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  • Photo du rédacteurCristina Moscini

Mes aventures de sobre au bar – Chapitre 2

Dernière mise à jour : 17 avr. 2022



Chapitre 2


[Faites-vous un récapitulatif

en lisant le Chapitre 1.]



*

Des fois, je me trouve chanceuse de ne pas avoir beaucoup d’amis.

Quand je buvais, j’étais de toutes les sorties. Y a pas un mardi que je n'ai jamais essayé de changer en carnaval. Y a pas un 5@7 que j'ai pas voulu étirer en grande fête navale. On devient alors, en se tenant dehors, un peu amis-amis avec tout le monde qui traîne, tout le monde qui sort. J’entends par traîne, tout ce qui erre - car on erre tout autant, à jamais vouloir rentrer avant tard, à ne pas vouloir être seul.e après le last call, même si ça veut dire coller dans une cuisine d'étrangers à six heures du matin, à jaser flûte à bec comme gouvernement des oiseaux, en sniffant des tracks ben grasses direct sur une table en mélamine, dans un épais nuage de topes et de cette confusion, si durement gagnée.


Et quand on boit comme je le faisais, les amis qui ralentissaient mon buvage finissaient par prendre le bord assez tôt dans la soirée. Pas long que j’allais m’en trouver des moins quétaines, qui allaient me suivre sur mon asphalte d’Heineken. Un « Je travaille demain, pas d’autres tournées de shots » m’aurait offusqué plus ou sinon tout autant que d'apprendre que vous eussiez craché sur la tombe de mes arrière-grands-parents. Ami a le dos large quand on boit, car on finit par voir double les mêmes visages, et on boit, puis on boit encore, et on poursuit de se voir et se revoir souvent sans même se connaître, même si la soif, elle, se fait reconnaître. Les heures passent et on se calcifie, on se ressemble de moins en moins à force de se farcir jusqu’à se méprendre dans le reflet d'un back-bar pour la toile enlaidie d'un Dorian Gray, avec une série de vodka-pickles enlignée.



Qu’est-ce qu’un ami quand on boit ? Quelqu’un qui est là, en face de toi, dans un amas flou de couleurs et de formes qui est capable de fracasser son verre contre le tien autant de fois que toé, et rire assez fort pour t’enterrer à ton énième joke de bizoune hurlée dans le plus moyennement chic des gastro-pubs de boulevard.


Qu’est-ce qu’un ami à jeun ?

Quelqu’un en qui je me suis déjà confié, quelqu’un qui m’a prouvé pouvoir lui faire confiance et qui me truste aussi, mais surtout quelqu’un à qui je et qui me, crisse patience.


C’est qu’on devient des petites bêtes tranquilles, nous les sobres...


Et c’est pour ça que des fois, comme ce soir-là, je me trouve chanceuse de ne pas avoir beaucoup d’amis.

*


Le bar m’apparaît plein au rez-de-chaussée, je viens juste de survivre à la fusillade de regards dans cet interminable corridor de comptoir, où les paires d’yeux semblaient voir à nu mon tendre foie en rémission.


Est-ce que j’ai encore l’air d’une alcoolique quand on me croise ?


Est-ce que ça paraît que j’ai passé mille heures assise nu-cuisses sur les genoux du diable, à éteindre le feu de ma gorge à coup de Jameson avant onze heures le matin ?


Est-ce que ça paraît dans ma face que je ravalais mes rotes-vomi même en commandant, à un comptoir comme celui-là, cet autre puis un autre gin-tonic double, pas d’agrumes, pas de glace, pas de paille – sans quoi ç'aurait été trop long l’attendre, avant de l’avaler comme une enragée ?

Est-ce que ça se voit que j'ai tant de fois mangé mon mal comme d'autres mangent du miel à même leurs mains ?

