble. C’est pas un pick and choose and delete.
Mais c’est ça l’affaire; dans leur tête, personne ne se dit je suis un méchant, je suis un trou de cul. La vérité c’est qu’on en est un méchant, on est, un trou de cul. Ou on l’a été et on essaie de s’en remettre depuis.
Ah, mais moi, qu’on pourra dire aussi, j’ai jamais été violent ou voleur, j’ai jamais fait de crises comme on raconte, j’ai jamais explosé de violence en étant soûl…
Sur les autres, peut-être, mais comment vous traitiez-vous ? S’engourdir de force et à répétition de substances, pour taire une colère ou un trauma qui ne sera pas extériorisé de façon saine, je vois ça comme traîner une immense chaudière d’eau bouillante à deux mains. Ok, la chaudière contient toute cette violence, cette colère, cette peur non-exprimée. Y en a qui versent la chaudière sur les autres quand c'est trop, et y en a d'autres, par peur d’éclabousser, qui se la verseront sur le chest. Et la colère intériorisée pénètre la peau, la rougit, la ratatine, fait jaillir des cloques d’eau, et nous brûle, en fait, de l’intérieur.
Alors, certes, vous ne faites peut-être pas d’esclandres haineuses aux partys de Noël, mais y a quelqu’un sûrement que vous maltraitez à cachette, et ya grandes chances que ce soit vous.
Bon, chose faite. Premier billet de polémisterie. J’attends mon chèque des grandes radios et grands journaux d’une seconde à l’autre. Mon sujet de la semaine prochaine sera Pourquoi la cannelle c’est pour les imbéciles*.
*Ce fut un réel sujet du midi à l’une des émissions du défunt André Arthur.
Et pour visionner toutes sortes d’entrevues passionnantes, suivez la page @soberhope sur Tiktok.
Merci !
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THÉÂTRE
Il y a 15 dates disponibles pour S’aimer ben paquetée, vous pouvez choisir votre billet dès aujourd’hui ici. C’est avec l’excellente Ariel Charest ! INFO ICI.
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