Du 8 au 10 octobre dernier se tenait la très attendue édition du Off-Festival de poésie de Trois-Rivières. J'ai eu le plaisir d'être invitée à réciter du texte pour la soirée Cartes Blanches, en collaboration avec Lunes MTL. Voici ce que j'ai récité, devant une salle de genses sympathiques, et entourée de poètes / musiciennes / danseuses inspirantes, au 507 rue St-Georges.
Samedi 9 octobre, 19h56.
Il y a 5 ans ce soir même, je me tenais difficilement debout au bar le Mot-Dit, ici, à Trois-Rivières, avec une version de ce poème que j'avais de la misère à lire. Pour son contenu, peut-être, mais j'avais de la misère à lire, en fait, entoute honnête vérité, parce que j'étais paquetée. La plus paquetée du micro ouvert, la plus paquetée de la rue Champlain jusqu'au coin des Forges, la plus paquetée de Trois-Rivieres, la plus paquetée de 2016.
Je promenais mon alcoolisme,
comme un athlète déchu promène
ses médailles lourdes, ternies,
qui frappent son chest à la cadence
de sa marche.
Comme un rythme et tambour
cruel de ma destruction,
Avalée comme un velours.
Je ne consomme plus depuis 19 mois. J'aimerais ce soir,
comme une bonne
dépendante en rémission,
m'offrir une rédemption
en presque quadrains. Et.
Pour, probablement la
première fois de toute ma vie,
prendre parole,
lire ce poème - à jeun,
sans bafouiller, sans zozoter,
sans m'accrocher,
dans mes lettres attachées.
Ça va toupetit comme suit :
*
Mon boire égrillard
m'à boute entraîne
à faire détaler les politesses
et quand j'éructe en héroïne
et quand j'hoquète
des phrases complètes,
les marins fuient le bateau,
brasserie de bois qui tangue
sous mes pieds maritons,
insultés raides de ma langue
crachée sans savon
Il s'en vient tard
mon carrosse s'encitrouillise
Jeune chaudronne,
Je me cendrillonne et,
je bois pis je m'agrippe au levier
de tes jeans mouvantes
sans tituber tomber par
en bas de mes bottines
les pieds dans la calle
à danser dans l’étang
de mes tempêtes
me voilà déjà en bas
de ton futon gouvernable,
Et je danse le plancher flottant
comme un last call alanguissant
je bois alors
jusqu'à en mouiller
du sud au nord
et je m’étends d’est en ouest
Je nous vois doubles, deux à deux
à quatre pattes qui roulent
bêtes à deux dos rouillés coulés,
roulés collés,
et les épaules posées
pôles opposés,
ballotée dans le creux de tes bras,
je bois et m'endors
au volant de nos ébats,
les clés dans le contact
je m'évanouis à cent mille allures
dans les bretelles du taureau
déjà morte, mécanique
Au salut du calendrier
je bois pour m'endurer
pour désaffûter les couteaux
qui commencent à atterrir bas
à s'envoler mous
je bois pour me dégriffer
jusqu'aux coudes, légers
Je bois pour me retourner le dedans
de mitaine imbibée
pour me dire les quatre vérités
en pleine farce,
j'iglou et je reglou,
à cent, à mille tiennes, Étienne,
pour échapper un tiens
vomi mieux que deux dégueuleras
pour savoir ce qui ne va pas
chez moi,
ou chez ceux d'en face,
pourquoi pas,
je bois
que le chablis sorte du sacre
au vino chéritas !
Mais l'ébouriffage se poursuit,
sans amertume ni trop de ressort,
je bois pour me couper la parole
en quartiers dans lesquels je mords
à l'hameçon des pièges tant étendus,
et ça me va comme un gant de valeur
aux mâchoires d'acier détrempé
qui me câlissent une dérouillée
pas piquée, des verres éclusés
Il y a longtemps que j'ai
perdu tout mon sens
En ai-je jamais vraiment eu ?
Je...
déglutis mieux qu’une guitare
et j'avale plusse qu’un piano
je tombe, comme un rideau tombe
me déroulant sur les planches
me déhanchant telle une poule
qui dans le cul de laquelle
on aurait mis une bombe !
Et quand je fonce dans les murs
quand le gyproc me couronne,
enfin les voisins se taisent
au récital de mon trémens,
l'assassin, jouait de la soûlonne
Je bois et je boirai le fleuve
même le Saint-Laurent - tel quel
et les lacs du Canada, les Grands,
un océan, puis, tous les étangs !
Les viderai comme
une piscine hors mer
jusqu'à ce qu'on voit,
au centre et au fond
les terreurs englouties,
les fossiles
des calmars géants
ou bien de nos grands-parents,
Ou bien des leurs avant,
qui me font si peur,
et qui sont la raison,
je crois, au fond,
pourquoi je bois.
autant.
*
Je me cherchais
des pères et des pairs
dans des draps d’époux
Battement de cœur par bouteille
J’avais dans la gorge
Le goût du vomi,
et du tabac de mes excès
L’écho de bruits de party
où on m'avait pas invitée
Le froid des nuits
Qui m'ont laissée tomber
Dans une rue dehors,
je pense à boire, fort.
Et je me vois, encore,
Répéter ces mots aux âmes
Égarées pognées pour m'entendre :
"J’ai jamais rencontré un verre
Que j’aimais pas..."
J’ai gardé ces mots
Comme du vomi dans ma bouche
Et je les ai promené
Pendant ce temps
Gargarisés
Pour en faire, un caramel...
Comme une huître
Qui passerait, enfin,
de son grain d'sable
Aux petites crisses,
de perles agréables.
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