Peut-être que je capote, peut-être que c’est l’inverse, que j’ai l’air trop fraîche. Comme une fille de campagne qui revient à l’été d’être allée faire ses classes dans la grande ville, qui aurait maintenant l’audace de vouloir en marier un autre que son propre cousin. Une ingrate, une déshonorante de la grande famille des buveurs. « Tu penses que tu saurions meilleure que nous autrrrres asteheurrrre ? » « J’aurions décidé de n’plus boire, pôpâ Gédéon ! »


Apparence que me voilà devenue orpheline, dans un bar d’où je ne suis désormais ni fille, ni cousine.

Ça m’apprendra, à avoir commencé à rentrer dans les débits de boisson sans les épaules voûtées, ni les cheveux couettés, les yeux devenus clairs au lieu de vitrés avec la coulisse de larmes au mascara d’avoir braillé d’extase et de cette si sublime joie d’être paquetée, me voilà à présent les deux seins rentrés chaussés chacun dans ma brassière, comme une crisse de pense-bonne.


Je sais que j’ai en effet sonné les cloches du déshonneur du saint-party quand survient ce gars pour qui je deviens rapidement tout ce qui ne va pas dans le monde : ceusses qui ne consomment pas.

Je comprends exactement la panique graduelle de l’alcoolique, quand on offre une bière à quelqu’un, puis que la personne, elle refuse. Alors un shot ? Un drink ? Du vin, veux-tu du vin, je pense qu’on en a mais y est pas frette, en veux-tu ? Veux-tu fumer, veux-tu une clé ? Il faut comprendre que quand on consomme, on veut que le plus de monde possible sur la planète consomme. Ma raison principale était parce que j’ai été convaincue très longtemps dans ma vie, que s’altérer l’esprit était la meilleure chose à faire pour notre condition humaine. Je marchais et vivais en croyant que tout le monde sur la boule bleue en était aux mêmes conclusions que moi : le Monde est cruel, à quoi sert la vie, pourquoi le Monde est sans amour, let’s get fucked up ! Ne pas consommer semblait aussi fou que de choisir de vivre à frette une décâlissante sodomie servie aux mortels par l’Injustice de la Vie elle-même avec de la vitre sul’ boute du gland. Alors, ce gars, il voulait bien faire, je le sais, mais après les quelques fois de trop où j’ai dit « Non, merci », je sentais son désoeuvrement, son incompréhension, sa suspicion que je sois même une police, a fuckin’ narc’ ou somethigne like that, comme on dit dans la langue de Serpico.

Et juste de l’avoir près de moi quelques instants, d'entendre ses synapses coller puis décoller d’avoir fraîchement ou copieusement sniffé me ramenait au comptoir de ces bars d’après-midi, où les journées passaient comme des heures dans un purgatoire au juke-box brisé.


C’est comme d’opérer sur deux lignes de temps différentes, je voyais en parallèle le défilement possible de cette soirée.



Mais je savais déjà, que cette fois-là, j’étais chanceuse de ne pas avoir beaucoup d’amis…


 

CHAPITRE 3 à venir dans quelques semaines !

 

P.S.1 : Boutique...


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P.S.2 : Annonce...

Pour ceusses qui suivent ce blogue depuis longtemps (d'abord merci à vous !), vous avez entendu parler de S'aimer ben paquetée, qui était d'abord un billet de blogue du même nom publié ici, puis une lecture audio théâtrale qui avait été faite en 2021. Bien maintenant, cette création revient en full force, la pièce sera présentée à La Bordée à Québec dans le cadre de ses 5@7 théâtre.

Ce sera, et j'en suis on ne peut plus fière comme un paon, interprété par la magistrale Ariel Charest, oui, la fulgurante actrice aux mille et uns lip synchs. Je capote en tabarnaque. ❤️‍🔥


Un monologue, donc, d'une heure sans entracte, on y servira breuvages et en-cas, et ça coûtera comme 23$. Les billets seront en vente dès le 11 juin, et la pièce sera présentée du 28 novembre au 16 décembre 2022. INFO ICI.



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