top of page
  • Photo du rédacteurCristina Moscini

Elle boit comme un gars : Réflexion sur l'alcoolisme au féminin

Dernière mise à jour : 8 déc. 2023


Une des médailles d'ivrogne que je dardais sur mon torse fier avant que je devienne sobre était que je buvais comme un gars.


Devant le regard médusé de mes dates qui avaient mal calculé ma soif en me regardant descendre la seule caisse de douze qu'ils avaient amené, ou certaines amies de filles qui peinaient à me suivre quand j'étais pas rassasiée après deux Smirnoff Ice (je dévoile l'époque ici), mon appétit liquide avait dès le départ une proportion désarçonnante. Boire comme un trou était très peu délicat, boire comme un trou c'était boire comme un gars.


Est-ce que cette expression peut tendre à effacer l'alcoolisme de ces femmes en disant qu'elles boivent comme des gars ? Est-ce possible que des gars boivent eux, comme des filles qui boivent comme des gars ?


Après tout, qu'on les évacue assise ou debout en relevant le siège de la toilette, quand t'en bois une, n'en pissons-nous tous pas dix ?

En faisant mes recherches pour cet article, je suis tombée aur une chronique que j'ai moi-même donné à la radio il y a trois ans à l'émission Québec Réveille, sur l'alcoolisme au féminin et les stigmates et risques autour de ça.


À écouter autour de 1min50, j'étais alors à 64 jours de sobriété :


Depuis la sortie du livre et de la pièce S'aimer ben paquetée, on me demande de m'exprimer sur ce qu'est cet alcoolisme au féminin. Est-ce que des chiffres ou des statistiques comparatives aideront à comprendre mieux l'alcoolisme en général ? Est-ce que ça empêchera Roger de boire à dix heures le matin ? Est-ce que ça arrêtera Chantal d'aller acheter sa quille dès que le frigo du dépanneur sera débarré ?


De ce que j'ai remarqué, de mon alcoolisme et celui d'autres femmes - soit autour de moi ou en société - c'est que l'alcoolisme vient avec un risque d'être marginalisée beaucoup plus rapidement qu'un homme qui boit les mêmes quantités.


Quand c'est Olivier Guimond qui arrive soûl dans les escaliers et qu'il rétorque au "Tu parles d'une heure pour rentrer" de sa femme le fameux "Tu parles d'une heure pour faire des tartes", c'est drôle. Si c'était madame Guimond soûle dans les marches, moins. Ainsi, il n'est pas rare d'entendre un permissif "Ah, Chabot, y l'échappe toujours d'ins partys, il est comme ça !" mais plus rarement son pendant féminin. La Charlotte, elle, mettons, quand elle l'échappe, on va vouloir la ramener à l'ordre plus vite. Si vous ne me croyez pas, calculez le nombre de gars soûls que vous avez été témoin de, dans les ruelles ou les partys, se sortir la couille, montrer son cul, son bat, pisser en pleine rue, versus le nombre de filles les grandes lèvres sorties pour faire rire la galerie.


[Le sketch célèbre dans l'histoire du vaudeville québécois est disponible sur YouTube.]


Peut-être est-ce dû à de vieux systèmes de rôles; si on est une femme abandonnée à elle-même dans ses dérives en partant su' une balloune, ça peut être perçu comme égoïste, car on n'est pas en train d'avoir les totons d'ins chaudrons à moucher le nez des petits ou lessiver les traces de break des caleçons de notre mari. Un ressenti ancestral mais qui dans le réel fait qu'on a eu le droit de vote avant celui d'accès, aux tavernes.


Un alcoolisme égoïste, car ce temps qu'une femme prend quand elle part s'a brosse est un temps exclusivement pour elle, et qu'elle gâche sa vie ou non pour un shiraz ou une Wildcat, on va inconsciemment lui en vouloir un peu. Vouloir la remettre à sa place. Il n'y a pas si longtemps, on était sans grand espace entre les deux : fille de, épouse de et puis mère de. Ça garde occupée, et la boisson temps plein, pourrait faire déroger un brin, tsé.


Il va sans dire que l'alcoolisme et la dépendance doivent être observés plus loin que le genre. Et si il y a, une universelle impartialité dans la vie, la dépendance l'exprime bien en continuant de ramasser dans ses griffes, les gars, les filles, tous ceusses entre les deux, en-dehors ou autour, les jeunes, les vieux, les riches, les pauvres, les privilégiés comme les maganés : tous sont bienvenus pour en arracher et y laisser leur peau, au fond du verre de fort.


Je trouve toutefois qu'on ne laisse pas encore assez d'espace consistant pour parler de dépendance et de rétablissement - même s'il y a une remarquable augmentation des plateformes de sobriété dans les récentes années (yay), et dans cet espace, que je trouve encore trop petit, la voix de cette femme qui boit, est encore plus petit. (Mais de moins en moins, si j'en enjoins d'autres comme moi à se faire aller inlassablement la trappe.)


Donc, déjà, la femme qui boit (trop), on la jugera, on ne la verra pas être élue Roi du party, on la trustera moins comme un bon buddy mais plus comme une irresponsable, une insatiable. Historiquement, on peut se rappeler ce qui arrive quand les bonnes femmes sortent du cadre...



Une honte pourra survenir avant d'aller chercher de l'aide. Car invariablement du genre, beaucoup penseront qu'on se soûle par plaisance, on pense qu'on ne sera pas entendue, comprise, considérée, crue. Cette marginalisation-là en buvant aussi peut venir avec un risque d'isolement. Si on est cette fille ou cette femme avec une soif qui revient régulièrement, devient exagérée, nos cercles vont se refermer ou se réduire, ou, on vivra notre ivrognerie à cachette, en créant des codes et trucs pouvant nous permettre d'échapper à la conduite sans se faire exclure d'un clan.


On peut penser aux autoproclamées wine-moms qui mettent 1 Litre de sauvignon dans leur thermos pour regarder, buzzées, la game plate du plus jeune au soccer. On boit, et faute de mieux, faute d'issue, on dit que c'est médicinal. Comme le prozac des épouses et mères des années '50, l'alcoolisme des femmes aujourd'hui va plus loin que le rosé glamourisé du "drink-laugh-love".


Alors, qu'est-ce qu'on peut faire ?


En parler sur des communautés en ligne dédiées aux personnes éprouvées par la dépendance, des communautés et ou clubs sociaux, de plus en plus trouvent leur place :




 

Mon livre est disponible en librairie !


S'aimer ben paquetée, la pièce, sera en tournée :


📌DRUMMONDVILLE _20 février 2024


📌LACHINE _22 février 2024


📌SAINT-CAMILLE _24 février 2024


📌QUÉBEC _4 au 15 mars 2024


📌SHAWINIGAN _4 avril 2024


📌TERREBONNE _4 juin 2024


127 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout
Post: Blog2_Post
bottom of page