Mon boire égrillard
m'à boute entraîne
à faire détaler les politesses
et quand je ructe
et quand j'hoquète,
les marins fuient le bateau,
brasserie de bois qui tangue
dans mes nuits sans maison,
insultés raides de ma langue
crachée sans savon
Il s'en vient tard
mon carrosse tout citrouillé
je bois pis je m'agrippe au levier
de ses jeans mouvantes
sans tituber tomber
en bas de mes bottines,
les pieds dans la calle
à danser dans l’étang
de mes tempêtes,
empêtrée et en proue
de son futon gouvernable,
je bois alors jusqu'à en mouiller
du sud au nord
et je m’étends d’est en ouest
je nous vois doubles, deux à deux
à quatre pattes qui roulent
bêtes à deux dos roulés collés,
rouillés coulés,
et les épaules posées
pôles opposés,
ballotée dans le creux de tes bras,
je bois et m'endors
au volant d'ébats
dans le caniveau avant
d'avoir mis les clés
dans le contact
je m'évanouis à cent mille allures
dans les bretelles de taureau
déjà morte mécanique
Au salut du calendrier
je bois pour m'endurer
pour désaffûter les couteaux
qui commencent à atterrir bas
à s'envoler mous
je bois pour me dégriffer
jusqu'aux coudes légers
je bois pour me retourner le dedans
de mitaine imbibée
pour me dire les quatre vérités
en pleine farce
pour échapper un tiens
vomi mieux que deux dégueuleras
pour savoir ce qui ne va pas
chez moi, ou chez ceux d'en face,
je bois
que le chablis sorte du sacre
au vino chéritas !
L'ébouriffage se poursuit
je bois pour me couper la parole
en quartiers dans lesquels je mords
à l'hameçon des pièges
tant étendus
et ça me va comme un gant
de valeur
aux mâchoires d'acier détrempé
qui me câlissent une dérouillée
pas piquée
des verres éclusés
Je...
déglutis mieux qu’une guitare
et j'avale plusse qu’un piano
je tombe, comme un rideau tombe
me déroulant sur les planches
me déhanchant telle une poule
qui dans le cul de laquelle
on aurait mis une bombe !
Et quand je fonce dans les murs
quand le gyproc me couronne,
enfin les voisins se taisent
au récital de mon trémens,
l'assassin, jouait de la soûlonne
Je bois et je boirai le fleuve
même le Saint-Laurent - tel quel
et les lacs du Canada, les Grands
un océan, puis, tous !
Les viderai comme
une piscine hors mer
jusqu'à ce qu'on voit,
au centre et au fond
les terreurs englouties,
les fossiles
des calmars géants
qui me font si peur,
et qui sont la raison,
au fond,
pourquoi je bois.
autant.
*
***Poème composé entre le cégep et le Off-Festival de Poésie de Trois-Rivières en 2017, et remis au goût du jour pour ce blogue.
Illustration « Glitter and greed » de Robert Taylor.