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  • Photo du rédacteurCristina Moscini

À quoi s’attendre en devenant sobre ?


(Ou comment apprivoiser devenir cette personne qu’on a toujours haït ?)



J’ai vu passer sur Tiktok, bible à bout de doigts infinie de contenu algorithmé selon les couleurs de la personnalité & intérêts de chacun, une vidéo d’un psychiatre intitulée « How to stop drinking alcohol (the steps) ». En quelques étapes, il indique comment cesser de boire, pour une personne qui souffre d’alcoolisme. *J’énumère les étapes ici, mais merci de comprendre que ce n’est pas ma recommandation n’étant pas moi-même certifiée pour donner des indications à qui que ce soit. Mais on pourra en explorer la portée, en me servant de mon humble parcours comme parallèle. Et aussi jauger la faisabilité des dits conseils du Docteur Chose :


Étape 1. « Couper de 10% son buvage. » Pour diminuer les effets de sevrage, qu’il affirme, qui peuvent être en vérité très dangereux. Une personne qui consomme à gros volume et qui stoppe frette net sec peut souffrir de délirium trémens, d’arythmie, de complications aggravantes qui nécessitent une attention médicale.


L’affaire, c’est que si on était capable de couper 10% de notre consommation, on n’aurait pas ce problème, comme on l’appelle, de la dépendance. Qui ne s’est jamais dit au lever d’une brosse maganante « Pu jamais ! », pour mieux recommencer 24 ou 48 heures après ou la fin de semaine suivante ?


Comme conseil, c’est un peu… Dire à quelqu’un qui perd le contrôle de sa vie et de sa consommation de soustraire un raisonnable 10% à une somme toujours grandissante et portée à s’aggraver, je trouve que c’est l’équivalent de dire à quelqu’un qui souffre de dépression « Juste, genre, arrête d’être triste ! ☺ » On parle d’alcooliques qui se mentent probablement à eux-mêmes quotidiennement, pour aucune raison que de se rendre aveugles à leur propre condition.

Même moi en ayant décidé d’arrêter de boire, dans l’application I Am Sober, où on me demandait d’inscrire le nombre de consommations quotidiennes ou hebdomadaires que je prenais, j’étais tentée d’arrondir à la baisse. Sur une application ! Anonyme ! Qui ne serait que consultée par moi ! En guise d’outil ! Comme si j’avais essayé de me faire kioute… pour moi-même. Like, whaaat ?


Tout ça pour dire que demander de baisser le volume d’un cran à quelqu’un qui vit les amplis défoncés à 11, ça risque de ne pas marcher.


Étape 2. « Remplacer immédiatement. » Ce sont là les mots du psychiatre Tiktokeur… En entendant cela, j’étais comme… Non seulement c’est le cliché que vous allez entendre le plus, mais c’est dangereux selon moi d’inciter les gens à se jeter volontairement sur une autre béquille.


Oui, il y a un risque de transfert de dépendance. Après tout, la dépendance est dans notre personnalité avant d’être dans la substance. Je pense pas qu’on ait besoin de s’y faire encourager.


En plus qu’il suggère naïvement de la petite eau pétillante ou « ces eaux parfumées à l’orange qu’ils vendent au spa ». Au spa, câlice ! Yé tu assez déconnecté ou quoi ? Pas que l’élite californienne d’où il semble opérer ne souffre pas elle aussi des tourments de l’alcoolisme, mais la majorité des gens souffrants de dépendance n’ont pas ces ressources fancées à portée de main en tentant de devenir sobre.


Et si t’as pas la petite eau à l’orange du spa à portée de main, grandes chances que tu te garroches alors sur l’orangeade Sans Nom™️ en spécial au 2L au dépanneur le plus proche. Dans les commentaires, même, un utilisateur se targuait d’avoir utilisé le pot pour arrêter de boire. Comme, ok, tant mieux si ça aide mais c’est un risque quand même. Que ce soit des beignes, des joints, des liqueurs, du shopping; reconnaître qu’il y a un transfert qui a été fait depuis la boisson et de ne pas s’interroger plus loin sur les conséquences possibles est quand même un danger.


