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  • Photo du rédacteurCristina Moscini

L’alcoolique féministe, ou la mort de la fun cochonne carefree


J’ai grandi avec la télé.

Je me suis trouvé, dans ce grandissage, des héroïnes dans des endroits incongrus.


Patsy Stone, dans Absolutely Fabulous, avec ses cheveux peroxydés en beehive qui clanchait de la vodka au goulot, Karen Walker, dans Will & Grace, qui clanchait de la vodka au goulot aussi, et Samantha Jones, dans Sex and the City, qui plutôt les sirotait, elle, ses dirty martinis, mais qui traînait souvent du Dom Pérignon dans sa sacoche, quand elle débarquait chez ses chums de filles à la mode et délurées.



Des buveuses, mais surtout des éhontées.


J’étais fascinée par le récit raconté par un pilier de bar affirmant avoir vu Courtney Love en spectacle en 1993 à New York, qui se promenait debout de tables en tables dans un bar-spectacle et qui buvait à même les pichets de bière du monde.



Puis je me suis cherchée dans des livres, ceux de Marie-Sissi Labrèche, ceux de Rafaële Germain, ceux de Nelly Arcan.


Pas les plus amochées de tout le littéraire, certes, mais les plus filles, les plus sur les tablettes du Archambault St-Jean, au tournant des années 2000. Je cherchais, une vibrance toute femme dans laquelle je me reconnaitrais jusqu’au balconnet de la brassière. J’étais impressionnable et je me cherchais une caisse de résonnance au plus sacrant.


J’ai moi-même été publiée, jeune. En 4e de couverture, on me décrivait comme une genre de Bukowski fille. Justement, ou ironiquement, c’est « ça » que je cherchais, une Charles Bukowski, une Charles Baudelaire. Qui parlerait d’excès, de boisson, de décadence avec autant d’appétit que j’avais.


Une Rabelaisienne qui dégueule dans sa pinte et qui continue de la boire. Comme moi, bebé.

Je les cherchais à l’écran, dans les pages, ces anti-héroïnes en fait, ces poquées, qui me montreraient que le chemin de la destruction, de la négligence, du vice, pouvait être autant glamour que nihiliste.


J’étais en quête de modèles marginaux, pas clean cut, qui boivent et fourrent comme des gars, qui rotent et qui sucent, qui sniffent en rouge à lèvres, qui fument en bas de nylon, qui sont de tous les partys et d’aucun baptême, qui sont de parfaites égéries d’un monde sans Dieu ni chaîne.


De là peut-être sont nées ces brosses par sarcasme, où rien ne m’attachait à rien, à part les quartiers d’agrumes de cocktails mordus desséchés dans le poil synthétique de mes manteaux cheaps.


Je l’ai cherché, cette muse. Je l’ai incarné, du mieux et surtout du pire que j’ai pu.


C’est un chemin solitaire que celui de vouloir vivre aussi femme et vivre aussi libre, en même temps, tout le temps.


C’est un chemin graveleux quand on mêle à ça la dépendance, la boisson.


C’est un chemin opaque quand on se délie vigoureusement, de toute corde de contact.


Se soûler, jusqu’à se que le téléphone cesse de sonner, jusqu’à ce qu’on ait réussi à s’affranchir de tout, même ce qui aurait voulu notre bien.


Féminisme, ou hyper-indépendance ?


Faute de réponse claire dans mon parcours, j’ai goûté et bu longtemps l’écho de mon isolement, et je crois pas avoir reconnu cette mentor tant cherchée dans le vide et mes vides.


 

En anglais, il y a un terme pour désigner ce personnage féminin qu’on voit parfois au cinéma, la « manic pixie dream girl », soit un personnage type de certains films représentant une femme idéale, fantaisiste et délurée, sans personnalité propre. Un dispositif narratif visant à faciliter l'évolution psychologique du personnage principal.


En amour, quand on est dépendant, on peut vivre des histoires comme ça; où on se sent mascotte avant d’être humain. Où on est là physiquement, mais où on demeurera dans la fantaisie, l’excès, l’aventure, la fornication à raconter. Qui prend et qui ne contient bien peu de substance. (Mais bien des substances, poudoum-tisch!)


La mort de la fun cochonne carefree, je dirais, ça vient avec la sobriété.


Ça vient avec la lourde réalisation qu’il est dorénavant impossible de simuler, de fanfaronner, de mascotter des relations, de s’engourdir et de faire semblant que rien ne nous fait rien, quand on s’éjarre les genoux devant le destin avec notre string en peau de chagrin.


La magie est une illusion qui fonctionne que lorsque l’on s’efface, qu’on oublie de prendre en compte notre humanité, notre intégrité. Pas de dégâts alors, à déclarer…


Mais l’intégrité, la morale, le respect, qu’on découvre au change, c’est toute qu’un beau nouveau cheval à apprivoiser, je conclurais, dans le bouleversement, de cette sobriété.


 

Vous, c’était qui vos héroïnes de boires et déboires d’enfance ?

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