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  • Photo du rédacteurCristina Moscini

S'aimer ben paquetée

Dernière mise à jour : 3 févr. 2022



Souvent, je disais des trucs : Attends, tu m’as pas vu paquetée.

Comme pour annoncer que mon état d’ébriété me rendrait plus intéressante, plus vibrante, plus allumée, plus intense à regarder, écouter, taponner.

Les gars n’aiment pas les filles de party, mais n’aiment pas les partys où il n’y a pas de filles.

Les gars n’aiment pas les filles faciles, mais n’aiment pas quand vous les refusez.


On n'a peut-être pas grandi avec les meilleurs modèles. J'ai connu la puberté à l'époque où les cordes de string de Christina Aguilera étaient célébrées, mais que les adolescentes qui les portaient se retrouvaient renvoyées à la maison pour ne pas déconcentrer leurs camarades de classe, en s'habillant trop sexy. Une dichotomie d'ambivalence, mais dans le doute, et à choisir, il valait mieux être un ti-peu trop guidoune, que un ti-peu trop pognée. À l'époque où l'ultime tare aurait été d'être traité.e de P.D. Pas déniaisé.e, il fallait porter nos jeans aussi basses que notre résistance.


Fait est que, mon jeune raisonnement erroné était que quand la docilité de l'alcool me rendait comme une côtelette attendrie à petits coups de massue, j'étais enfin agréable, et célébrable. Alcool et sexualité est un mélange qui pour beaucoup se découvre et se développe à l'adolescence. Et un manège qui peut se cultiver encore à l'âge adulte, tout dépendant du cheminement de chacun. Il va sans dire que c'est source de danger mortel pour beaucoup de mes consoeurs depuis longtemps et encore aujourd'hui, ici et partout. Et que mes rêves d'un futur où les jeunesses seront convenablement éduquées sur la sexualité et la dépendance, on finirait enfin et peut-être par commencer à marcher droit. Mais pour aujourd'hui, explorons un brin.


Démonisons donc pas toute tu suite; si ça pogne tant que ça, boisson+cul, c'est que ça doit marcher un peu. Dans un épisode de Two and a half men, une sitcom autour du personnage de fêtard de Charlie Sheen, on le voit à l'hôpital avec sa copine alors qu'il doit subir une coloscopie. Le médecin lui dit qu'il sera sous morphine pour subir l'insertion de la caméra dans son trett cul. La copine de répondre "Quelle chance ! Tout ce à quoi j'ai droit, moi, c'est un verre de vin et un gentil s'il vous plait." Pour ceux qui auraient été bercés trop proche du mur, il s'agit ici d'une très savante blague de sodomie. On sous-entend que la copine se fasse soudoyer à l'aide de l'alcool pour recevoir du brise-cul dans la sienne de cenne.

En comédie, au cinéma, à la télévision et en publicité, on utilise l'alcool comme les épinards à Popeye; remède magique pour vous donner le courage pour aller parler à la belle inconnue au bar, aller chanter au karaoké pour regagner votre crush, pour envoyer chier votre patron abusif, pour danser cochon dans un savoureux quiproquo du déroulement narratif, pour accomplir quelque chose qui vous effraie.

Faire la bête à deux dos à jeun est encore quelque chose qui m’effraie, un tout petit peu. Comme, bien naturellement, et tout le monde le sait, il est gênant les cent-trois premières fois, de frencher avec la langue des sans-abris triés sur le volet, éclairés seulement par un lampadaire de ruelle pour faire reluire notre égo dégoulinant et amnésique, avec un peu de chance. Faire l’amour à jeun sera différent, qu'on dit. Faire comme popa dans moman.

Mais l'idée du cul à frette entre quelqu’uns et quelqu’unes qui ne se connaissent pas ou ne s’aiment pas, et en conserver une mémoire intacte, peut sembler aussi érotisant qu’une visite chez le gynécologue, tous néons allumés. Les cuisses écartées : l'une Noël, l'autre Jour de l’an, et la fente béante comme un 28 décembre, la vulnérabilité épluchée jusqu'à la dernière page du calendrier. En rassemblant les témoignages de gens qui ont été aux prises avec la dépendance à l'alcool, c'est un souci qui revient, cette "nouvelle première fois". À frette. Quand ça fait si longtemps que même avec un conjoint ou une conjointe, ou en fréquentation, on est toujours ne serait-ce qu'un ti-peu pompette pour faire les cabrioles.


