Je pense souvent à James Hetfield, de Metallica. Parce que le band qui rend hommage à Metallica depuis plus de vingt ans s’appelle AlcoholicA. Je pense à James Hetfield parce que sa sobriété avait ébranlé le milieu du rock et tous ses métalleux à l’époque. Bien avant qu’on parle de yoga-decluttering-positive vibes-traine-toé-des-crystals-kombucha-à la mords-moi l’bat-bien-être-etcetera. Je pense à James Hetfield quand je pense à la sobriété, même s’il existait déjà d’autres sobres en vogue, même s’il en existe d’autres aussi depuis, dans la sphère populaire, je pense à James Hetfield de Metallica, parce que je viens de Beauport, pis Beauport et Metallica, ça va ensemble comme l’auriculaire et l’index pointés vers un ciel sombre et orageux pour headbanger sur Enter Sandman.
Il y avait de gros préjugés qui me séparaient de l’arrêtage de boire. L’un d’eux était que l’inspiration, le talent, ça vient avec les substances dont on s’imbibe.
Pendant que je lavais des dessus de tables en étant toujours la waitress la plus paquetée du périmètre, je me faisais accroire qu’Hemingway aussi boirait su ses shifts s’il eut été serveuse ou barmaid.
On a le don de se convaincre de caler en mer, quand c’est nous-même qui s’est noué la chaîne et le boulet au pied.
Je me pensais comme un genre de Judy Garland des boulevards, quand je me déshabillais soûle dans mes fonctions (burlesque), en pétant mon costume de ballounes tout croche en dizAnt qUe Ze sHow muSt go 0n ! Si vous cherchiez quelqu’un qui flippait les pages culturelles et les références historiques fiévreusement pour se donner le droit d’être paquetée à toute heure du jour, j’étais votre homme. Je peux pas arrêter : boire, c’est mon identité.
C’était y’a seize mois, c’était y’a une vie.
Ce soir, pendant que la pluie tombe sur mon hot girl summer™️, que les chars crachent des pofs de son de DJ Khaled, que les staffs de resto démontent leur terrasse détrempée, je pense à la boisson, et un peu à James Hetfield, ou *l’idée* de James Hetfield.
Quand j’étais enfant, dans les partys des adultes, je les ai toute entendus leurs albums. J’ai vu du monde soûl dégueuler sur du Metallica, j’ai vu du monde se chicaner sur du Metallica, j’ai vu du monde frencher, fumer, jouer aux cartes, monter le son à en péter des caisses sur Master of Puppets, de Metallica. Et puis, jeune ado, j’ai moi aussi, en Beauportoise, frenché des gars en char qui écoutaient du Metallica, sniffé des tracks sur des cds de Metallica, fini des caisses de bière et déboulé des escaliers sur du Metallica (je recommande le début de Fuel, ou Seek and Destroy si c’est des escaliers en colimaçon). J’ai même dansé mon premier slow sur Nothing Else Matters avec un solo de filles qui braillent comme choristes parce que c’était moi qui s’était pogné le beau Claude aux cheveux blonds.
Tout ça pour dire que l’importance culturelle de la boisson a son impact. Et la « culture » de la débauche fait son chemin dans nos mœurs; ça s’apprend et ça se perd difficilement.
Mais la culture de la sobriété, c’est pas rien non plus.
Si un James Hetfield est capable, bon nombre d’autres aussi. Capable au point d’influencer d’autres gens à faire quelque chose pour eux pour une fois, de prendre un chemin qui n’est briqué que de positif, au lieu de les influencer à prendre un autre verre, à déboucher de plus en plus tôt, à boire de plus en plus tard, à étirer la soirée, la nuit, à s’épuiser les sens à coups d’enweye donc juste une autre bouteille.
Tout ça pour dire (bis), que, individuellement, on a plus d’influence qu’on pense, et on peut s’en servir pour détruire, ou construire. Si j’ai trop de fois incité mon entourage à prendre cet autre verre, à fuir cette autre responsabilité, je ne me rendais pas compte du réel pouvoir d’entraînement vers le bas et de persuasion qu’on peut avoir. Depuis que je ne consomme plus, j’ai été surprise d’avoir pu influencer des personnes à choisir cette voie aussi. Parce que j’en parle ouvertement depuis un an sur ce blogue, je crois qu’il est possible de démystifier ce qui se passe de « l’autre bord », quand on ne s’embrouille plus, quand la brume des matins douloureux disparaît. Un peu de lumière sur cette autre voie pas encore tout à fait bien éclairée, moins glamour, moins trash, moins rock, mais plus solide, plus safe, certes.
Et si de la boisson ne me reste que la nostalgie, je ne regrette pas d’avoir arrêté il y a un an, et pas avant. Je pense qu’on a chacun son tas de marde à manger (poésie), et on pogne chacun son cut off le jour où on trouve que ça manque de pain (sans gluten).
Quand j’écoute les autres parler de sobriété, ça part de chemins parfois semblables, parfois pas, mais y’a de quoi qui rejoint et c’est ce désir de mieux, et cette gratitude qui vient quand on se donne enfin la chance de s’aider. For whom the sobriété tolls…
Bientôt : Un topo suite à un vox pop sur les bars où vous avez pris vos meilleures brosses. On sera surpris des similitudes dans les établissements pourtant bien différents…
Bon été, et checkez à télécharger l’application @I Am Sober si jamais !