La marde qui remonte en sobriété
- Cristina Moscini
- 1 févr.
- 3 min de lecture

Un constat commun quand on arrête de boire et qu’on entame une vie à jeun, est que « la marde enfouie » remonte à la surface. Les tourments, traumas et conflits irrésolus nous apparaissent plus près de la conscience, plus près du cœur. Signal alarmant on pourrait penser, mais signal surtout, qu’on est maintenant prêt à les gérer.
Un ami qui vient de fêter son premier mois de rétablissement partageait cet exact sentiment, en comparant les changements qui s’étaient opérés dans ces premières quatre semaines sans boisson.
Avoir plus de gaz, de temps, de clarté mentale. Ne pas en revenir du changement de perspective qui s’opère. C’est difficile à concevoir tant qu’on ne l’essaie pas.
Quand je buvais, si on m’avait vendu la sobriété comme « Ah, tu vas voir, tous tes problèmes vont remonter à la surface et tu vas avoir envie de les régler », je n’aurais probablement même pas essayé d’embarquer.
Étant quelqu’un qui fuyait le conflit comme une coquerelle la lumière, j’étais prête à endurer bien d’autres souffrances avant celles même temporaires dûes à l’inconfort que c’est de changer, pour le mieux.
N’empêche que c’est effrayant, ça, « la marde qui remonte ». On pense aux sacs à vidanges de Dexter remplis de membres humains, dodelinant jusqu’à la surface d’Harbour Bay.
Ouvrir un sac : Paf ! Abus, négligences, hontes, traumas. En ouvrir un autre : Mauvaises décisions, inactions, pertes et deuils. Trippant, n’est-ce pas ? Mais je maintiens qu’il se passe littéralement une magie quand on lâche les substances assez longtemps.
Le plus insidieux, le plus visqueux, le plus terrible devient un esti de défi envers qui on a l’envie irrépressible de déchirer la gueule.
On n’esquive plus les flammes en les contournant, en creusant dessous ou sautant par-dessus. On marche à travers le feu, comme des Rambos en bottes à cap et bandeau dans un show de Rammstein où le kerosène était en spécial.
Gars ou fille, on devient les gosses grosses de même. L’utérus en béton armé.
Ça prend un temps, oui, mais pas tant que ça. Comme mon ami jubilaire de son premier mois sans, il faut les premières semaines pour s’ajuster. Mais ce n’est pas long que l’enfilade des jours sans se torcher ajoute des munitions à la mitraillette de notre volonté. Les jours deviennent nos amis, le soleil n’est plus notre ennemi. On se dévampirise, on se délooserise, et à la place on se renmieutise, on se fortifie. Quelque chose qui n’arrive jamais en continuant de consommer. Personne n’est devenu genre super intelligent ou super beau en abusant des substances. Je le précise parce que ça m’a quand même pris trente-deux ans avant de le comprendre.
Boire pour oublier, c’est cool, ça marche si c’est vraiment ça qu’on veut faire. Sauf que ça marche pas super bien. Ça nous enfouit au fond de l’eau au même rythme que ce qu’on voudrait enterrer. On cale en mer avec peu importe ce qui nous gangrène le cœur. Être à jeun, c’est développer la faculté d’enlever pour de bon l’épine, qu’elle cesse de nous faire pourrir, souffrir.
Si vous arrêtez aujourd’hui, le 1er mars sera votre anniversaire de premier mois sans alcool. Juste à temps pour un ménage de printemps, esti-e de chanceux-chanceuse !
Pour citer à nouveau mon ami qui m’a inspiré ce texte au complet avec son sapré statut : « Maintenant, c’est clair où je veux aller et ça rend tellement tout plus facile ! ».
Si je pouvais retourner en arrière, je me pognerais par les épaules rondes et le dos courbé et je me dirais : « First, va te brosser les dents, on dirait que t’as frenché une barrique de fût de chêne. Et deuxiôsse, peu importe tout ce qui te ronge le corps et l’esprit, ça ne sera jamais plus difficile à vivre que comme tu le fais en ce moment, c’est-à-dire en te soûlant perpétuellement ».
L’univers a l’air d’aimer ça quand on commence à se régler le cas, au fil des jours. Et plus ça va, plus c’est doux.
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