(ou comment la grossophobie ruine des vies.)
Un sujet pas nécessairement puisé dans la sobriété, mais une réalité collatérale à l’arrêtage de boire est la perte de poids, ou le déglonflage de face et de corps. Les compliments, souvent, cumulent lorsqu’on perd du poids, au point ou j’en viens maintenant à en éprouver malaise.
Tout change en arrêtant de boire, et en ne faisant pas grand chose, on risque de maigrir en quelques mois, peu importe quel était notre point de départ.
Le secret est simple : Soustraire 3000 calories liquides par jour risque de 1. Vous laisser plus d’énergie dans le corps pour aller faire promenade au lieu de la léthargie quotidienne de l’alcoolique moyen en lendemain de brosse, et 2. Vous risquez de ne plus avoir d’appétit soudain pour du take-out à trois heures du matin. Des petites choses, vraiment, mais qui certes peuvent faire une différence sur un corps humain. L’hygiène de vie, qu’ils appellent.
J’en arrive à ce point, à maintenant trente-quatre ans ayant vécu de multiples variations de poids pour des causes différentes, où je peux constater sans l’ombre d’un doute qu’il existe un réel privilège de la minceur et qu’on peut véhiculer sans le vouloir des idées cautionnées qui méritent au moins une réflexion.
Que ce soit un problème de santé, une détox au jus vert, une dépression, une shire de coke ou d’amphètes de quelques jours, perdre quelques livres sera presque toujours encouragé par votre entourage et on vous félicitera. À l’opposé, quand vous prendrez du poids, on vous conseillera sans vergogne des régimes ou des programmes d’entraînement.
J’ai tour à tour été potelée, grasse, grosse, chubby, chunky, mince, « poids-santé », re-chubby, et parfois même toutoune. J’ai vu le respect et l’estime de collègues, d’inconnus, de proches fluctuer selon ces aléas de poids. Et j’ai toujours trouvé ça weird sans avoir de mots pour le dire.
J’ai pogné la puberté à l’époque où les grandes slaques à la Cameron Diaz étaient un idéal à atteindre. Même que les gars collaient leurs poings en levant les auriculaires pour indiquer la largeur de cul maximale idéale pour une fille. Quinze ans plus tard, on se fait injecter des agents de comblement dans ce même cul qu’on voulait autrefois petit, mini, racing. Que la silhouette soit un accessoire mode me dépasse. Qu’on associe la minceur à la santé me semble archaïque, fou.
Ainsi, je ne me sens pas capable de dire à quelqu’un « Félicitations, car tu as maigri ! », pour moi le message sous-jacent est « Maintenant tu es entré.e dans mon radar de plaisance visuelle, et selon ma jauge et mes goûts personnels, je garderai désormais rapport de ton apparence physique. C’est-à-dire que je remarquerai aussi quand tu prendras du poids ». Peut-être est-ce de m’être fait fat-shamer dans ma jeune puberté qui me ronge le trauma de même et qui me fait ca-po-ter autant, mais j’ai pour mon dire que même quand j’étais rototonde comme un te-petit baril, j’ai jamais eu de misère à me pogner un matou, ou je ne pense pas avoir été un moins bon être humain dans ces périodes-là. On a par contre eu des préjugés défavorables plus mon IMC s’épaississait, et des préjugés aussi, favorables, quand je me faisais plus svelte. La qualité de mon travail ou de mon potentiel ou de mon talent, est restée la même.
Je pense qu’on peut tous prendre un deux menutes à se questionner sur la racine de cette quête non-seulement de minceur, mais de cette haine internalisée des courbes sur un corps. Je détesterais que quelqu’un se sente mal comme je me suis parfois sentie mal, simplement à cause qu’une taille 12 feele trop serrée.
Historiquement, le corps des femmes a passé à travers tellement de tempêtes. Ces courbes qui dépassent ont été tour à tour sexualisées, dénigrées, cachées, marchandisées… On assiste depuis quelques années à un mouvement de body positivité, je crois que je voterais pour la body neutralité. Féliciter un.e ami.e pour avoir rencontré l’objectif qu’il ou elle s’était fixé, fine, mais donner son opinion sur le corps d’un.e autre alors qu’on ne l’a pas demandé, c’est plus de l’ordre des mononcles, et j’affirme, ici, en 2021, qu’on peut laisser ça sans regret derrière nous.
Merci.
Que ton corps te fasse ben.
Ça t’appartient, fais ce que tu veux avec.
Bonsoir chez vous.