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  • Photo du rédacteurCristina Moscini

L’alcool et les femmes à la télé : plus qu’un « vindredi »

Dernière mise à jour : 30 juin

 

Quand on est une alcoolique qui a arrêté de boire comme je l’ai fait, on en vient à remarquer l’alcool partout, même à la télé. Que ce soit James Bond et son fameux martini « shaké » pas « brassé », au quatuor de Sex and the City et leur cosmopolitan rose vibrant, montrer le boire est un choix délibéré nous en apprenant plus sur le personnage, et nos perceptions en sont affectées.


Mais qu’arrive t’il lorsque c’est de la téléréalité ?

 

J’ai dévoré la série Real Housewives of Beverly Hills et Real Housewives of New York...



En gros, on y suit des femmes privilégiées issues de milieux cossus se quereller dans des endroits luxueux. Mais sous le vernis de la pop culture superficielle, s’y trouve des vraies femmes avec de vrais problèmes vivant de vrais drames. Et les cocktails sponsorisés toujours visibles dans leurs mains manucurées relèvent d’un problème qui va plus loin que le montage. Deux exemples ici, plus flagrants.

 

La Comtesse Luann

Dans la série de New York, on découvre la comtesse Luann de Lesseps, noble par mariage, mère de deux adolescents, qui est vue dès son introduction commander du champagne au restaurant « en début d’après-midi » seulement. Peut-être un résultat du montage qui peut favoriser ou défavoriser des participantes, la comtesse est vue comme précieuse, hâtive de l’apéro, et intransigeante sur le respect de l’étiquette et des bonnes manières. Téléportons nous quelques années plus tard, où la comtesse Luann sera, dans la vraie vie, arrêtée pour ivresse au volant, intoxiquée avec refus d’obtempérer, résistance à l’arrestation et menaces contre un officier de police à Palm Beach en 2017. Depuis son jugement de la cour, elle aura complété ses travaux communautaires en suivant le programme des Alcooliques Anonymes pendant un an. En 2022, la comtesse a toutefois avoué encore connaître des rechutes dans son combat contre l’alcool, et les frasques de son comportement continuent de miner par moments sa carrière.

 

Kim Richards

Dans la série Real Housewives de Beverly Hills, on suit Kim Richards, connue pour avoir été une enfant star de plusieurs films Disney, ses rôles et apparitions dans les séries télé des années '70 et '80, et aussi pour être la tante de Paris Hilton. L’état altéré de Kim sera notable dès le début des premiers épisodes. Allure confuse, mots à peine articulés, regard vitreux, c’est à se questionner sur le code d’éthique de la maison de production qui décide de continuer de filmer l’émission. De tous les « personnages », Kim Richards est probablement celui dont le mal de vivre est le plus palpable. Tenue dans le mutisme de son propre passé, on devine les traumatismes d’une enfant grandie dans Hollywood, poussée par une mère assoiffée de gloire et de richesse. La matriarche, « Big Kathy », fut connue pour pousser ses trois filles, Kathy (Hilton), Kim et Kyle, à marier des hommes immensément riches. Très jeune, c’est Kim qui faisait vivre sa famille grâce aux nombreux tournages qu’elle enchaînait, mettant un frein à son développement, académique comme personnel, pour garnir les coffres à bijoux des autres et accumuler les voitures sports dans l’entrée du manoir californien. Lorsque la série débute, Kim approche la cinquantaine, mais elle n’est pas au bout de ses galères, peines et revers de fortune. S’exprimant encore comme une adolescente, on sent toutefois l’intelligence vive et l’étincelle proche d’être annihilée pour de bon par les substances utilisées. Après avoir exploité sa dépendance pendant 5 saisons, la production RHOBH libère Kim de son contrat, et elle ne reviendra désormais qu’en apparitions courtes avec les autres Housewives, maintenant devenue sobre, heureuse, ayant enfin trouvé l’équilibre. Malheureusement, pour ce concept-là, on laisse entendre que « ça ne fait pas de la bonne télé ». Ça devient perturbant de continuer de regarder.

 

 

Mauvais choix, mauvaises femmes

 

De toutes les franchises, d’Orange County à Potomac, près d’une dizaine de femmes ayant participé à cette téléréalité auront connu des démêlés avec la justice directement reliés à l’abus d’alcool. La totalité d’elles auront été filmées un verre à la main en train de boire à maintes reprises, et la majorité auront été filmées complètement soûles.

Cette série, déclinée en une quinzaine de villes, s’étend de la première diffusion en 2006 à aujourd’hui, près de vingt ans plus tard. Une moyenne de 20 épisodes par saison, jusqu’à 15 saisons dans certaines franchises, ça fait du margarita longtemps. Si chaque épisode contient des femmes mises en vedette en train de boire, s’insulter, danser, pleurer, manigancer, débouler, et boire encore, et qu’on continue d’attirer des cotes d’écoute monstres, on est en droit de se questionner sur ce qu’on y trouve, au fond.