L’alcool, à lui seul était un lubrifiant préliminaire. Un filtre, un tamisage, une musique de fond. Avec l'allégresse canine et heureuse d'une chorégraphie circassienne entre saltimbanques en vacances.

Le faire en boisson.

Zozoter des cochoncetés en titubant jusqu'au tiroir à condoms.

Débouler par terre pour s'envoyer en l'air.

Vouloir des cieux plus grands que la fente.


Mais voilà.

En arrêtant de boire, c'est embrasser toute lumière ouverte sur nous.


***

Boire plus, pour faire plus de poudre, pour boire plus, pour perdre plus d'argent...


Fut une époque où on traînait toujours un peu de poudre sur nous, nous les filles de ville. Avant de déménager en Mauricie - mouvement qui a naturellement sacré un savoureux break dans mon désir de consommation, si on avait fouillé ma sacoche entre deux cartes de bibliothèque (#littéraire), on aurait trouvé un fond de bag poudreux du même blanc qui recouvrait le bout de mes clés.

Pourquoi ?

Ah, non, j'ai pas de problème de drogues, je suis une utilisatrice récréationnelle !

C'était peut-être vrai, dans la mesure où je ne me suis jamais retrouvée sous un pont en train de sucer 3-4 queues sales pour sniffer d'la bonne drogue (mes respects tout de même si c'est votre quotidien, to each their own). J'ai jamais vendu mes biens ou volé un radio de char non-plus pour étirer une veillée. Mais si vous l'aviez fait, j'aurais volontiers partagé vos lignées en vous réclamant le Robin des Bois d'la poud'.


C'était pourquoi alors ?

Pour boire plus !

Yep.

Parce que quand le corps s'écroule naturellement sous l'ébriété, c'est pas encore assez bu.

Y faut quelques lignes pour se réveiller. Même qu'on se disait que c'était des tites tracks de sécurité, pour pas se faire violer dans les bars ou les gros partys. No big deal.


Je sais pas si je demeurerais encore à Québec à fréquenter les mêmes établissements et les mêmes cercles, ce modus operansniff m'apparaîtrait encore banal.


Je me souviens qu'en déménageant à Saint-Élie-de-Caxton, un léger vertige de panique m'avait grimpé au corps quelque part dans la van qui m'emmenait sur l’autoroute.

D'un coup qui a pas de poudre là-bas ?

(Je confirme tout de suite, le Caxton a plus de chances de vous fournir en lutins pis en monde smatt qu'en drogues dures. Quoi que peut-être est-ce moi qui ne soit pas assez bien pluggée ?)


Mon cerveau malade a pensé tout de suite à ce qui arriverait quand je boirais trop et que je voudrais continuer de boire. Parce que, l'abus, ça se fait pas en criant simplement "Fentanyl !" (quoi que si vous l'essayez et que ça fonctionne, je serai épatée).

Mais la bonne grâce, la chance, la nature (humaine et feuillue) qui m'ont entourée dans ma nouvelle terre d'accueil ont favorisé lentement mais sûrement ma sobriété.

Peut-être que ce billet est une réclame sous-jacente pro-Mauricie, pour dépeupler les centres et gentrifier légèrement La belle d'à côté. Fait est que le pacing de la vie n'est pas le même ici qu'en "ville". Ce ralentissement du battement de coeur par minute a aussi été constaté par d'autres mauriciens ex-patriés de grands centres. On troque les dépresseurs pour une ballade en tracteur. On échange les stimulants pour visiter les bouleaux blancs.


En changeant de paysage, en permettant aux gens d'entrer sous les écorces plâtrées de ma carapace de Cancer ascendant Molson, je peux enfin sortir mon trousseau de clés au grand jour, et puis avec, débarrer des portes desquelles je me gardais, abêtie d'une souffrance induite, barricadée. Échanger l'amertume de la honte pour le miel du triomphe.


Si vous l'avez manqué le 23 juillet dernier, lien vers mon entrevue à Wassobre : ici.




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