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  • Photo du rédacteurCristina Moscini

Manger à jeun...



Les huitres et le caviar me semblent maintenant absurdes… (ils peuvent sembler absurdes en 2020 carrément, puisqu’associés au luxe et à la célébration dans une année globalement de désespoir et de précarité alarmante) mais beaucoup d’habitudes alimentaires prennent le champ en cessant de boire.


Récemment, je pensais à comment la dépendance à l’alcool est une dépendance à lutter quotidiennement, en plein jour, chaque jour, parce qu’on est entouré d’un monde de consommation où la boisson n’est pas seulement acceptée, mais fort encouragée. Pas seulement dans les publicités (qui double-downent pendant la saison des Fêtes), mais dans nos coutumes. C’est ben correct de même, chacun sa patente, on fait ce qu’on veut, alea acta es et pis tiguidou.


Je me suis surprise en train de me préparer à me plaindre que « nouuuus les alcooliiiiques », on est sollicités plussse que les autres dépendants (drogue, jeu, etc.), parce que la boisson nous est mise dans la face et même conseillée par le bonhomme Legault. La SAQ restera ouverte même pendant l’Armageddon, genre, je vous le garantis. Et puis là, de constater ceusses qui vivent avec un trouble alimentaire et qui travaillent tous les jours pour combattre de semblables pulsions, ce désir de prendre le contrôle sur son corps, la crainte de le perdre.


Si on est encouragé à boire tous les jours, on est certainement encouragé à manger tous les jours. Trois fois même. Par chance, je n’ai pas été frappée de troubles alimentaires persistants, si ce n’est, comme toutes les filles nées et grandies en Amérique du Nord vers la fin du XXe siècle, de se faire dégueuler d’au moins une fois, à temps en temps, après avoir mangé, ou bien d’avoir adhéré à la culture des régimes pour essayer d’afficher une minceur plus en standard des modèles de beauté établie sur papier glacé.


Cela dit, je ne prétends pas comprendre ce que c’est que de vivre quotidiennement avec un trouble alimentaire. Je reconnais certaines similitudes dans les obsessions, les compulsions, et la pression de la société pour faire telle et telle chose.


Et je remarque aussi comment l’alcoolisme a influencé mon alimentation pendant des années. Pas pour le bien.


« L’alcool, c’est des calories liquides », « Une bière équivaut à un steak », « Une brosse moscinienne équivaut à 3,7 bœufs d’Alberta », « Vodka, mais avec du soda, pas de liqueur, c’est trop sucré », « Je souperai pas, je veux boire à soir et soûler plus vite », « Boire sur un estomac vide c’est économique », « Manger de la poutine à 4 heures du matin ça fait absorber », « Déjeûner gras le lendemain ça remet »…


On s’en conte et on s’en fait dire.

L’alcoolisme peut impacter votre santé dans ce sens-là. (Big news, je sais.)


Dans mon cas, je buvais quasi quotidiennement, beaucoup d’alcool.

L’alcool coupe la faim.

Peut-être ici, certains se reconnaîtront.

Souvent, je ne mangeais pas de la journée parce que j’avais encore mal au cœur de la veille. Rendue tard, après deux bouteilles de vin, je bricolais de quoi à souper, mais plus souvent j’achetais de quoi toute faite parce que j’étais pas en état d’opérer un four ou une mandoline à courgettes, mettons.


Donc, manger une fois par jour, trop lourd, sur un estomac qui a seulement absorbé du café et de la boisson depuis 24 heures. Wow. Gordon Ramsay et Josée Lavigueur se relaieraient pour me donner une claque ‘sa yeule.


Et le lendemain, ben, sans grande surprise, ça recommence. Le mal de cœur revient, alors on n’ose pas manger. On attend. La soif revient avant la faim. On se répète. Malgré la colère de nos organes internes.


Quand on est soûl, c’est rare en tabarnaque que l’on se garroche sur une salade jardinière. Du consistent, du rustique, du en sauce. Notre corps nous envoie le signal d’alarme d’absorber. Pourtant, sans même être diététicienne, je parie un vieux deux que c’est pas ce qu’y a de mieux.


Et dans les bars, mon ancienne faune naturelle, bien souvent on ne vous propose pas pour accompagner votre vin ou votre bière, du rutabaga ou un smoothie aux graines de psyllium, ou autres niaiseries qui feront de vos transits une expérience remarquablement agréable et commode.


*


Ainsi, les huitres et le caviar me semblent maintenant absurdes… Y a de ces aliments qui ont leur raison d’être parce qu’ils sont accompagnés d’une bonne bière ou d’un bon vin.


Manger du « bar food » désormais me semble insipide, inutile. Certains fromages, charcuteries, fritures n’ont pas le lustre du wow sans la rasade de boisson pour faire descendre le tout. L’accord mets, comme on dit. On perd le goût de certaines choses, simplement.

La décadence alimentaire en vogue depuis quelques années n’a plus sa place une fois sobre. Ce serait comme aller dans une orgie romaine pour juste jaser.

Et oui, à quelque part en-dedans de moi je capote de ce revirement de situation.

Et oui, la Crostina Moskounni du passé qui vivait sur une poignée de noix salées et 3 barils de draft maudirait la fraîche wannabe santé qui revendique un mode de vie de kale et de selles régulières.


Mais je revendique la survie.

Je recherche l’équilibre.

Je mérite de déjeuner de temps en temps.

Comme une personne humaine.

Et non comme un gobelin des tonneaux,

tel ai-je persisté à me faire croire.


Certes, la sobriété ou l’abstinence peut entraîner d’autres comportements :

- L’orthorexie, de vouloir tout peser, calculer, évaluer tout ce qu’on avale et le défaire en nutriments. Dangereux vortex de surcompenser par un désir de contrôle sur ce qu’on ingère. De vouloir se traiter comme un temple après s’être traité comme une poubelle urbaine remplie de jizz et de fentanyl.

- Le substituage, souvent par le sucre. Pu de sucre ingéré par l’alcool, donc vouloir remplacer par d’autres sources de sucre, pas toujours naturel. Et les tiroirs du bureau commandités par Oh, Henry !


Là ici aussi, je m’en voudrais de conseiller quelqu’un qui passe par là, n’ayant pas les qualifications ni les connaissances pour guider. Seulement un constat de ce qui peut arriver, à travers cette salvatrice de sobriété.


Et avec tout ça, les Fêtes à nos portes.

Saison de tous les excès de table, de coude levé, de stress.

Mon seul conseil, restez chez vous. Déconnectez-vous de vos déclencheurs.

Le point positif est de ne pas à subir un énième ragoût de pattes aux relents de mort de grande-tante Josette, aussi difficile à ingérer qu’à vomir après 48 bières et 17 Stinger. Alors, bonne chance !



Illustration de René Magritte.








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