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Photo du rédacteurCristina Moscini

Mes aventures de sobre au bar – Chapitre 4

Dernière mise à jour : 23 mai



RECAP :



À force de refuser ce qu’on m’offre, lentement, il se crée comme une sorte de bulle autour de moi, qui n’a rien à voir avec la distanciation sociale qu’on a connu. J’ai subi par vagues de venues le monde chaud s’amarrer vers moi pour mieux s’enfuir, comme des zombies affamés de cerveau qui n’ont… pas trouvé ce qu’ils cherchaient avec moi, en moi.


Et me revoilà seule. Entourée. Je suis dans un bar à spectacles. Les pires bars. Le monde boit pour se déchirer, danser tout croche, slammer, cracher sa bière en fontaine en giguant des coudes. Et moi, au lieu de me rouler comme une truie dans sa fange, comme j’adorais tant le faire, ben, je suis assise sur un tabouret sans tanguer, tomber. Je suis à bidouiller sur mon cell, à demi en train de filmer des stories, morte d’ennui, morte de peur. Jusqu’à temps que mon ami sur scène hurle qu’il veut une pinte. Dans l’esprit du rock and roll, on salue sa demande à grands bruits de gorges chaudes. Mais personne ne s’exécute.


C’est ça qui arrive dans un deuxième étage de bar de shows : y a jamais de service. Pis les petits Perriers à six piasses sont chauds.

Alors, pendant que les headbangers éberlués constatent qu’il n’y a pas de bartendresse dans le périmètre, je prends l’initiative de traîner mon vieux cul de sobre jusqu’au rez-de-chaussée pour t’aller chercher t’une pinte de Carlsberg t’à mon tendre chantre ami.


Arrive en bas. Niaiseux en crisse comme moment, de commander une pinte maintenant. Je me sens comme si je devais sortir un paquet de cigarettes à des mineurs.


- Qu’est-ce tu prends ?

- Euh, une pinte de Carlsberg…


J’ai la fiévreuse envie de crier que C’EST PAS POUR MOI, C’EST POUR UN AMI, mais je me calme les grands chevaux de camomille.


Et là, en fait, c’est très simple si on a suivi; je dois prendre la pinte, monter les escaliers au deuxième et aller porter la pinte à mon ami sur scène. Facile, en fait. Un, deux, trois, quatre.


Alors pourquoi ça m’est une odyssée dramatique ?


D’abord, on devient con/conne en devenant sobre. Je veux dire, on oublie, on a pu le même swag en tenant un verre d’alcool. Comme les préados qui savent pas tenir une clope en ayant l’air cool, je n’ai officiellement plus l’air cool quand je tiens un verre, une pinte. J’ai l’air de la matante de Matusalem qui tient un bucket de pisse bouillante. Pas tant t’à l’aise.


Pendant que je m’invente des tragédies houblonnées, je décide de prendre le récipient de vitre par le haut, avec ma main en pince comme dans les machines à ramasser des jouets en échange d’un trente-sous. Bon, les escaliers maintenant.


J’avance comme si je tenais de la dynamite liquide dans une main. Je voudrais exagérer plusse que ce serait impossible. Le verre est frette et le liquide fait perler la pinte comme sur une pêche avant d’être cueillie à l’aurore en juillet. La condensation qui rencontre le bout de mes doigts quand je la tiens fait compétition au wet dream que j’ai eu la première fois j’ai rêvé à Snake des Simpsons. Câlice, j’ai pas le goût de boire, mais pourquoi j’ai l’goût de la boire comme ça ?


Depuis que chu rentrée icitte, j’ai refusé des bonjours, des drinks, de la coke, de pelules, des conversations, j’ai dit non à toute comme la plus sec’ des religieuses de partys, pis je capote ? , je va crisser ma vie en l’air pour une estie de Carlsberg qui fait sa désaltérante ? TU VAS GÂCHER TA VIE POUR UNE LAGER, MOSCINI ?


Crisse, j’ai le cœur qui bat tellement fort que c’est ça qui me fait avancer pas par pas. Mais je me suis parlé, dans ces quelques secondes mentales, il y a eu complète conversation. Me su’ engueulé juste comme y fallait, apparemment.


Je gagne en confiance au fil des marches. J’ai l’effroyable épouvante que la mémoire musculaire me fasse me clancher une gorgée de cette pinte. Je dois activement me concentrer à ne pas boire. J’ai l’air folle en tabarnaque. De loin comme de proche.


J’arrive en haut sous les cris. Avec l’énergie d’une conquérante je tends la pinte à mon ami qui s’en enfile une grande gorgée dans un merci assoiffé. Et je suis contente. Ma hantise s’en va. Il continue à jouer, les gens continuent à danser. Je n’ai pas le goût de boire.


Je sais et je reconnais ces pulsions qui ont habité ma paume un bref instant. C’était pas la soif, c’était le sabotage qui grattait aux portes de mon progrès.


Et une fois de plus, au moins ce soir là, je peux dire que je l’ai pas laissé rentrer.



*


TOME 2 à venir en Juillet


*



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