Une autre facette de la sobriété, très observable parmi les dépendants, et régulièrement observé z’ici, est cette propension à toute vouloir régler tu-suite.
L’overcorrection, pour bien angliciser le terme. Régler 20 ans de brosse en 6 mois ou 6 menutes de sobriété. Tout presse, mais l’univers, la nature, la guérison, ça suit son propre cadran, et pour être ben franche, c’est parfois câlissant.
On s’étudie, on s’érudise, on lit, on apprend, sur notre dépendance, sur notre débalancement. On mâche nos racines, on dépoussière nos origines, on s’ouvre le capot, on se dégraisse les conduits, on brosse nos veines, on savonne nos poisons, mais pourtant, il y a cette chose qui nous résiste et nous toise de façon narquoise, cette chose qui nous vaincra pourtant mille fois sur mille : le temps.
Crisse que rien ne passe assez vite.
Tic-tac, câlisse.
N’avez-vous donc pas reçu le mémo que je voulais guérir ? Au plus crisse ?
Je marche, je médite, je mange des tites crisse de pommes, je journalise, je manifeste, j'exprime, je graines de chia. Serenity now, bordel à bras !
Combien de dos d’âne avant que je puisse mettre tout mon poids sur la pédale à gaz de la vie, flyer mon feu au cul jusqu’au firmament, et chatouiller les champs de marguerites dans l’olympe ?
Les saisons, indolentes, passent en prenant leur doux temps; l’été s’étire et s’alanguit, l’automne fait sa pense-bonne, l’hiver n’est pas pressé d’être hier. Il en est de même pour les émotions humaines qui habitent un corps, un esprit. Avalanches, ressacs, diluvienneries, tempêtes, fondaisons et regels.
Et ces situations qui se répètent, maintenant sous un œil sobre, comme une punition karmique de leçon pas apprise, toujours en entraînant dans le souffle du vent « tu n’as pas encore compris, revoici le même schéma de marde qui t’attire, car il t’est si familier ». J’aime croire que je me veux fin-finaude, que je sucerais des jets de ciel à pleine gorge en quête d’illumination divine, et je sais que je suis chanceuse, quand même, d’avoir la vie que j’ai, mais pourtant, à l’heure des attachements, avec la précision d’un horloger-chaman-suisse, j’inhale en série des patterns qui sont ceux d’un attachement bancal, opaque, frustrant; je cours au désoeuvrement comme une ado après un bad boy en moto. Comme il est embarrassant de ne pas faire de meilleurs choix maintenant que la boisson n’est plus une excuse de pétrins sentimentaux. Combien de fois encore devrais-je me pourfendre l’égo au bout des lances priapiques de relations unidirectionnelles ? Dans les livres comme dans les #captions de RuPaul, if you don’t love yourself, how the hell you’re gonna love somebody else ? Dans un paysage où toute est enfin drette, puisque je ne consomme plus, on ne remarque que davantage le cadre qui est croche au mur. Parce que c’est nous qui ne cesse de le reclouer de la même damnée façon.
Dans mon cas, mais comme des milliers d’autres, ou du moins, des dizaines que j’ai pu observer autour de moi de visu, vouloir manger de la marde est quelque chose qui dépasse la condition de dépendant ou de sobre. Ça se traduit dans cette envie sournoise qui nous guide vers des gens qui ne nous donneront pas les outils pour poursuivre notre évolution. Intuitivement, si on choisit des partenaires qui, bons ou mauvais, nous garderons dans la stagnation psychique, c'est une forme d'auto-sabotage, hélas.
Si des situations ont tendance à se répéter, force est d’avouer que nous sommes le dénominateur commun.
Comment on se rend là ? Comment apprendre à dire non, comment arrêter d’avoir peur de l’abandon, comment s’en crisser de tous et de tout, vraiment ?
Avant, je répondais à ces trois questions en dévissant, en mâchant le bouchon et en tétant le goulot des quilles comme des magnums jusqu’à l’évanouissement. Je préférais compter les bleus sur mon corps d’avoir déboulé des escaliers encore paquetée, plutôt que compter ceusses sur mon cœur. Quand on est soûl, non seulement y en n’a pas de problème, mais on ne les remarque pas, on ne les sent pas. On ne se rend même pas compte quand quelqu’un torche ses bottes sur le plancher de nos limites franchies, et repart, nous laissant –émotionnellement- la cenne en sang.
Mais à jeun.
Esti.
Tout sentir.
Tout voir arriver, en temps réel.
Pas pouvoir fast-forwarder les peines à venir, les séparations, les deuils de moult choses.
Vivre et mastiquer chaque couplet d’une tristesse induite.
À frette.
Beurk.
Mais.
Manger un peu de marde, n’est-ce pas le sel des écorchés ?
N’est-ce pas inconsciemment les chemins pris pour évoluer vers mieux ?
N’est-ce pas un indicateur pour sonder où dans le corps, on doit guérir, encore ?
On entre dans la saison du Scorpion.
Ça graffigne, ça pique et ça pince, parfois.
Lana Del Rey vient de sortir un album.
Au lieu de 46 bouteilles de vin suivies d'une symphonie en si rhose, poser nos mains sur un clavier, des mots, des notes, râler de la garnotte, ça peut, ça pourrait libérer, de quelques chaînes sur notre vieux cœur pas encore parfait. Pas encore habile, mais vouleur de clarté. De lumière, pour faire fuir les coquerelles du passé.
Manger un peu de marde, en attendant, et pouvoir, on l’espère, le conter plus tard.
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Collage couverture d'article à partir d'une photo de Daniel Tremblay.