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  • Photo du rédacteurCristina Moscini

Palm Springs, cette fable sur l'alcoolisme



Dans le récent film Palm Springs, sorti sur Hulu en juillet dernier, Nyles, le personnage d'Andy Samberg, est pogné dans un time loop, et il y entraîne aussi le lead féminin du film, Sarah (Cristin Milioti). Jusque là tout est beau; on a droit à une twist très 2020 de l'une des dizaines de déclinaisons cinématographiques de Groundhog Day (Le Jour de la marmotte). Mais, je sais pas si c'est le confinement, ma sobriété encore toute fraîche, mais j'ai la sombre et tendre impression qu'il s'agit dans ce film-là, de nous parler d'alcoolisme et de réhabilitation vers la sobriété.


(Allez écouter le film avant, je va' attendre, parce que *spoilers*, et 'faut qu'on soit à la même vitesse. Allez, j'écris pu...)


*


Bon, vous l'avez-vu ? On y va !


Je m'esplique.

Le film débute alors que Nyles est déjà "pogné" dans un cycle répétitif temporel sans issue. On ne sait pas comment il est tombé là-dedans, on ne sait pas depuis quand. Il nous apparaît désabusé, passe proche de scrapper un mariage avec sa canisse de bière et sa chemise hawaïenne dans un resort de Palm Springs. Jusque là, tout est beau qu'on se dit : un adulescent ronchon en vacances. Rencontre Sarah, qui cale des coupes de vin à ras bord. French-taponne-roule et paf ! Les deux se ramassent rapidement "coincés" dans la "loop temporelle", sans issue de revenir dans le monde extérieur, de revenir "à la réalité". Tous deux condamnés à vivre le même jour dans une éternité sans but, âmes errantes vides de toute excitation nouvelle.


Les parallèles s'accumulent. Dans la direction photo, on met à l'avant-plan les verres, donc intentionnellement, on suggère la consommation. Bières, bouteilles, verres de vin, pichet de margarita, shooters; dans chaque scène (j'ai compté), il y a une référence à l'alcool soit dans une réplique parlée (Combien t'as bu ? Qu'est-ce tu lui as servi ? Donne-moi à boire ! Veux-tu à boire ? J'ai soif !) ou un rappel visuel.


Oui, peut-être qu'on est plus sensible à la consommation exposée, même fictive, quand on ne boit pu, mais c'est l'intention démontrée et répétée, qui suggère selon moi, une fable symbolique.


Je pourzuis...


À force de s'étourdir, les deux se mentent, entre eux et à eux-mêmes. Le film nous est vendu comme une comédie, qui devient tour à tour, comme le dit Roger Ebert (pas un cave), teintée de chagrin, de solitude, de désespoir. Nos deux personnages se sentent coincés, prisonniers de leur condition. Plus rien ne leur est grave, alors ils boivent tous les jours, tous les matins, dans cette éternelle plainte du disque qui saute qu'est devenue leur vie. Ça vous rappelle pas quelque chose, mes soûlons ?


Pour chercher une issue ou pour étancher cette blessure qui grandit de l'absence de but, on voit Nyles (toujours ou presque filmé avec verre à la main) coucher avec tout ce qui bouge, faire des scènes terribles pour casser l'ennui, tenter de se suicider moult fois (avec le même entrain que Bill Murray et la marmotte Phil, ou Nic Cage dans Leaving Las Vegas), s'enfuir, se battre, résister, abandonner, reprendre, pour finalement arriver à un état second où tout lui est égal.


Les films de monde pogné dans le temps explorent souvent le mythe de Sisyphe, soit qu'il faut trouver le bonheur dans le fait de remonter toujours la même christie de roche en haut de la montagne de nos vies mortelles avec l'inéluctable répétition et petitesse de notre signifiance humaine. Mais dans ce cas-ci, ce qu'y a de rafraîchissant, c'est qu'un des personnages à un moment donné souhaite s'en sortir. Sarah dit "J'ai pu le goût que demain soit aujourd'hui encore. Je veux que demain soit demain." Elle disparaîtra de la vie de Nyles quelques temps. On peut s'imaginer une tentative de retour à la sobriété. On la voit étudier, apprendre, chercher tout moyen de s'élever de sa condition, de trouver remède à son mal, bien qu'encore pognée dans la loop, elle ne joue plus les cancres. Pendant ce temps-là, Nyles va chercher de l'aide chez Roy, un autre homme pogné dans la "loop temporelle" par la faute de Nyles, condamné lui aussi à revivre le même jour, prisonnier de sa condition, bien que différente et en père de famille de banlieue. Roy dit ne pas comprendre ce qu'il voulait aller chercher en étant attiré par le fameux vortex temporel (appelons-le entre nous la dépendance), mais que ça lui fait manquer tous les moments importants de sa vie. Il ne verra pas ses enfants grandir, il ne peut profiter sincèrement de l'amour de sa femme, condamné à revivre toujours la même journée. Roy et Nyles ont alors une discussion sur le sens de la vie et notre pouvoir de changer, de trouver ce qui vaut la peine pour passer à travers cette souffrance. Et ils jasent de ça en buvant de la bière. Encore.


Puis, quand Sarah réapparaît, elle prétend avoir trouvé une solution pour échapper à leur enfer. Mais Nyles résiste. Il a peur de perdre Sarah, il est rendu qu'il a peur du monde réel (la sobriété, mettons). Va tu m'aimer encore ? Me choisirais-tu si t'avais le choix, ou c'est notre condition qui fait qu'on est ensemble ? Des questionnements que plusieurs dépendants vivent quant à l'idée d'arrêter de consommer. Nyles choke. Sarah part.


Nyles se retrouve au bar une dernière fois, en sentant son dernier espoir de rédemption lui filer entre les mains. Et dans cette scène, qui se passe dans un dive bar, la motarde alcoolique de service finit par lui dire "Qu'est-ce tu crisses encore icitte ? C'est pas ici que tu vas trouver une solution. Ça deviendra pas meilleur ici. Tout va toujours rester pareil ou s'empirer si tu fais rien." (Traduction libre.) Nyles décrisse, rejoint sa p'tite kioute, les deux s'explosent la tronche dans le vortex temporel, prennent la décision corps à corps de se lancer dans le vide, sans savoir ce qui les attendra de l'autre côté. Comme quand que tu décides d'arrêter de consommer.


Oui, on peut interpréter ça de plusieurs façons. Mais on a choisi de raconter l'histoire complexe de deux personnages intelligents, tour à tour mélancoliques, anxieux, effrayés par les émotions intenses, brisés, et qui se mentent à eux-mêmes. Ça vous rappelle pas quelqu'un, hips ?


À la toute fin du film, dans une scène cachée, on voit Roy, toujours pogné dans la loop, s'adresser à un Nyles qui ne le reconnaît plus, puisqu'il a, avec succès, réussi à s'échapper de la timeline destructrice (de l'addiction)...


En somme, un bon film de confinement, à prendre comme moi au 27e degré et s'en faire du cinéma sur mesure. Mais qui a la même morale pour tout le monde : Les gens se font heurter par les expériences du passé, et se barricadent pour s'empêcher de souffrir. Ces barricades ou béquilles deviennent des habitudes, et ces habitudes deviennent notre personnalité. Mais il faut assumer que la vie peut être meilleure, et cultiver notre vulnérabilité pour guérir, évoluer vers du mieux, pour nous.


Pourquoi se donner ça rof' quand ça peut être doux ?



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