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  • Photo du rédacteurCristina Moscini

Les 120 journées de Sodobriété

Dernière mise à jour : 16 sept. 2023



En anglais, pour une personne qui sait s'enfiler sans difficulté plusieurs verres derrière la cravate, on dira "they can throw them back". Les renvoyer, quoi. Curieusement, en français, on renvoie dans la bol. Et en anglais, on throw up après avoir throw back a couple...

J'ai beaucoup d'expérience de renvoyage dans toutes les langues.

Avec le temps gagné à ne pas avoir à débrosser, et puis avec le confinement, j'ai eu le temps de partir ce blogue, où je partage mon cheminement d'arrêtage de boire en plus de d'autres écrits, en vrac. J'ai signé un texte pour mes cinquante jours de sobriété, Bouteille en break-up, où je relatais mon origin story de buveuse, et puis la sobriété, du jour zéro à cinquante. Je voulais faire quelque chose de spécial pour lorsque j'aurais atteint le 100e jour. Parce qu'on aime les chiffres ronds après tout... À l'instant où j'écris ces lignes, j'en suis à ma cent-unième journée. J'aurais alors pu titrer Les 101 drunkmatiens, Les 101 dalmasobres... Mais ça n'a pas le même mordant, on en conviendra, que Les Cent vingt jours de #Sodobriété. (Merci, merci, retenez vos applaudissements.)

L'oeuvre référencée qu'on décrit comme "récit paroxystique où se chevauchent excès absolus, supplices insupportables, de sombre descente dans la perversité, de douleurs, nausées, d’énervement des sens" pourrait-elle faire orifice de parallèle au phénomène du sevrage ou du lendemain de veille d'alcool ? On constatera que le don d'exagération ici ne disparaît pas comme un mal de tête à coups d'Advil et de Gatorade.

Mais qu'en est-il de ces excès ? De boisson, de table, de cette fixation orale des buveurs anxieux de la prochaine tétée de goulot, phallique ou mamellée. Où vont-ils une fois qu'on devient sobre ? Je n'ai jamais fait confiance aux gens qui changent de comportement une fois paquetés. Étant moi-même plutôt de l'école de l'escalation diagonale à mesure d'ébriété, ces gens qui, eux, font un 180 pour devenir tour à tour colériques, braillards, cochons, pour mieux s'excuser les lendemains en murmurant du "ce n'est pas moi...". Mais, triste sire, triste mie : Oui, c'est vous ! Mon moi éthylisé était plutôt une extension de mon moi sobre : Mes humeurs se trouvaient plus exaltées, mes joies grisées venaient maquiller ma tristesse, mes rires de gorge enterraient des sanglots jamais nés. Et j'étais toujours capable de reconnaître mes torts. Faute avouée... Désolée d'avoir dry-chevauché le vicomte une nouvelle fois à la kermesse du village. Mes excuses, de m'être improvisée barde au récital funèbre de tante Claire. Combien d'arguments chorégraphiques ai-je perdu avec des escaliers ? Mais souvent si ce n'est toujours, c'était de bon coeur. Cela dit, bien peu auraient pu m'accuser de couardise à la venue d'un plan farfelu lors de beuveries. Point trop de scabreries, mais je me crois avoir été bonne volontaire pour bon nombre d'ambiances transformées, qui auraient pu faire baisser les yeux de peut-être même ce bon vieux Marquis de Sade. Bon, j'exagère encore. Alors son cousin, plus possiblement, le Marquis de Sorel-Tracy.



Dans une précédente édition de ce texte malencontreusement flushé, je cherchais à savoir d’où venait cette témérité. Celle d’être si prompt à l’aventure dans l’excès de substances. L'escalade imbibée.

Exemple : Lors d’une beuverie rabelaisienne qui en était à son deuxième matin (je les aimais longues et continues), ma comparse et moi décidèrent après trente heures à boire qu’il était plus que temps que je devienne titulaire d’un animal de compagnie. À peine remise d’un court coma toute habillée-pas démaquillée, je poursuivis mon marathon de décapsulage et de bonnes idées. Après quelques élucubrations élaborées sur le gouvernement des oiseaux (théories non-fondées), nous avons visité trois animaleries en se réclamant d’un cockatiel sur le champ ! Point de cockatiel disponible ce matin-là, heureusement pour l’oiseau. Mon désir ornitophile de devenir mère et de désorpheliner un piaf a failli me faire repartir avec une tourterelle de consolation, tourterelle domestique qui, devait avoir quelques dons prophétiques de l’avenir qui l’attendait si le parrainage l’avait amenée dans ma mienne mansarde, car elle me chia sur 83% du bras pour les trente secondes que je la laissai se percher sur ma soûle de main. Et puis de cuver ma honte le lendemain de cette infructueuse épopée en répondant aux appels de recherche de cages sur Kijiji, en mentant que j’avais déjà trouvé un oiseau chauffé-meublé.

Un ami bien sage et bien sobre m’a dit qu’il était possible de retrouver l’ivresse ailleurs. Dans l’écriture, la poésie, et quoi d’autre de beau encore. De passer de la témérité débridée à un comportement timoré, est-ce d’enfin reconnaître nos limites, ou est-ce de perdre son edge ? Aux fans de Metallica qui en appelait à ses membres de recommencer à consommer parce que leurs albums sonnaient différents dans la sobriété. Est-ce qu’on devient plate, ou on tait une fulgurance qui n’attend que de resurgir ailleurs ?

Je bois un verre d’eau pour y penser.

Si mes hauts étaient galvanisés de délires d’hélium par le passé encore tout frais de cent-un jours, les bas, eux, se creusaient à la pelle au fond du puits où je me cherchais, à la baisse toujours, un tréfonds où enfin pouvoir me sentir confortable. J’aurais changé d’amis avant de changer mes habitudes de consommation. Débouler dans les tavernes et sous les ponts humides et sombres pour croiser des odyssées où ma soif n’aurait pas été extra, mais médicinale au mal auto-infecté.


Vivre sa vie le volume à dix, les caisses de son de la raisonnance tout’ pétées. Un genre de Thelma & Louise, on n’a qu’à pas s’arrêter. Invincible jusqu’à preuve du contraire.

L’équilibre, est-ce une chose de sevrage ? La tempérance dans mon corps débouillant.

Toute tiède je suis. Comme un James Hetfield de flanelle.

Est-ce que cet appétit des excès n’est qu’un pantomimage des symptômes d’absorption fréquente de spiritueux, où y aurait là quelque chose de plus profond à creuser dans un prochain chapitre ? L’avenir le dira.

Telle une cenne cicatrisée de marde et de sang, je me sens guérie, plus safe. En attendant, d’un cas comme dans l’autre, comme on dit, culs secs !

 





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