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Photo du rédacteurCristina Moscini

Poésie de comptoir à babord


Mon boire égrillard

m'à boute entraîne

à faire détaler les politesses

et quand je ructe

et quand j'hoquète,

les marins fuient le bateau,

brasserie de bois qui tangue

dans mes nuits sans maison,

insultés raides de ma langue

crachée sans savon


Il s'en vient tard

mon carrosse tout citrouillé

je bois pis je m'agrippe au levier

de ses jeans mouvantes

sans tituber tomber

en bas de mes bottines,

les pieds dans la calle

à danser dans l’étang

de mes tempêtes,

empêtrée et en proue

de son futon gouvernable,

je bois alors jusqu'à en mouiller

du sud au nord

et je m’étends d’est en ouest


je nous vois doubles, deux à deux

à quatre pattes qui roulent

bêtes à deux dos roulés collés,

rouillés coulés,

et les épaules posées

pôles opposés,

ballotée dans le creux de tes bras,

je bois et m'endors

au volant d'ébats

dans le caniveau avant

d'avoir mis les clés

dans le contact

je m'évanouis à cent mille allures

dans les bretelles de taureau

déjà morte mécanique


Au salut du calendrier

je bois pour m'endurer

pour désaffûter les couteaux

qui commencent à atterrir bas

à s'envoler mous

je bois pour me dégriffer

jusqu'aux coudes légers


je bois pour me retourner le dedans

de mitaine imbibée

pour me dire les quatre vérités

en pleine farce

pour échapper un tiens

vomi mieux que deux dégueuleras

pour savoir ce qui ne va pas

chez moi, ou chez ceux d'en face,

je bois

que le chablis sorte du sacre

au vino chéritas !


L'ébouriffage se poursuit

je bois pour me couper la parole

en quartiers dans lesquels je mords

à l'hameçon des pièges

tant étendus

et ça me va comme un gant

de valeur

aux mâchoires d'acier détrempé

qui me câlissent une dérouillée

pas piquée

des verres éclusés


Je...

déglutis mieux qu’une guitare

et j'avale plusse qu’un piano

je tombe, comme un rideau tombe

me déroulant sur les planches

me déhanchant telle une poule

qui dans le cul de laquelle

on aurait mis une bombe !

Et quand je fonce dans les murs

quand le gyproc me couronne,

enfin les voisins se taisent

au récital de mon trémens,

l'assassin, jouait de la soûlonne


Je bois et je boirai le fleuve

même le Saint-Laurent - tel quel

et les lacs du Canada, les Grands

un océan, puis, tous !

Les viderai comme

une piscine hors mer

jusqu'à ce qu'on voit,

au centre et au fond

les terreurs englouties,

les fossiles

des calmars géants

qui me font si peur,

et qui sont la raison,

au fond,

pourquoi je bois.

autant.

*


***Poème composé entre le cégep et le Off-Festival de Poésie de Trois-Rivières en 2017, et remis au goût du jour pour ce blogue.

Illustration « Glitter and greed » de Robert Taylor.


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