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  • Photo du rédacteurCristina Moscini

La petite crisse de voix – Part II (Spécial Noël)

Dernière mise à jour : 26 déc. 2022




Noël, 2021.


"Asti que je me sens maussade." Pourtant, ma vie n’a jamais aussi bien été. Je regarde la croûte de neige sur la galerie, les flocons encore timides qui jouent dans le vent en tombant, je vois le solstice s’installer. Le frette grimpe au mur et je dose à coup de chauffage, de couverture lestée sur fond de Vince Guaraldi du Noël de Charlie Brown et de café en tasse que je tiens à deux mains, mais j’ai la babine qui veut s’étirer vers le bas.


La mélancolie, comme une mémoire musculaire au son d’un faux-feu qui crépite, me rappelle avec une nostalgie pesante les Noëls passés, alors qu’à ce temps-ci de l’année, j’avais habitude d’être déjà chaude raide, en avalant des Black Russian et fonçant dans les murs de mon 3 et demi au loyer payé en retard avant midi. Comme une grande.


« T’en souviens-tu quand tu te soûlais en plein jour ? »


J’ai l’impression d’avoir ouvert une brèche en parlant de la petite crisse de voix dans mon dernier texte. Les échos résonnants de cela étant qu’elle existe réellement, et qu’elle se fait vive. Quand on devient sobre, on entend parfois cette voix qui pousse, en fait, à la destruction, et elle résonne plus clairement qu’avant dans l’écho de nos têtes dégrisées, parce qu’on ne lui obéit plus.


Qu’en est-il aux fêtes ?

La saison du réveillon est officiellement entamée, et, confinement ou non, cette période amènera les bleus sur les blancs des bancs de neige. Si vous êtes un.e alcoolique générationnelle comme moi, vous n’avez probablement pas que de bons souvenirs de vos Noëls d’enfance. Ça varge en-dedans, ça chicane en-dehors, ça braille dans le sapin, ça réveille la honte des jadis, ça isole, surtout. Comment fait-on pour ne pas boire en de pareilles circonstances ?


L’an dernier, on s’en sortait avec le Covid. Ça coupe un party assez sec. « Peut pas sortir, on est mieux de pas prendre de risque, on se reprend l’an prochain, tante Lise ! » On se fait donc casanier, on se protège. Mais la tentation de boire ne se résume pas qu’aux rencontres de beaux-frères et de pain-sandwich à trois étages.


Qu’est-ce que je fais quand la petite voix vient, et que je suis seul.e ?

Ben, c’est ça, la job. C’est le moment de se parler (pas vous pis moi, mais vous pis vous, ou moi pis moi), genre.


Un dépendant, selon moi, c’est quelqu’un qui use de façon compulsive des substances, à la recherche d’un perpétuel soulagement.

Une fois qu’on a fait la paix avec nous-même, c’est-à-dire qu’on a pris le temps de reconnaître qu’on est dépendant, qu’il est hors de question qu’un verre, même une gorgée, soit envisageable, on patente alentour. Con de même :


Étape 1 – Ne pas consommer. On pourra alors se taper dans le dos d’avoir déjà réussi quelque chose en ne faisant absolument, concrètement, rien.

Mais c’est un grand rien.


Étape 2 – Rejoindre des communautés en ligne si ce n’est pas déjà fait (personnellement, j’aime beaucoup l’application @I Am Sober et le groupe @Wassobre).


Étape 3 – Se poser des questions plates : Qu’est-ce qui m’attire vraiment dans l’idée de boire, de me soûler ? Goûter un millième gin à saveur d'épice en vogue ? Serais-je plutôt attirée par l’immense vague de mal de vivre qui frappait, quand la lucidité me revenait post-petit-verre-en-soirée-qui-est-devenu-brosse-de-trois-jours, parce qu’on fond de moi je persistais à me dire que je ne méritais pas de belles choses, ni de douceur, dans mon sac à vomi de chien malade de vie ?


Se poser des questions plates, c’est parfois trouver des réponses poches. Poches, mais vraies.


Étape 4 – Relativiser. La vie m’a offert une couple de beaux moments miroir, en début de sobriété, comme l’univers qui aurait voulu que je me sente confortée dans mon choix.


J’ai débuté ma sobriété quand je restais dans un bloc appartement assez dégueulasse, merci. En quelques mois, ce bloc-là avait vécu quelques plaies bibliques : déluge (dégâts d’eau), sauterelles (coquerelles & puces de lit), vols, altercations, police, etc. Bref, la vibe était, disons, mouvementée. Un peu trop pour mon cœur alors vouleur de calme et sérénité sans bouteille.


Alors donc, au moment où je dû quitter ce câlice de tendre taudis pour un beaucoup moins pire, je devais aller remettre mes clés à l’un des appartements qui était genre la blonde du concierge, mais aussi la locataire non-officielle selon le propriétaire, anyway, une madame au rez-de-chaussée.


M’en va là, yé midi. Je cogne. Musique dans le piton. Pas de réponse, ça jase de l’autre côté de la porte, je recogne. Ça répond. Une fille pétée raide, comme j’en ai rarement vu. Dû expliquer trois fois pourquoi je lui donnais des clés et qui j’étais. Mais à l’avait l’air de bonne humeur au moins. Et quand je regardais dans la vitre de ses yeux, c’est un peu moi que je voyais, à qui j’expliquais que je m’en allais. Foreveure. Que c’est la dernière fois qu’on se voyait. Un étrangement beau moment de transfert qui a duré, au plus, une minute.


Je quittais le bloc, laissais la soûlonne derrière moi. J’avais, dans ma dernière petite boîte sous le bras, mon plant de lavande, des scott-towels, du Hertel à l’agrume. Propre en esti. Neuve, tabarnaque.


Et bien que j’ai été anormalement émue de cet échange avec cette étrangère sur laquelle je faisais de la projection sans permission, je me rappelais comme un buvard qui fond sur la langue de comment ça se ressent d’être aussi torché, à midi.


L’abandon de la raison, le détachement de la société bien-pensante, le flottement de douce anarchie dans les veines, l’abêtissement qui nous ramène à l’enfance, l’engourdissement des mouvements, les sons qui résonnent comme si l’on avait la tête sous l’eau. On devient amoureusement con. Décroché de la réalité. Ou du moins, décroché d’une réalité qui nous est inconfortable, en consommant.


Je suis nostalgique de cet état là autant que des ballerines puantes que je portais pas de bas en 2009. Les filles qui savent, savent.



Étape 5 – Pratiquer la gratitude. Faire des listes de ce qu’on a accompli en ne consommant plus, et apprendre à chérir ces étapes. On peut avoir tendance, en dépendant, à oublier vite la dernière affaire parce qu’il est toujours plus alléchant de se concentrer sur le prochain step’ à conquérir.


Une autre sorte d’évitement, pu dans l’ébriété, mais une fuite par l’avant, en voulant se projeter dans une satisfaction future, d’un projet pas encore amorcé, pas encore fini. À cela, je dirais donc : Assis-toi, câlice, pis sois content.e de ce que t’as fait ! Dans le présent. Dis-toi merci, aussi, de temps en temps, et passe le geste au prochain. Amen, Guylaine ! Gratitude, mon dude !


En espérant que le formidable vous fleurisse dans les prochains jours, prochaines semaines, dorlotez-vous, et rappelez-vous qu’une vie sans cirrhose, c’est si rose ! (Ouf, ok, j’arrête.) Merci !


* * * *



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Collage photo bannière à partir de photo originale de Paul Di Giacomo.

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