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  • Photo du rédacteurCristina Moscini

Single Drunk Female – Une série sur le sevrage


Depuis le début de l’année, disponible sur Hulu, on peut suivre la série Single Drunk Female, qui explore le parcours d’une jeune femme qui doit arrêter de boire.


L’alcoolisme à la télé, on applaudit ! Est-ce qu’on glorifiera l’alcool, fatalisera ses conséquences, romantisera des clichés ? J’ai écouté pour vous (pis pour moi) les trois premiers épisodes afin d’en faire une analyse, dans la lentille de la dépendance.


[Attention : divulgâchage, ou Spoiler alert, comme dirait Shakespeare.]


D’abord, ce qui m’apparaîtrait embêtant en m’imaginant vidéaste, serait de rendre le sevrage visuellement intéressant. Ici, la protagoniste est une fille de 28 ans qui doit cesser de consommer contre son gré. Son entourage vivement présent fait des pieds et des mains pour l’aider, lui apporter un peu trop de support, et, malheureusement ou peut-être à cause de, lui permettre de continuer d’être une troue de cul qui ne produit que le minimum d'effort avec un maximum de victimisation. C’est là je crois, la première incohérence entre réalité et télé. Dans la vraie vie, si vous faites un accident de char en boisson, que vous gâchez le bachelorette party de votre ex-meilleure amie, que vous agressez votre patron à coups de téléphone sur le crâne, et que vous êtes à votre mille et unième fausse promesse, y a pas mal de chance qu’on vous ait déjà abandonné et, ou bien donc, condamné, répudié.


Alors c’est sûr ici, que mon jugement va beaucoup illustrer ce qui détonne, et, oui, il faut comprendre que pour faire un bon programme, c’est moins sexé de filmer un personnage de dépendant tu-seul, à ruminer, panser, guérir, en train de vouloir rapiécer sa vie, tranquille dans son 2 et demi que de le montrer à bourlinguer perma-accompagné.

[Je me souviens à l’époque du film 28 jours avec Sandra Bullock qui allait un peu vite sur le rétablissement de la dépendance, en un mois et 90 minutes top chrono, on passait de fêtarde toxicomane à femme sobre qui parle aux chevaux (ça vaut de voir le film pareil). Tout ça pour dire que le langage de l’œuvre se doit de passer vite sur certains coins pour être racontée de façon punchée.]


Donc, la single drunk female, Samantha, a 28 ans et vit chez sa mère, gratis, après que sa vie ait pris une drop. Elle est une chroniqueuse de type Buzzfeed, qui écrit des quiz un peu fantoches, et pourtant, à plusieurs reprises on mentionne comment elle est la Joan Didion de son époque, qu'elle fut une bonne élève, violoniste, joueuse de soccer, et qu’elle se clanchait des méritas tout au long de son cursus scolaire, sans qu'on ait preuve (à date) d'un génie qui sorte du lot. Samantha est aussi une belle jeune femme mince et en santé, d’une famille bien aisée. Un genre de Rory Gilmore, en aussi privilégiée et en (encore) moins sympathique, qui serait restée accrochée sur les Long Island Iced Teas. Certes, l’alcoolisme frappe tout le monde, mais on a pris, je crois, un choix « safe », avec un personnage comme ça. Avec peu de conséquences si ce n’est les toutes fraîches, de ses accidents de parcours dans la dépendance. Et avec moult ressources de personnages secondaires.


Curieusement, le personnage de sa meilleure amie, Felicia, bien que présente dans peu de scènes, soulève plus de questions ou d'intérêt dans sa consommation à elle; on la voit au bar enfiler les shooters et rentrer car elle fait tarder sa gardienne, puis faire l’épicerie pour son kid, mais toujours ouverte à l'idée d'un dévissage tout en étant déçue de n'être perçue comme une fille qu'on appellerait que pour faire la fête, jamais pour autre chose. Qu’en est-il de l’alcoolisme d’une jeune mère, quand on est une personne responsable de soi-même et d’un autre être humain, plutôt que celui d’une pô’ptite princesse qui peut se revirer de bord immédiatement et squatter chez sa mouman à l’aube de la trentaine, genre ? Mais bon, c’est vraiment mon point de vue subjectif, il m'a semblé difficile par moments dans ces épisodes de discerner où l'alcoolique s'arrête et où la troue de cul commence.


Quand on choisit un anti-héros comme héros, il est essentiel d’y ajouter des qualités rédemptrices, du genre : C’est un trou de cul, mais il est généreux, elle est menteuse, mais elle veut vraiment guérir. Ici, à date, on suit ce personnage qui sème la zizanie, qui choisit de poursuivre cette voie et qui refuse de reconnaître ses torts. Et si y a un n’affaire que la Moskounnie (moé) haït, c’est le manque de selfawairnesse, soit la conscience de soi !


En dépendant, on tait cette voix longtemps pour assouvir nos pulsions destructrices, en se disant que ça fait pas trop mal aux autres quand on leur pile et dégueule dessus en s'enfargeant dans nos dérives.

Mais en voulant devenir sobre, on se doit de reconnaître que c’est notre faute et que l’on est responsable de nos choix comme nos actions. L'humilité n'est pas cachée au fond de la millième caisse de Carling. « C’est pas moi, c’est la boisson ! » Si vous voulez voir mes veines bouillir, dites-moi ça, voir…


Donc, aux deux premiers épisodes, la fille ne veut pas guérir tant que ça, même pas du tout (au troisième oui parzamp'). Et c’est peut-être moi qui vit mal mes triggers, mais je me disais qu’à ce point il serait temps d’insuffler un peu d’humanité à cette torchonne qu’on a tous été, nous dépendants, à différents degrés.