 

Si on en revient à comment on montre l’usage d’alcool pour définir un personnage à l’écran, de James Bond à Don Draper dans Mad Men, y aurait-il pas, quand on veut montrer des femmes, une forme de pénitence qui vient avec ?


 

Prêcher par l’exemple

 

J’ai toujours vu ces réalités d’Housewives comme le pendant féminin de Jackass. La série de casse-cous trompe la mort avec Johnny Knoxville, Steve-O et compagnie, qui au début des années 2000 glorifiait les comportements dangereux, l’abus, la dégénérescence. Une téléréalité encore une fois, qui aura eu des effets néfastes réels sur leurs protagonistes. Si certains sont devenus des porte-paroles de la sobriété, comme Steve-O qui se fait depuis des années un devoir dans tous les podcasts de démystifier la dépendance et de parler du danger de l’alcool et de la drogue, d’autres n’auront pas connu de rédemption malheureusement. Ces héros arrivés à point entre le « No Future » et le « YOLO » ont démontré qu’on n’écrit pas d’histoire sur les gens calmes et heureux.

 

Les Real Housewives ne se clouent peut-être pas les grandes lèvres avec un gun à tacker sur un toit de cabanon pour faire rire la galerie, mais galvanisent par la démesure de leur comportement outrancier différemment.

 

Avant qu’on indique « ce film contient de l’usage du tabac », il fut une époque où on voulait fumer des cigarettes comme Humphrey Bogart et James Dean. On est un peu con, les humains. Monkey see, monkey do. On imite ce qu’on voit. Et quand boire et déconner est normalisé, c’est pas long qu’on veut imiter.

 

 

La solution sans potion

 

Je ne sais pas quelle serait la solution, quand on veut filmer ou mettre en scène une personne ou un personnage qui abuse de substances.

 

Censurer un verre de whisky va t’il épargner des générations d’aller se soûler au bar ? Ou plutôt faudrait-ti mettre une note fatigante de bas d’écran de ne pas répéter ces scènes à la maison ? Ou encore engager des discussions, en parallèle de ce qui est montré à côté, à d’autres chaînes, sur d’autres pages, et parler autant de sobriété, montrer autant de vies dans l’abstinence, autant qu’on filme et qu'on montre sans relâche des dépendants, en plein dans l’enfer du verre transparent, mais opaques face à la vérité de leur situation.

 

 

Compassion straight no chaser

 

Peut-être qu’il est plus difficile de susciter la commisération quand on filme la misère d’une personne alcoolique quand celle-ci est une femme riche, célèbre, avec moult ressources à sa disposition. Peut-être qu’il est plus difficile aussi de ne pas considérer comme une farce les déboires d’une femme alcoolique, de là peut-être la popularité sans apparente gravité du cirque Real Housewives.



Mais en faisant mes recherches de personnages féminins alcooliques pour cet article, peu sont crées pour susciter la compassion. Elizabeth Taylor en mégère dans Who’s afraid of Virginia Woolf, Goldie Hawn en actrice imbue d’elle-même dans First Wives Club, ou plus récemment toutefois, on présente des personnages où l’ambivalence (qui est mieux que le mépris, c’est déjà ça) est mise de l’avant avec par exemple Sandra Bullock dans 28 Days, Anne Hathaway dans Rachel Getting Married, ou la série Single Drunk Woman. Au mieux, ces femmes sont montrées comme « damaged goods », et si bien sûr il est humain de posséder des failles, il semble encore important pour leurs auteurs de montrer qu’elles seront toujours un peu brisées, jamais vraiment entièrement une « bonne » personne dévouée.

 

Dévouée est le mot qui revient comme dans dévouée aux autres, et c’est là que le problème devient plus grand que l’alcool. Quand une femme ne s’appartient pas elle-même pour mettre en premier son époux et ses enfants, on ne le remarque pas, mais quand elle est dépossédée et priorise la bouteille, sa dépendance, elle peut alors devenir cette égoïste dont on peut rire, cette vilaine des histoires montées, cette risée, avec des malheurs qu’on peut sans culpabilité continuer de consommer.

 

Je ne crois pas en la censure des projets, produits, personnages et personnes qui consomment, mais je crois en la multiplication et l’amplification des voix de celles qui ne consomment plus. Et des lampadaires encore plus, sur ces chemins parcourus.

 

J’ai pas encore commencé Real Housewives of New Jersey, mais je ne suis comme pas pressée non plus de regarder.


 

 

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