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Photo du rédacteurCristina Moscini

Manger à jeun II (The seqwouell)



Dans mon dernier billet, je préparais la table pour annoncer les changements possibles dans l’alimentation quand on devient sobre.


Du texte, j’ai relevé deux possibles fatalités : l’orthorexie et les rages de sucre.


Si je ne souffre pas des rages de sucre mis à part quelques mésaventures comme la fois où j’ai malencontreusement essayé de faire du fudge et que finalement, essentiellement en fait, je me suis retrouvée à boire une boîte de lait condensé en entier par accident, beaucoup d’alcooliques et de dépendants abstinents se découvrent la dent sucrée. Bien qu’en n’ayant pas présenté par le passé d’affection particulière pour ce qui est desserts, bonbons, ou toute autre création fondante née pour vous séduire le diabète naissant.


Remplacer le sucre de l’alcool par le sucre d’une Oh, Henré ! (Je sais que c’est Oh, Henry, mais de ma vie, je n’ai jamais entendu quelqu’un prononcer Henry. On dit Henry comme on dit Johnné, ou sexé, ou beubé.)


Au grand étonnement de sobres interrogés, ils doivent apprendre à gérer ces nouvelles rages de sucre inexplicables. C’est vrai après tout, de la draft, ça s’accompagne avec une pognée de pinottes en écales, c’est connu. Chez Moe, on sert des œufs dans le vinaigre, pas des mille-feuilles, tabarnaque. Plus vraisemblablement, l’alcool finit par couper l’appétit, et quand viendra le temps de manger après un marathon de buvage, nos papilles vont forcément nous garrocher sur du salé. Je me souviens d’avoir mangé une galvaude après deux jours de boisson et de poudre sans aliments solides, et d’avoir pensé alors que les patates en sauce avec du poulet pis des petits pois était la meilleure invention du monde entier après les montgolfières et les feux d’artifices. Team sel. Hashetague manger soûle, et hashetague oh my god.


Ce qui risque d’arriver aussi c’est l’orthorexie, de vouloir compenser nos pertes de contrôle passées par une extrême vigilance sur tout ce qui intègre notre corps. Et ça se transforme en une lecture profonde des ingrédients dans l’allée 5, ça se traduit en devenant un adepte de l’alimentation bio, sniffer des lignes de Metamucil et égrainer du chia avec notre carte de crédit. Beaucoup de frais chiés se découvrent.


Pour moi, j’ai découvert ce à quoi devrait ressembler une alimentation équilibrée. Simplement de taper ces mots, la Crostina aux cheveux sales du passé roule des yeux terriblement en s’asseyant à répétition sur le goulot d’un magnum de Cresta Blanca en saluant de quelques fuck you. En vrai, des légumes, des smoothies, des repas chauds, passer quelques heures, par plaisir, les totons dins chaudrons pour de quoi qui se digèrera autrement qu’en déchirement de mes organes internes, c’est nouveau pour moi et j’y trouve de quoi d’agréable. N’en déplaise à la Baudelairienne aux bas troués que je fus.


Est-ce que c’est vraiment une contreréaction de devenir neuve, prosélyte de la carotte, abonnée du céleri, évangéliste de la graine de chanvre quand on pense à il y a quelques années on ne vivait que de casse-croûte 24h au point de se faire écrire des mots doux par le cook de nuit sur le styrofoam de notre habituel take-out*?

*Histoire vraie.


Une partie de moi croit que c’est plutôt parce qu’en étant sobre, on devient plus à l’écoute de ce corps dont on a négligé les signaux d’alarme. Ce corps qu’on a essayé de tuer en gorgées. Je m’écoute astheure, et jusqu’à date le corps répond bien, comparativement aux anciennes douleurs quotidiennes et intestinales que m’étaient l’existence et le fardeau que cela m’était de devoir respirer. Parfois, ce sont des signaux très clairs. Comme manger des légumes crucifères. J’ai écouté ce signal en achetant une poche de trois livres de brocoli, que j’ai accompagné que de choux de Bruxelles et de kimchi. En bonus, avec la chaleur générée de mes pets, j’aurai même pas à payer d’Hydro cet hiver apparemment. Autrement, on est plus attentif aux signaux physiques, aux carences vitaminiques.


Que ce soit en devenant un adepte du curcuma ou en succombant à une confection pâtissière ou confiserie de temps en temps, la sobriété nous parle de façon claire. Mange ça, fais pas ça. Et ça, ça me lève le cœur maintenant. Le corps reprend son pouvoir de guérison et nous indique d’autres chemins que la destruction. On peut quand même gagner à l’écouter.


Mais faudra s’écouter autre chose que l’Oh Henré.


Je dois y aller, Les Fleurs du Malaxeur me broient un smoothie à l’avocat.

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