*



Dans les points positifs : Des éclats de vrai, dans les gens qui boivent alentour sentant le besoin de se justifier au nouveau sobre sur le 'juste un verre, juste une bouteille', et les parfois malaisants à communiquer même si ce ne l'est pas des "C'est correct si je bois devant toi ?". Il y a une scène de bar avec Samantha et Felicia où Samantha sort tout juste de sa thérapie fermée de 30 jours, inchangée d'une virgule, et c’est ainsi qu’on la découvre dès le début, d’ailleurs. Même si une personne dépendante n’en a pas fini avec la consommation, la montrer avec zéro cheminement après avoir été condamnée pour voie de faits c’est… rof' à voir. On cringe un peu. Mais c’est peut-être là une façon de tendre le miroir de la dépendance comme quoi le fond du baril pour les autres n’est pas « notre » fond de baril encore… Fait que Felicia commande deux bières et deux shooters, Samantha dit « Rien pour moi », l’amie offre à boire, Samantha dit non. Et Felicia n’insiste pas. Ça. Ça, c’est le boute vrai. Felicia boit quand même sans s'en bâdrer, et laisse Samantha apprivoiser sa sobriété.

…Jusqu’à cinq secondes plus tard, Samantha, de son propre gré, se commande des drinks, se soûle et monte sur le bar comme un revival de Coyote Ugly non-réclamé et mal amanché avant d’aller faire un (autre) accident de char.

L’idée de débuter une série avec un personnage qui sort d’un mois de désintoxication est un gros pari. C’est dire que la personne, même en lieu fermé entourée de personnel aidant et de pairs qui ont vécu ou vivent la même chose, a refusé de s’ouvrir ou même réfléchir à sa propre consommation. Ça se peut. Mais ça rend le reste de la prémisse plus risquée dans le cliché, comme quoi les alcooliques sont forcément des égoïstes complètement aveugles et se refusent tous l’étiquette de dépendant. Et c'est pour ça qu'ils font ça : parce qu'ils ne s'en rendent pas compte.


On peut être un alcoolique avoué bien au courant de ses failles, mais boire quand même, de façon plus sournoise et banale que dramatique ou glamourisée, ou teintée du rouge et du bleu des cerises des policiers.

L'égo atteint de Samantha en constatant que le monde autour d'elle continue à tourner, mimique un peu l'isolement qui se crée dans la consommation mais en même temps détonne de la réalité de ces 'alcooliques fonctionnels' (ce que la série suggère que Samantha était) qui sont capables de vivre longuement en apprenant à camoufler au mieux leur vice, épongeant cette honte quotidienne en tippant trop dans tous les bars et troquets, en s'excusant à profusion de leurs débordements, en essayant de faire le moins de vagues possibles même dans leurs tempêtes, pour pouvoir bien sûr continuer sans trop d'accrocs, sur le rail voulu infini de leur consommation. Sur 100 buveurs, celui qui crie le plus fort n'est peut-être pas celui le plus en danger.

Le message est bien sûr qu’on ne peut arrêter tant qu’on ne le fait pas pour soi. Ni une job, un parent, un conjoint, une rédemption peut motiver la sobriété, uniquement le désir de guérir. Et ça, c’est bien vrai. Boring, mais vrai.

Il y a plusieurs de séquences très comiques qui valent vraiment la peine et dans laquelle beaucoup d’alcooliques se reconnaîtront : la première sortie dans un bar quand on ne boit plus, l’odeur de l’alcool sur les autres, la propreté douteuse ou l’ambiance de nos tavernes et bars favoris maintenant qu’on voit clair, l’empressement de tout vouloir régler et sauter les étapes... C’est de ça qu’on veut; du pointu, du cru.


Toutefois, je ne peux que me sentir très (trop ?) personnellement interpelée par un synopsis de la sorte, ayant moi-même écrit autant sur « ma vie de party puis mon cheminement vers la sobriété » sur ce blogue, et tellement que ça a même été produit en pièce de théâtre à La Bordée, tsé. [S’aimer ben paquetée*, crée à partir de mon texte du même nom sur le blogue, l'année dernière.] Car c’est un sujet pesant, important, fragile, beau, magnifique, universel. Je continuerai de le dire, de le croire, de l’illustrer.


Note finale : 6.8/10. L'alcoolique repenti.e en vous roulera probablement des yeux par endroits en se retenant d'hurler au personnage à l'écran GET👏YOUR👏SHIT👏TOGETHER. Projection, ici, j'hypothèserais, ahem...


Bref, on ressent dans Single Drunk Female le même agacement que de voir une connaissance se rouler-noyer dans un demi-pouce de marde. Ou tester les limites de notre patience face au misérabilisme des ceusses qui refusent de s'aider même assommés de bouées et bras tendus. Que ça reflète notre alcoolisme, ou celui des autres auquel on aura été confronté.


Il y a tellement qui pourrait être montré et dit avec cette nouvelle série, que je ne peux qu’espérer, rêver qu’on ne prenne pas trop de raccourcis et qu’on nous montre que sous le glam, cette humilité qui avance lentement, dans l’ombre, à kicker les débris. C’est un travail honnête, certes difficile à tout illustrer en 22 minutes incluant le générique, mais qui se doit d’être porté, considéré. Parce que si on en parle, on en aura moins peur. Et si on ne peut en discuter, ben qu’est-ce que je fais ici, là ?


*


Curieuse de connaître vos impressions si vous l'avez écouté, et sinon vos recommandations de films et émissions sur le sujet ? Merci !












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1 Comment


catherine_ann
Feb 01, 2022

Faut je trouve un moyen de regarder ça, même en googlant, j’ai pas trop compris comment. Dinosaure des fois…

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