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Photo du rédacteurCristina Moscini

Les alcooliques à l’écran et ce qu’ils veulent dire


 

On est influencé par ce qu’on voit, c’est connu. Si Humphrey Bogart avait mangé des pistaches au lieu de fumer des cigarettes dans Casablanca, le tabac n’aurait pas eu autant de succès dans les bouches du monde, pourrait-on débattre. L’alcool a aussi sur sa feuille de route des représentations iconographiques à l’écran, tantôt négatives, tantôt positives.

 


Quand on pense aux portraits des plus célèbres amoureux de la bouteille, bien que divisés en une multitudes de personnages aux horizons différents, les mêmes catégories reviennent. Et en tant qu’ancienne buveuse aux inclinations analytiques de salon, je me suis penchée sur quatre catégories, les plus discernables, pour voir s’il n’y aurait pas là, un lien à faire avec notre consommation.

 

« Artiste incompris »

- Hank Chinaski, dans Barfly

- BoJack Horseman, dans BoJack Horseman

- Charlie Harper, dans Two and a Half Men

- Don Draper, dans Mad Men

- Hank Moody, dans Californication

- Rick Sanchez, dans Rick and Morty

- Brian Griffin, dans Family Guy

- Nadia Vulvokov, dans Russian Doll

- Jackson Main, dans A Star is Born

- Beth Harmon, dans The Queen’s Gambit

- Krusty The Clown, dans Les Simpsons

 

Qu’ils soient véritablement un ou une artiste à succès, ils sont des experts dans leur domaine ou l'ont été de façon significative, souvent dans un métier ou une carrière qui les isolent des autres. Leurs excès, leur comportement, même quand critiqué, trouvera rédemption dans le génie, le talent, l’expertise qu’ils apportent au récit. Quand ils échouent, que leur carrière bat de l’aile, que leurs relations s’effritent, c’est qu’ils ont « une âme tourmentée ». Leur dépendance est vue comme poétique, même quand pathétique, une partie intégrante de leur œuvre, leur tout.

 


« Old Money Bourgeois »

- Lucille Bluth, dans Arrested Development

- Jack Donaghy, dans 30 Rock

- Karen Walker, dans Will & Grace

- Emily Gilmore, dans Gilmore Girls

- Claire Meade, dans Ugly Betty

 

Les personnages ont une dépendance montrée à l’écran mais ne souffrent que lorsque leur prochain verre n’arrive pas assez vite, ou qu’il n’y a pas le bon nombre d’olives dans leur cocktail. Souvent bien nantis, leur buvage est vu somme toute comme sophistiqué, même en ébriété avancée.

 


« Clown décadent »

- Homer Simpson, dans Les Simpsons

- Barney Gumble, dans Les Simpsons

- Bender, dans Futurama

- Peter Griffin, dans Family Guy

- Frank Gallagher, dans Shameless

- Meredith Palmer, dans The Office

- Norm Peterson, dans Cheers

- Jim Lahey, dans Trailer Park Boys

- Le main cast de It’s Always Sunny in Philadelphia

 

Les actions des personnages sont scénarisées pour la blague, les conséquences sont inexistantes ou temporaires, ou leur permettront de recommencer au prochain épisode. L’alcoolisme n’est pas ou peu abordé comme une bataille à affronter. Les excès sont montrés comme un procédé comique, jamais ou peu souvent tragiques.

 


« Vilain juste méchant »

- Jack Torrance, dans The Shining

- Martha, dans Who’s Afraid of Virginia Woolf?

 

Pas d’angle de rédemption, pas de sympathie pour le protagoniste. Le récit montre le plus laid sans nuance suffisante à saisir pour que le spectateur développe de l’empathie substantielle pouvant excuser le comportement ou les crimes du personnage.

 

 

Et, plus rarement « Ici pour apprendre »

- Gwen Cummings, dans 28 days

- Samantha Fink, dans Single Drunk Female

- Elise Eliot, dans First Wives Club

- Lillian Roth, dans I’ll Cry Tomorrow

- Bridget Jones, dans Bridget Jones’ Diary

- Cassie Bowden, dans The Flight Attendant

- Andy Sipowitz, dans NYPD Blue

 

J’ai beaucoup cherché des personnages masculins, qu’on a d’abord exposé comme alcoolique, puis ensuite montré sur le chemin de la sobriété. J’ai trouvé à date juste ce bon vieux détective Andy Sipowitz de NYPD Blue, qui dès le premier épisode de la série en 1993 sera montré comme un buveur émotif, excessif, puis qu’on verra au courant des saisons, arrêter de boire, rechuter, puis cesser à nouveau définitivement.

