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  • Photo du rédacteurCristina Moscini

As-tu besoin d’écrire pour te rappeler de pas boire ?

Dernière mise à jour : 3 août 2023


[Collage, photo originale de Jean-François Gravel]


« As-tu besoin d’écrire pour te rappeler de pas boire ? », c’est quelque chose que je me fais demander pas trop souvent, mais assez régulièrement depuis ma décision de fermage de robinet. Alors, je me suis dit, que j’allais prendre le temps de répondre drette juste à ça.


D’abord, j’ai besoin d’écrire, point.

C’est ça mon rêve, c’est ça mon but, c’est une des moins pires choses que je fais sur Terre, c’est quelque chose, l’écriture, pour laquelle on me paie, on me donne des louanges, on m’appelle, on vient me chercher. C’est l’activité que je préfère le plus au monde, plus encore que de donner des becs à des beaux bums, ou de licher une crème glacée végane à l’œillet sauvage de cueillette équitable devant un coucher de soleil chantant avec des bébés chats tigrés.


Écrire, c’est ce qui donne un sens à ma crisse de belle vie crantée.


Y a peu de choses dans ce monde qui m’ont donné autant de félicité au cœur que celle d’avoir appris à écrire.


Et quand je dis écrire, je dis pas accorder mes participes passés et bien tracer mes voyelles en écrivant « Où est mon parapluie ? ». Je parle du langage, de l’action de l’esprit au clavier, de me délier le cœur par des mots, d’arriver à m’ouvrir la sainte crisse de carapace tuméfiée et de pointer, à coup de douloureuses strophes, où c’est que c’est que ça fait mal. Je suis pas une femme riche, mais quand j’arrive à faire ça, je me sens comme une millionnaire.


J’ai toujours eu un crayon d’ins mains en grandissant. Que ce soit pour écrire des pancartes « Arrêtez de vous chicaner ! » que je brandissais dans la cuisine en espérant que les adultes arrêtent de crier, que ce soit pour dessiner des bonhommes et des bonnes femmes tounus à l’école pour faire rire les autres et me faire des amis, ou pour faire des graffitis sur les tables des bars fréquentés en échange d'une pinte ou d'une gorgée, quand j’étais encore mineure mais déjà terriblement assoiffée. La seule trace de mon passage sur la boule bleue se fera dans l’encre de mes niaiseries.


J’ai voulu apprendre à écrire en changeant ma concentration au cégep du cinéma vers la littérature. À ce moment-là, on narguait les victimes d’un réseau de prostitution juvénile à Québec dans un procès. Les avocats véreux peinturaient les jeunes filles dans des coins de mur, parce qu’elles ne savaient pas encore s’exprimer dans un langage judiciaire pour dépeindre les sévices qu’elles avaient vécu. Ça m’avait mis dans une colère sourde. Câlice que le langage, c’est une arme. Une arme pour attaquer, certes, mais plus plausiblement, une arme pour se défendre. Alors programme littérature s’en s’est suivi. Écrire, esti. Pour pouvoir dire. Dire.


Puis, quand j’ai arrêté de consommer en 2020, il s’est passé un nouveau bouleversement. J’ai décrit la sobriété dans mes premiers textes sur ce blogue comme une deuxième puberté. C’est fort à ce point-là. C’est bouleversant, arrêter de boire quand on est alcoolique. C’est terrifiant, et c’est beau. Peu de choses ressemblent à ça, et peu d’ouvrages peuvent être lus traitant d’expressément cela. C’est là que je me sens vouloir intervenir.


As-tu besoin d’écrire pour te rappeler de pas boire ?


J’écris constamment sur la sobriété, principalement la mienne, de par ma lucarne de vécu, pas pour me rappeler de ne pas boire, mais toujours dans l’infatigable et toujours évolutive description de ce monde en changement. Pour vingt ans passés à brosser, sniffer des tracks sur des cds puis des écrans d’iPhones, en suivant les temps, j’en ai encore si peu raconté, finalement.


Et je ne suis pas tentée de boire. Même entourée de buveurs, de fêteurs, d’encourageurs à dévisser, la seule tentation que je ressens, c’est celle de sacrer mon camp.


Mais la sobriété est à la fois simple et complexe. Simple quand on suit l’abstinence, complexe quand on regarde sous le capot de nous-même et qu’on étudie les racines de notre dépendance. C’est par là que la guérison peut se faire. Je peux laisser la bière tranquille toute ma vie, mais j’ai encore des comptes à régler dans le fond de mon âme. Cette personne qui voulait me tuer par déglutitions avalées au fond de moi, elle vit encore et respire en moi, je dois veiller à ce qu’elle ne s’échappe pas par d’autres comportements autodestructeurs. Tsé, d’un coup que le bonheur goûte trop bon.


Alors écrire.

Alors dire.

Alors publier, ces mots qui sont bien moins épeurants sur une feuille ou un écran, que dans l’ombre de nos têtes folles et fragiles.


Achetez-vous un billet pour S’aimer ben paquetée, d’un coup que ça deviendrait un succès et que je sois pognée pour en écrire d’autres. Ça me gardera occupée ! Merci.


MONTRÉAL - Automne 2023


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Autres dates à surveiller pour St-Camille, Terrebonne, Lachine, Shawinigan, Drummondville...



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