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  • Photo du rédacteurCristina Moscini

Le boire nerveux


Je me souviens exactement du sentiment de satisfaction que j’éprouvais quand j’évitais de piler sur les lignes de trottoir, étant enfant.


C’est arrivé un jour, en revenant de l’école. J’avais pas ça avant, puis un moment donné, le ciment lézardé de craques entre ses dalles grises me semblait incertain, dangereux même.


J’ai commencé à ne pas piler sur les lignes.


Et je me suis sentie bien, tout de suite.


J’avais l’impression de faire quelque chose de bien, quelque chose de sécuritaire. Si je ne pilais pas sur les lignes, j’évitais qu’il arrive du mal.


Aujourd’hui j’apprends que ce serait peut-être symptôme d’une neuro-divergence. Terme tendance, mot parapluie qui abrite différents troubles cognitifs ou d’apprentissage, qui abriterait de l’autisme à la dyslexie, en passant par la bipolarité. Ça varge en esti pour quelques lignes de trottoir, et il y aurait beaucoup de steppettes à effectuer avant de s’auto diagnostiquer une neuro-divergence sul’ fly, juste comme ça.


Ce que j’en retiens, de cette manie de pas vouloir piler sur les lignes du trottoir, ou ce que j’en crois pour moi, plutôt, est que c’est un trouble nerveux. D’une manifestation certaine d’angoisse et d’anxiété que j’avais dans mes jeunesses, sans posséder les mots alors pour le décrire.


J’ai recommencé à piler sur les lignes du trottoir, autour de la puberté. Ou plutôt en même temps que j’ai commencé à consommer drogues et alcool.


Là, y a pu rien qui était grave.

Le monde pouvait enfin me tomber sur la tête, je n’avais soudainement, plus peur de rien.


Et c’est ça qui est si confortable dans la dépendance : ce sentiment de confort, cette illusion de sécurité coussinée à travers l’ébriété.

Emmitouflée dans les substances, je n’étais plus ni timide, ni peureuse, ni nerveuse, j’étais gros jean comme devant, en t-shirt dans la tempête, de kossé tu chiales, y fait même pas frette.


J’avais pu la chair de poule à sortir dehors. Les craques dans le ciment ne me faisaient plus peur. Je vomissais dessus copieusement et fréquemment par exemple, à l’orée des bars de quartiers, comme une courageuse, tsé.


Je repense aujourd’hui aux enfants qui skippent les lignes du trottoir, s’ils traîneront longtemps ce tic, cette manie, ce trouble. Si ça se changera en d'autre chose. Je sais qu’aujourd’hui on possède plus un langage pour mieux nommer les choses, mieux les reconnaître.


Mais c’est un constat qui s’ajoute pour moi, sur comment la dépendance ce n’est pas simplement une affaire de substance.


Que ça va plus loin que la bouteille.


Et qu’on doit continuer à se questionner sur comment les pissenlits persistent à pousser, à travers ces damnées craques.


Et si on réussira jamais à les occulter.


 

Pas pour vous achaler...


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