Et autant que j’aimerais répondre à tous ces estis de robineux que j’ai tant aimé qui me marmonnaient du « Tu va’ remplacer ça par autre chose… », que non, je n’ai pas remplacé ça, j’ai, en vérité, dans mes deux années de sobriété vécu pas mal toutes les petites crisses de phases de transfert qu’on s’imagine. Et ça va comme suit :

- Chercher la validation des pairs au mauvais endroit (et la trouver malheureusement que dans les paires de jeans de du monde qui se frottent les mains de votre état le plus vulnérable à vie [Lire S’aimer ben paquetée et Sexe soûl, sexe sobre]);


- Acheter du kombucha par caisses (pas mal en soit mais toute démesure devrait être watchée);


- Essayer de faire des desserts (j’ai été bénie de ne pas avoir la dent sucrée de ma vie, je n’ai jamais donc vraiment vécu de « rush de sucre » que décrivent les addicts, si ce n’est, bien sûr, du kombucha, ou de la fois où j’ai essayé de faire des desserts et que j’ai failli ingurgiter une canne de lait condensé en un jour par accident);


- Le magasinage en ligne. *J’aimerais blâmer ici un petit peu la pandémie. Tsé la période où on ne pouvait pas acheter de mascara à la pharmacie parce que c’était pas un produit essentiel ? Ouain, ben pour une dépendante, c’était pas mal rof’ à vivre et oh, combien soulageant de cliquer Ajouter au panier à des esties de bébelles inutiles. [Lire Je bois pas, je consomme];


- Le sport. Hahahahhaaha ! Celle-là, je m’y attendais pas du tout. J’étais l’élève qui skippait les cours d’éduc pour aller fumer du pot ou dessiner dans mon agenda. Si j’avais été quelques années plus jeune, j’aurais fait fureur sur Tumblr à exprimer ma déprime #trashesthétique et #artsy. Donc, courir après un ballon, plutôt mourir, am i right ? Ben non, câlice. De la façon que ça commence, c’est qu’en arrêtant de consommer, on réussit à dormir, on fait nos nuits. On se réveille avec… de… L’ÉNERGIE (?!?) et c’est comme nouveau cette affaire là, et, bientôt, sans qu’on s’en rende compte, on a envie de bouger. Moi, ça a commencé par prendre des marches, dehors, voir les arbres et les ti-oiseaux, toute. Puis des marches de plus en plus longues, de plus en plus souvent. Tranquillement, on s’achète les souliers qu’y faut. Puis, le petit brassard pour mettre le iPod pour écouter la musique. Les petites shorts de sport. Puis, finalement, quand le dehors devient trop hostile pour nos ambitions grandissantes, la grunge nihiliste qui se réclamait de la mort avant le cardio capitule et s’abonne au gym !


J’ai pogné un deux menutes en esti.


Lentement, on se regarde dans le miroir et on ne se reconnaît plus. Mais en bien, si ça se peut ? La technologie nous rappelle quotidiennement qui nous étions cette journée-là, sur Snapchat, Facebook, Instagram. Moi, mes souvenirs sont ceusses d’une pas démaquillée qui chante faux, bouffie, qui filme en Story les décombres de sa vie en lambeaux, à laquelle même Courtney Love aurait crié « Get your shit together ! », pour maintenant être cette crisse de neuve avec une queue de cheval, smoothie aux protéines végétales avalé, qui gambade, bondissante et primesautière jusqu’au tapis roulant le plus proche. J’ai été des deux côtés de la vitrine du gym. Je suis maintenant celle qui reçoit les regards mauvais des gens dehors, trouvant abjecte mon désir de vivre et de marche-rapider vers une meilleure santé. So quétaine, je sais.


Mais la sobriété change. C’est le propos ici témoigné.