 

La majorité des protagonistes de cet arc narratif, soit l’alcoolique sur le chemin du rétablissement, sont féminins. Étant pas moins conspirationiste du goulot brun vitré qu’un autre, j’y vois là évidemment une propagande que le rôle des femmes est de fenir par s’enligner, quand on part sur une shire de toute croche !

 

Plus sérieusement, c’est certain qu’en ayant écrit un monologue devenu livre, S’aimer ben paquetée, qui trace très exactement ce parcours, d’une femme alcoolique pratiquante que je fus à une abstinente de substances altérantes, je suis sensible aux échos similaires dans les œuvres et personnages que l’on présente.

 

Si dans des textes précédents sur ce blogue, L’alcool et les femmes à la télé, Elle boit comme un gars, L’alcoolique féministe, et Single Drunk Female, j’ai évoqué ce phénomène de « la femme alcoolique », je continue de constater encore comment la clé de la compassion sociétale pour une ivrogne ne se trouve que dans sa rédemption personnelle. Parce qu’une femme qui continue de boire pour se détruire ne sert à rien au bien commun, mais une qui se démêle de ses vices, peut encore servir. C’est cynique vite de même, mais l’alcoolisme féminin dans le patriarcat, même dans une société plus ouverte qu’il y a quelques décennies, ne fait pas long feu dans la sympathie du public. Ça revient à devoir encore, en étant femme, de mettre les autres en avant de soi, et les autres, sont les enfants (réels ou ceux qu’on vous poussera d’avoir), l’époux (réel ou qu’on vous poussera d’avoir), l’employeur (n’êtes-vous pas contente d’avoir intégré finalement le marché du travail ?), et la charge mentale de la somme de ces éléments.

 


Si vous ne me croyez pas, juste le mois dernier le candidat républicain à la vice-présidence américaine (nenon, j’parlerai pas de politique, inquiétez-vous pas, ça me tente autant que de prendre un bain de lave) à la télé a vilifié les « cat ladies ». Cette catégorie de femmes qu’on imagine solitaires avec un ou plusieurs chats, sans carrière prenante, sans enfants-époux. Ces femmes qui ne font pas de mal à personne ni commis de meurtres en série, mais que pour une raison qui nous échappe il faudrait craindre, et dont il nous faudrait craindre encore plus de devenir.

 

Bon, mon segway n’est pas que les « folles aux chats » sont de facto des alcooliques, c’est plutôt de dire que lorsqu’une femme se met elle-même en priorité dans sa vie, elle sera implicitement ou explicitement vilifiée.

 

Quand la bouteille est une priorité, c’est notre « choix » (même si ce n’est pas souvent délibéré, la dépendance, c’est plus complexe, et tout) qui prend la première place devant « les autres ».

 

Ainsi, l’alcoolique génial, à l’écran, est encore majoritairement un monsieur incompris avec une expertise nécessaire pour le but commun, et l’alcoolique repentante à l’écran est souvent majoritairement féminine, mais doit se soumettre au chemin de croix de la sobriété pour se faire absoudre. Je n'y trouve pas de solution à part que de continuer de parler de dépendance, et d'ajouter à la pluralité des voix, en pluralité des genres. Et d’un point de vue de spectatrice et des fois autrice, je continue de trouver ça fascinant !

 

Commentez vos exemples ! Je les ajouterai aux listes avec plaisir. Merci !

 

 

 

ACTU

Saviez-vous que je collabore maintenant au Mitsou Magazine ? J’y signe depuis quelques mois des articles autour de l’alcoolisme au féminin. À LIRE

 

THÉÂTRE

Les billets sont déjà en vente pour La fameuse Femme-Québec ! Une comédie dramatique que j’ai écrite et qui (surprise, surprise) comporte un personnage principal alcoolique, bien que la dépendance ne soit pas le sujet principal de la pièce, je vous encourage à aller la voir au Théâtre La Bordée à Québec du 29 octobre au 23 novembre, la mise en scène est de Nancy Bernier et c’est avec Lise Castonguay, Ariel Charest et Jérémie Michaud. BILLETS

 

LIVRE

Mon livre S’aimer ben paquetée est toujours disponible en librairie et en commande en ligne ! ACHETER

 

TABLE RONDE

Le 22 août prochain à la Librairie Laliberté de Sainte-Foy, une table ronde en 5@7 à laquelle je participerai avec l’autrice de Ma laideur n'influence personne publié à L'instant même, Ariane Michaud ! Le sujet : Perception et réalisation de soi. C’est gratuit ! INFO

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