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  • Photo du rédacteurCristina Moscini

Mes aventures de sobre au bar – Chapitre 3



Pour vous faire un recap’, chapitre 1 et chapitre 2 ici.


*

Je me souviens de la première fois que j’ai vu Pulp Fiction, je devais avoir sept ou huit ans.


Une scène m’avait marqué. On voit Mia Wallace dans les toilettes des filles du Jack Rabbit Slim’s en plan serré se relever la tête d’avoir sniffé une ligne sur le comptoir du lavabo. La caméra est bloquée sur ses yeux de chat et son ti-toupette de cool, et c’est exactement ce que j’ai trouvé qu’elle avait l’air : cool, si cool.


Les figurantes de la salle bain sont habillées dans des couleurs moins saisissantes et dans un style moins dernier cri que la fameuse ample chemise blanche et ce pantalon noir de l’héroïne qui allait, à elle et Vincent Vega, leur faire gagner un concours de danse, quelques scènes plus tard. Les figurantes semblent aussi préoccupées par leur reflet devant le miroir, retouchant leurs cheveux, leur maquillage, pendant que Mia, confiante, se frotte la narine dans un presque clin d’œil assuré. Elle n’est pas comme les autres, elle s’en fiche comme personne. She’s the main character, v’savez.


Bref, c’est pas de savoir si oui ou non sept ou huit ans c’est trop tôt pour voir des films qui ont été célébrés à Cannes en 1994, car après tout, même dans le film, Mia rencontre un ti-peu son destin (spoilers), mais peut-être d'explorer d’où ces racines naissent au cerveau, et savoir si c’est ce qui permettra à nos futures perceptions de se tresser autour de la consommation.


Quelques sept ans plus tard, on allait commencer à m’offrir de la poudre et j’ai jamais rencontré une paille que j’ai refusé. La clé (aussi) est là : se faire offrir. Et je crois que ça fait partie de l’expérience féminine dans sa jeunesse, surtout, les drogues vous sont mises à disposition. Comme des raisins que l’on tend par grappes à des vestales de tableaux romains, on n’a qu’à étirer le cou pour attraper et faire éclater sur notre langue, la chair de ces fruits décadents qui soulèvent l’opprobre. C’est facile d’avoir accès à de la poudre, des pelules, de la boisson, toute. Que vous soyez une top modèle en vogue qui fait Paris-Milan-New York en jet privé, ou que vous soyez une péquenaude de Beauport qui se permet des camisoles spaghetti du Zabé Jeans que lorsqu'elles sont en rabais en mâchant de la gomme volée au Terminus d’autobus à 15 ans. Bon, je vais parier un gros 2$ que le stock des Naomi, Cindy, et Claudia de ce monde est meilleur que celui qu’on trouve à d’Estimauville, mais je n’ai pas de preuve concrète juste là.


Faire de la poudre avec des inconnus n’est pas tant rare, et en accepter ça met en confiance celui ou celle qui offre, habituellement. Et comme mentionné, de mon temps de consommeuse, j’ingérais comme une poubelle industrielle tout ce qu’on me tendait avec l’insolence d’une jeunesse qui se croit invincible.


Sauf que, je ne consomme plus. Sauf que, je n’ai plus 15 ans, j’en ai 34. Et même si ma dernière ligne remonte à ma dernière brosse avant de devenir sobre, je crois, asti, pour moi, qu’en moi il y a quelque chose qui a vieilli – même si ma face a plutôt déplissé depuis. J’entends que quand je me trouve dans un bar, comme là, je sens qu’on me regarde plus comme une mère venue chercher sa fille (même si j’ai l’instinct maternel d’un arbre mort), que comme, justement, une fille de personne à la dérive – soit l’énergie que je dégageais alors qui était, ma foi, tout à fait drette ça.


« Veux-tu une clé, veux-tu une ligne ? »


Câlice. Il y a deux ans encore je me réjouissais d’entendre ça. Pour deux raisons : Ça voulait dire que je pourrais continuer de boire plus sans me sentir trop affectée, et ça voulait dire que la fête n’était pas finie.

Vous savez ce qu’on dit, l’opéra n’est pas fini tant que la carte de débit écrase des petites roches encore…

Mais là, je suis restée bête. Est-ce que ça ne paraît pas que je suis plate, maintenant ? Ou était-ce une invitation à m’enlever cet intangible mais détectable balai du cul ?


Devant mes yeux, je voyais vrai comme j’étais là, mon moi d’alors suivre ce gars aux toilettes, sa blonde au fond de tête Manic Panic qui me prêterait sa paille et je reniflerais tout en échangeant des banalités un peu bancales qui seraient renforcies quelques secondes plus tard par une tournée de shots pour remercier du geste et renforcir avec eux cette nouvelle amitié. On rigolerait en trouvant des sujets communs à discuter sur fond de musique trop forte – j’étais d’un naturel adaptable, et puis ça finirait dans la cuisine chez quelqu’un vers six heures du matin. Je serais partie nu-pieds dans mes bottes mêlée du cerveau et frissonnante devant le soleil naissant, comme la plus mottée des cowboys du Far West. Mets-ça dans ta pipe, Lucky Luke.


Mais là, me voilà dire non, soulever l’ire des fêtards, en ne donnant pas trop de raison, pour l’instant. Ma main se referme et serre nerveusement le kombucha que je m'étais amené dans le bar et qui venait du café d’en face, en sachant qu’une fois fini, j'allais devoir tomber sur les 7up poussiéreux vendus à 5,75$. Ça, c’est s’ils n’ont pas des petits Perriers chauds, entreposés dans une caisse en carton à côté du radiateur.

J’ai jamais même passé proche de ressembler à Mia Wallace, en consommant.


Je ne suis jamais devenu le personnage principal de ma vie, en consommant. Je conduisais pas de char, je décidais jamais du bar, j'étais pas la fille cool aux toilettes qui sniffe avec des fuck me eyes. J'étais figurante. Tonitruante, gênante, provocante, mais figurante.

Et je sais pas si réellement j'espérais un jour pogner la twist : suivre des inconnus une fois de plus dans les chiottes avec graffitis Call me for a good time 1-800-MON CUL, et puis en ressortir transformée en une héroïne qui ne souffre plus. Coeur léger et cool attitude en sus.


Je suis plutôt maintes fois devenue, un véhicule, un bruit de fond, une Guédaille #3 même pas créditée au générique, parce que cette déchéance vagabonde prenait le premier plan. J’étais ma chute, j’étais l’absence de plan.


Et ça, de vouloir changer ça, c’est pas quelque chose que l’on vous pardonne facilement, finalement…


 

CHAPITRE 4 à venir en juin !


 

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