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  • Photo du rédacteurCristina Moscini

La peur des terrasses



Le solstice est passé, vous avez réussi à ne pas boire à la Saint-Jean, ce sera probablement aussi sinon plus facile de résister à la Fête du Canada (ou celle du déménagement), mais partout fleurissent ces tables à parasol (re)nouvellement aménagées en cette fin de confinement...


Facile, pas boire quand toute est farmé, mais quoi faire quand la région passe au vert ?

En théorie, ce sera mon deuxième été de sobriété, ayant arrêté de consommer en mars 2020. Réaliser qu’on est à la moitié de 2021 maintenant est un trip gratuit qui peut altérer les perceptions spatiotemporelles, ou patio-temporelles si vous avez une cour arrière. En pratique, j’ai l’impression que ce sera mon premier « vrai » été où ma sobriété sera mise à l’épreuve, étant donné que les bars sont maintenant pleinement réouverts, et que, statistiquement, un dépendant est plus à risque de rechuter quand il se sent en confiance. Heureusement, la bonne-femme se reconnaît les patterns assez vite.


En septembre dernier, avec les témoignages de neuf autres dépendants qui donnaient leurs trucs, j’ai écrit ce Guide du Nouveau Sobre, disponible gratuitement sur ce blogue. C’est un outil pour tous. Que vous songiez à arrêter de boire, que vous débutiez votre sobriété ou encore vous voudriez la perspective de quelqu’un qui est passé ou passe par là, c’est une lecture où la pluralité des voix amènera sans doute quelque réponse côté boisson.


De ces conseils, on retient, en s’imaginant en situation d’urgence, où les tentations de boire se feront vives et exigeront des réflexes rapides :


  • Se traîner toujours des breuvages sans alcool. Que ce soit du kombucha, du Canada Dry, de l’eau pétillante avec une tite saveur le fun, du lait 3,25% straight pipe (peut-être pas), un café glacé de chez Tim ou celui payé 9,25$ chez votre barista équitable préféré, y’a moyen de se libérer de beaucoup de démons quand on a son arrosoir oral déjà en main. Est-ce que ça guérit des traumas profonds que d’avoir un Gatorade tiède dans le fond de la sacoche ? Non, mais ça vous empêchera de boire pour au moins une coupeule d’heures, et des fois, vaincre ce premier déclencheur c’est déjà la partie de gagnée.


  • Soyez honnête. Avec vous-même. Quand une fulgurance de boire naît en votre esprit subitement, prenez le temps de vous questionner sur d’où vient cette envie. Avez-vous vraiment envie de retomber, de partir sur une balloune qui durera deux jours, vous coûtera 300$ et vous fera perdre une journée et demi à récupérer en vous laissant seulement 3-4 nuageux souvenirs qui vous feront honte ? C’est ça je pensais. Reconnaître que la démesure est inévitable est un pas énorme vers s’affranchir de notre consommation. Mais aussi de reconnaître ce qui déclenche ces pulsions.

Dans mon cas, dans les derniers seize mois de sobriété que j’ai vécu, les seules fois où j’ai vraiment eu envie de boire, c’était quand je vivais un désagrément. Petit ou grand, un malaise de vivre, une colère, une frustration (aussi bénigne soit-elle), j’ai eu des flashs de me clancher un gallon de Wallaroo Trail™️ au goulot, comme une enragée. C’est comme si mon cerveau était incapable de s’asseoir dans l’inconfort du sentiment d’insatisfaction, de contrariété. Toute ma vie était bâtie autour de la notion de plaisir, de camoufler la souffrance, capitonner le dur avec du mou et pis du soûl. « T’as un problème ? Prends un verre ça va ben aller ! Ta job, ton chum, ton boss, ta famille, ton voisin te fait chier ? Bois jusqu’à temps que ça ne te dérange plus et que tu les trouves supportables. »

Les problèmes ne s’en vont pas tous par magie quand on cesse de consommer (mais quand on prend les bonnes décisions une fois sobre pour faire le ménage de vie, oui, quasiment), cela dit, sous l’arc-en-ciel des plaisirs, viendra inévitablement des épreuves avec lesquelles il faudra dealer sans avoir recours aux substances altérantes. Se reconnaître les traits de personnalité et le motus operandi d’avance, ça aide.

Je sais que si je vis une contrariété, il est possible que j’aie des flashs d’envie de me soûler, de boire des shooters en plein jour, perdre ma journée, sniffer sur la queue d’un bandit, pawner mon stéréo pis boire le loyer juste parce que… Parce que quoi dans le fond ? C’est ce qui nous amène au point suivant…


  • Qu’est-ce qui te met dans cet état ? Se poser la question sur qu’est-ce qui fait qu’on veut se cacher dans l’ébriété. Pour moi, c’était plus facile d’engourdir quelque tourment quand l’inconfort se présentait plutôt que de régler ou désamorcer le problème dès qu’il advenait. Dans ma sombre tête au calcul défaillant, avoir un problème à 14h02 et courir boire dans une taverne humide de 14h03 à 02h59 et puis ensuite prendre une journée pour débrosser la tête dans ‘bol, ça me faisait l’impression de « gagner du temps », plutôt que de prendre la taureaude par les connes, ce qui en fait aurait ressemblé à se mettre de 14h03 à 15h09 en mode résolution de problème, aller toucher un peu de gazon, mettre de la bon dieu de perspective dans ma vie de misère, pour, finalement, passer au prochain appel.


Être sobre, c’est pouvoir regarder les problèmes pour ce qu’ils sont, sans miroirs déformants.

C’est beaucoup moins épeurant, en fin de compte.

  [Hmmm, décrépitude abyssale !]

Donc on est là, avec juillet à nos portes, l’effluve toujours douce à mon nez des pastilles d’urinoir des tavernes de boulevard qui continue de chatouiller mes narines de malfaisante, mais je résiste à cette envie fugace d’entrer et y perdre mon chemin comme mon âme, en sachant d’avance que je ne pourrai jamais gagner contre le pire de moi-même; je préfère faire équipe avec ce qui est resté de moi, le fortifier vers de meilleurs cieux. Et si le prix à payer est de skipper les gin tonics avalés aux petites épées mâchouillées, je reste en barque.



Bonne chance, bon été !

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