Étape 3. « Reconnaître l’alcool comme l’ennemi. » Docteur Chose conclut sa vidéo en étayant un autre conseil discutable, pas entièrement mauvais mais qui devrait viendre avec des astérisques. Démoniser l’alcool c’est encore selon moi rendre trop de pouvoir face à la substance. S’avouer impuissant, victime du méchant pas fin cognac, c’est remettre les clés de char de notre vie à une substance qui n’a pas d’intelligence. Nous avons le contrôle, nous sommes malades, mais nous sommes la personne qui a le pouvoir de changer le parcours. C’est pas juste, mais c’est de même. Nos pieds ne sont pas soudés à une track de chemin de fer, nous n’avons pas un entonnoir vissé dans le fond de la gorge. Nous devons apprendre à vivre et accepter que l’on vit dans une société capitaliste qui préfère les profits plutôt que la santé de ses citoyens, en promouvant une substance certes nocive et addictive. Nous devons apprendre à accepter que certaines personnes n’auront jamais de problème de dépendance même en consommant cette dite substance. Je ne le comprendrai personnellement jamais, et ce n’est pas un jugement ici plutôt une fascination : comment une personne en consommant est capable de se dire « Bon, ok une bière, ça suffit, on en boira une autre probablement dans un mois ou deux » au lieu de juste fucking gâcher sa vie pis sucer le ballsack de Satan juste pour une autre gloue. J’ai vu certains sobres se décrire comme allergiques à l’alcool, et j’aime bien cette illustration; c’est là, ça existe, certains gens en raffolent, mais moi, si j’en prends, ça va me tuer. Lentement ou rapidement.


Alors Docteur Chose a rien fait de mal tant qu’à moi, mais comme dans tout conseil pris sur internet (incluant l’entièreté de ce blogue), t’en prends pis t’en laisses, tsé.


Le plus flagrant tant qu’à moi est cette transformation interne qui opère en nous. Qui nous change en une personne qu’on ne croyait pas être.

Changements inattendus observés dans la personnalité, en vrac :

- Avoir de l’espoir. J’ai passé tellement d’heures assise sur mon cul à m’en faire des brûlures de tapis jusque dans le trou d’balle à boire ma paie et celle des autres, que l’avenir avait perdu tout attrait pour moi. Je suis passée de 100% pessimiste à 43% pessimiste. Le reste du 57% est partagé entre l’étonnement, l’optimisme, l’acceptation, le mode solution.


- Avoir de la patience. *Je ne prétends pas être patiente, j’y travaille en sale [Lire Se guérir avec un six pack d’eau plate]. Mais je suis passée de vouloir Toute Tu-suite Tabarnak à « Je vais travailler sur mon rêve à tous les jours, et chaque journée où je cultive ça, c’est un pas vers l’avant », telle une horticultrice de bonzaï gossante de zénitude. Les dépendants sont impatients. Ils sont tellement impatients qu’ils sont incapables de rester dans l’inconfort des émotions plus qu’une heure sans se buzzer.


- Avoir la paix. Une des choses que je préfère dans le processus de sobriété est le ménage qui s’impose de lui-même. Dans tout. C’est comme si on allumait enfin une lumière dans notre taudis intérieur, qu’on ouvrait le capot de notre bazou et qu’on voyait clairement pour la première fois qui on est devenu dans la substance, et à quel point notre vie est mal en point. Et pour la première fois, ça adonne ben : on a la force de le régler. Ou d’y travailler. Être dépendant, c’est être endetté.e. Même si vous ne souffrez pas financièrement en consommant (félicitations, vous devez être riche en tabarnak), vous vous endettez tout de même au sens du temps emprunté. On est dans le rouge de sommeil, de soin, d’entretien, de planification, de projet, d’accomplissement. On s’accroche aux limbes et on s’abstient d’avancer en consommant. La sobriété apporte une paix d’esprit inestimée. Pour autant qu’on ait l’honnêteté de se regarder tel qu’on est, et qu’on s’autorise à changer, pour guérir. (C’est ça le gros de la job, mais ça vaut le coup, 100% garanti.)


Donc en gros, accepter de briser le moule de la personne que l’on était en consommant pour devenir un.e esti.e de fraîchié.e peut sembler épeurant, mais on est les seuls à alourdir les chaînes de notre prison. Et on est les seuls à pouvoir s’en libérer.



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