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Photo du rédacteurCristina Moscini

Le jour où je suis devenue une fraîchiée

Dernière mise à jour : 17 août 2023




La sobriété est un lustre qui shine de son plus bel éclat lors de la période des fêtes. C’est maintenant l’heure. Êtes-vous prêts à scrapper l’ambiance et casser le rythme des tournées de shooters à venir ? Alors que la saison de toutes les saisons arrive, je ne peux m’empêcher de me demander, en éloignant une autre flasque de caribou tendue du revers de la main : À quel moment on devient fraîchié en arrêtant de boire ?


Il y a le fameux « pink cloud », qu’on appelle en terme de début de sobriété, pour décrire comment tout il est beau et tout il est donc bon aux premiers temps sans consommer. Après tout, notre corps et notre esprit retrouvent une vitalité intacte après des années de maganage et d’autodestruction avalée, sniffée, fumée, vomie, rebue. Ce serait donc normal de se sentir vigoureux, presqu’invincible…


Mais qu’en est-il de se sentir sain, puis… saint ?


Quand le nuage rose devient plutôt une aura de prosélytisme précieux, alors que d’un air pieux plein de sagesse, on dira « Non merci » à une goulée de Stinger avec juste un peu trop d’allégresse et de fierté aux relents divins : sobrons-nous plus haut que le trou ?


J’ai eu ce déclic récemment lors d’un party bien arrosé. La totale, party de filles, champagne, limousine, ça fumait des bats accoté, tout le monde était fini raide. Et plus la soirée et la décadence avançaient, plus je me prenais pour Gilles Kègle, un exemple de droiture et d’altruisme, entouré de ses bums. Et pis là, l’instant d’un moment je me suis trouvée juste in-ti-peu trop bonne d’être à jeun.


Crissez-moi une couverte bleue sur la tête à côté d’un âne et d’un bœuf, j’étions la Vierge Marie qui n’eut jamais chié de marde de sa vie.

Quand le serveur désemparé revenait à notre table d’animaux stridents, effrayé, la sueur perlant sur ses tempes de jeune gars alors que mes comparses grimpaient de leurs plus scintillants escarpins sur les tables du chic établissement où on détaillait l’entrée de tartare de veau à vingt-huit dollars, je murmurais simplement mais droitement « Apportez-nous de l’eau, s’il vous plaît, mon brave », le mettant assurément, me disais-je, en confiance avec mon ton qui était le seul qui ne zozotait point et mes dents immaculées du mauve grenat de l'impardonnable Pinot Noir, dont la neuvième bouteille généreusement partagée balançait dangereusement entre les chandelles.


Et je continuais de boire mes eaux, plate et minérale, avec une paille, me disant, que, très certainement, j’étais probablement l’humain le plusse meilleur de la Terre – non – du monde entier, et ce depuis le début des temps.


Rien que ça.


Une poignée de mois de sobriété vous transforme en fraîchié. C’est prouvé.


Plus sérieusement, même si l’anecdote m’amuse, j’ai réellement ressenti à quelques moments comme celui-là dans ma sobriété confrontée aux partys, que, asti, pour moé, chu meilleure que toute’ les autres. Un sentiment rare, et certes injustifié...


J’ai creusé la réflexion, puisque, habituellement ce n’est point mon bag de me sentir plus hautement perchée que la moyenne des ours. D’où vient ce pédantisme latent ? Serais-je une troudecul ? Suffisante ? Snob ? Quelle étrangeté.


Puis j’ai compris. Ces comportements, que j’ai choisi de quitter, ce sont les miens, étaient les miens. Monter sur les tables ? Pfff. Monter sur les tables ET montrer mon meilleur djos. Parler fort dans un restaurant ? Essaie crier pis chanter des tounes AU COMPLET de Marie Carmen sans qu’on ait sollicité ce service. Boire trop un soir ? Facile. Essaie tous les soirs, pendant vingt ans.


Comme si mon petit cerveau avait voulu me protéger devant la recréation de scénarios trrrrès familiers pour moi, en m’envoyant des réflexes de non-reconnaissance faciale, quand pourtant, c’est mon passé qui se jouait drette dans ma face.


Je le vois ainsi comme un genre de logiciel interne de sécurité qui se serait installé en moi sans que je m’en rende compte, comme un update iOS(obre) en pleine nuite. Alors, au lieu de me sentir attirée par ces mimétismes de foire qui m’ont tant bercée dans ma vie de stupre, je me retrouve maintenant confortée dans ma décision d’abstinence de substances. En un sens, encourageant car on dénote que la tentation peut s’éteindre vraiment au fil du temps, et qu’au réel, je peux avoir du fun avec mes chums sans moi-même consommer. Et dans l’autre sens, ça sera juste de me doser l'égo et de se calmer le dieue-et-ou-jésuse-parmi-les-hommes quand viendra le temps de me magasiner des auréoles, tsé.



*Pour ce qui est de ne pas consommer quand on s’en fait offrir dans les partys, je vous garantis que vous avez juste à dire « non » si vous ne voulez pas, et on n’insiste pas. Au prix que la boisson pis la drogue coûtent, crisse, on demandera pas deux fois. Et c’est déjà ça de gagné !




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