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  • Photo du rédacteurCristina Moscini

Une alcoolique prend une marche

Réflexions d’un automne matinal


Il n’est pas rare en sobriété, qu’une personne choisisse une routine de santé. Pour certains, ce sera d’aller se défoncer dans des gyms où les gars faites en V et les filles en queue de cheval avec un huit pack progressent allègrement sur fond de Nicki Minaj (ce qui est tout à fait legit et le fun aussi), pour moi, c’est d’aller prendre des petites marches pépères, et au lieu d’éphèbes en lycra, c’est un paysage de bonhommes de 65 ans et plus que je croise, chaque matin.


Chacun son rythme, chacun son bonheur.


Ce que j’aime de croiser les mêmes bonhommes et parfois bonnes femmes, c’est que j’y trouve le même anonymat tranquille que quand j’en croisais dans les tavernes que je fréquentais. Mêmes visages, un haussement de main, parfois un plissement de bouche en hochant la tête d’un coup, jamais plus.


La grosse paix crissée, j’adore ça.


J’adore faire ce circuit, avant que le jour ne se lève trop, j’entends les mêmes corneilles, je vois les mêmes écureuils spiraler sur les troncs d’arbres, j’écoute les mêmes oiseaux se crier après. Je vois le feuillage changer de couleur. Les bruits de la nature qui fait son affaire.


Et je ne pense jamais à boire.


Jusqu’ici.


Il y a trois matins, je croise, à l’entrée d’un parking d’une salle de location pour événements, un verre.


Un verre de plastique transparent tout ce qu’il y a de plus corpo, qu’on sert dans tout bar-service de party de compagnie, de congrès, de réunions festives. Un verre rempli de brun rhum-and-coke, avec une lime à côté. Un verre encore plein.


Je m’en suis voulu, mais mon premier réflexe a été de penser à le boire. Un verre encore plein ! D’la boisson ! Gratis !


Ça donne une idée du monstre de Tasmanie pas sortab’ que je fus jadis.



J’ai pas bu le verre, je n’y ai pas touché. Mais sa vue, seulement, m’a frappé.


J’ai poursuivi mon pépère de chemin.


Le lendemain, au même spot, je croise le même verre. La lime n’est plus là. Le liquide semble plus clair, dégazé, éventé. Sans bulles. Je me félicite d’avoir encore moins envie de le boire (on se donne les médailles qu’on peut). Et j’en fais pas de cas.


Ce matin, dans le même spot près du parking de la salle à événementiel, à quelques mètres du premier verre, toujours sur mon circuit de marche mais cette fois-ci perché sur un socle de clôture, à hauteur de yeux, à hauteur de yeule, de gosier, un verre, transparent de liquide – un vodka-soda ou gin-tonic, allez savoir, qui me défie du regard.


Pour être entièrement claire, j’ai jamais eu l’intention de boire réellement aucun de ces verres. Et j’ai été en présence d’alcool alentour à maintes occasions en deux ans de sobriété. Reste que, dans un contexte de ce que je considère mon intimité (oui, oui, la nature au complet est mon intimité, je suis le personnage principal; tout m’est décor dans cette mégalomanie grimpante), dans un environnement de sécurité plutôt, je me suis sentie décontenancée. Devant l’idée même de l’alcool.


J’avance à moins d’un demi-mètre du verre, et je vois, trois mouches mortes flottant en sa surface.


Certes, tout liquide laissé au vent contenant quelque sucre va attirer dans sa démise un insecte trop téméraire (mouche à fruits, i’m looking at you), mais quel sacrifice à point pour me permettre cette constatation éhontée que… L’ALCOOL TUE… des mouches…. des fois.


J’ai trouvé aussi capoté que ce soit en trois jours que cette illumination puisse m’arriver, la règle de trois, dans toute bonne histoire, dans toute bonne joke, et qu’il y ait trois mouches. Numérologiquement, l’univers n’y va pas avec le dos de la spatule pour m’envoyer si peu pour que j’interprète en message de sagesse...


Et c’est comme ça, dans un matin d’éclipse en brouillard que je termine ma marche, que je hoche de la tête à mes monsieurs, que j’envoie mes respects aux corneilles, que je tire les suivantes leçons :


- Peut-on guérir si on ne se permet pas d’abord de changer, d’espace comme de perspective ?


- Même si l’on est convaincu de cœur et de nerfs de ne plus jamais boire, nos os, nos muscles, ont-ils la mémoire du boire plus longue que nous ? Est-ce qu’on est tous à un spasme involontaire d’une gloue défendue ?


- Si croiser un verre comme croiser un ex quand on ne s’y attend pas déstabilise, est-ce qu’on peut s’autoriser à s’en exprimer le malaise ?


Et ainsi, tel un écureuil les joues pleines autant de questions que de réponses en vrac, je poursuis mon chemin dans ce mois que j’adore.


Octobre, là où je voudrais que chaque jour en dure dix, et que les autres mois raccourcissent...


Profitez-en.


 

DES T-SHIRTS : ici.


DU MONOLOGUE DE PAQUETÉE AVEC ARIEL CHAREST : ici.


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